Washington impose des droits de 220% à Bombardier

Publié le 26/09/2017 à 18:00, mis à jour le 27/09/2017 à 13:39

Washington impose des droits de 220% à Bombardier

Publié le 26/09/2017 à 18:00, mis à jour le 27/09/2017 à 13:39

Tel que prévu, les autorités américaines ont annoncé ce mardi l’imposition d’importantes mesures punitives contre Bombardier sur la vente de ses avions de gamme CSeries, aux États-Unis.

Dans une décision attendue, le département américain du Commerce a décidé d’imposer des droits compensateurs de 219,63% sur l’achat par des entreprises américaines de tout avion de la gamme CSeries, commercialisées par la multinationale québécoise. C’est plus que trois fois le taux qu’avaient envisagé les plus pessimistes des observateurs de l'industrie, au Canada comme aux États-Unis.

Sans tarder, les travailleurs de l'industrie et toute la classe politique du pays ont fait front commun en appui à l'avionneur canadien, accusé par le géant américain de profiter de subventions des gouvernements du Québec, d'Ottawa et de la Grande-Bretagne. Pour sa part, Bombardier (Tor., BDB.B) a répliqué par une déclaration officielle de cinq paragraphes, laissant planer aucun doute quant à son intention de se défendre sans ménagement contre les attaques qui lui sont portées aujourd'hui, tant par Boeing (NYSE:BA) que par les autorités réglementaires américaines.

«Nous sommes totalement en désaccord avec la décision préliminaire du département américain du Commerce, déclare la direction montréalaise. L’ampleur des droits suggérés est absurde et déconnectée de la réalité du financement de programmes d’avions de plusieurs milliards de dollars. Ce résultat démontre ce que nous disons depuis des mois : les lois américaines du commerce n’ont jamais été conçues pour être appliquées de cette manière et Boeing tente d’utiliser un processus biaisé pour étouffer la concurrence et priver les compagnies aériennes américaines et leurs passagers des bénéfices des avions CSeries

Une décision «ridicule» selon Bombardier

Le tout a débuté en avril dernier, lorsque Boeing avait porté plainte au département américain du Commerce et à la International Trade Commission (ITC) afin que les États-Unis prennent des mesures contre Bombardier, dont elle estime les pratiques déloyales. Ce geste exceptionnel suivait de peu la commande de 75 avions CS100 décrochée par Delta Air Lines à un prix jugé «dérisoire». Boeing prétend que Delta ne paiera que 19,6 M$US pour chacun des CS100, alors qu’il en couterait plus de 30 M$US à construire.

Dans sa demande, le géant de Chicago réclamait l'imposition par les États-Unis d'un droit compensateur de 79,41%, auquel s’ajouterait un droit antidumping de 79,82 %. La décision d’aujourd’hui d'imposer, contre toute attente, des droits de 219,63% sur les avions vendus par Bombardier à ses clients américains auraient pour conséquence de tripler le coût d’acquisition total des appareils, empêchant pour ainsi dire Bombardier d'accéder au plus lucratif marché en aviation commerciale sur la planète. 

«C’est un chiffre ridicule (le niveau de taxation imposé) qui montre à quel point Boeing, probablement de mèche avec le département du Commerce, savait ce qu’elle faisait en portant plainte au département américain du Commerce américain», a déclaré Olivier Marcil, vice-président relations externes de Bombardier, dans une mêlée de presse improvisée devant le siège social de l’entreprise, quelques minutes après l’annonce de Washington.

Quoi qu'il en soit, la décision rendue aujourd’hui est préliminaire, insiste Bombardier. L’ITC doit encore évaluer l’importance des dommages subis et statuer au cours des prochains mois sur le taux définitif qui sera attribué aux droits imposés. Cette décision ne doit être rendue qu’en 2018, soit l’année où Bombardier prévoit commencer la livraison de ses appareils CS100 à Delta Airlines.

