Les cinq qualités essentielles pour être un bon investisseur


Édition du 07 Avril 2018

Les cinq qualités essentielles pour être un bon investisseur


Édition du 07 Avril 2018

Par Philippe Leblanc

En gros, à long terme, ce sont les chiffres qui parlent le plus fort, pas les émotions. [Photo: 123RF]

L'univers de l'investissement n'est pas fait pour tout le monde. C'est encore plus vrai pour le créneau que l'on appelle « stock picking » où l'investisseur effectue sa propre recherche et choisit lui-même les titres qui constituent son portefeuille. Pour réussir en Bourse, il faut des qualités qui permettent de naviguer dans cet univers sans cesse changeant où les sources de distraction et de déstabilisation psychologique sont omniprésentes. La recette pour réussir en Bourse n'est pas compliquée : on achète une brochette de sociétés de qualité à bon prix et on les