«Une attaque frontale», dit Anglade

Au cours des dernières semaines, cette dispute a incité Ottawa à s'impliquer du dossier, laissant entendre à plusieurs reprises qu'il pourrait abandonner son projet d'acquisition de 18 avions de combat Super Hornet, construits par Boeing. En fin de journée mardi, le premier ministre Justin Trudeau a réitéré sa position, rappelant sa détermination à défendre les intérêts de Bombardier et de ce secteur majeur de l’industrie manufacturière canadienne.

Sur un ton tout aussi ferme, le gouvernement du Québec a qualifié d'«abusive et insensée» la décision du Département du commerce américain. La ministre de l'Économie, de la Science et de l'Innovation, Dominique Anglade, a réitéré que la plainte de Boeing constituait une «attaque frontale» contre un secteur important de l'économie québécoise et que le gouvernement entendait poursuivre ses actions afin de protéger becs et ongles les intérêts de l'ensemble de l'industrie et ses travailleurs.

«Nous ne ménagerons aucun effort pour défendre les intérêts de travailleurs de l'industrie aérospatiale québécoise, en collaboration avec le gouvernement fédéral, a déclaré la ministre Anglade. La participation du gouvernement du Québec dans le projet de la C Series s'est faite dans le respect des règles internationales du commerce, tout comme l'ensemble des interventions gouvernementales touchant au secteur aérospatial québécois.»

Les droits antidumping encore à venir

Dans les minutes suivant la décision de Washington, David Chartrand, coordonnateur québécois de l’Association internationale des machinistes et travailleurs de l’aéronautiques (AIMTA), a confié à Les Affaires être dégoûté par la tournure des événements, jugeant «dégueulasses» les pratiques de Boeing et «ridicule» le niveau de droit imposé par le département américain du Commerce.

«Cela démontre, encore une fois, à quel point le gouvernement doit tout faire pour renforcer l’ALENA, cet accord commercial qui n’a plus de libre-échange que son nom», a réagi M. Chartrand, représentant syndical de 35 000 travailleurs de l'industrie aérionautique et du transport aérien au Canada.

De son côté, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) par la voix de sa vice-présidente principale, Martine Hébert, a dit craindre que cette décision ait des impacts négatifs sur les fournisseurs de Bombardier, en particulier les PME. Comme plusieurs petites entreprises comptent ces PME parmi leurs clients, elle craint que d’autres industries viennent aussi à souffrir de la situation.

La décision de mardi ne concernait que la premier volet de la plainte de Boeing. La réponse des États-Unis au second volet, concernant spécifiquement les allégations de dumping contre Bombardier, est attendue pour mercredi prochain, 4 octobre.

L’avionneur s’attend-t-il à l’imposition de droits antidumping d’une même importance? Tout en tâchant de se montrer confiant, Olivier Marcil, vice-président relations externes de Bombardier a répondu : «Compte tenu de la décision d’aujourd’hui, je pense qu’on peut maintenant s’attendre à n’importe quoi.»

Siemens préfère Alstom

Enfin, pour ne rien aider, Siemens a annoncé ce mardi après-midi avoir choisi de faire équipe avec la française Alstom, plutôt qu’avec la division ferroviaire de Bombardier. Le groupe allemand a annoncé l'acquisition de la moitié des parts d'Alstom, dans une ultime tentative visant à contrer les avancées internationales  de la société chinoise CRRC depuis quelques années.

À la Bourse de Toronto ce mardi, le titre de Bombardier a grimpé de 0,13$, ou de 6,07%, pour clôturer à 2,27$. Au cours des quatre dernières semaines, la valeur de son titre a connu une chute de 16,08%, ou de 0,41$.

Pendant ce temps, à la Bourse de New-York, le titre de Boeing a reculé aujourd’hui de 0,24%, ou 0,62$, pour clôturer la séance à 253,70$. Au cours du dernier mois, la valeur de son titre a grimpé de 18,43$, ou de 7,81%

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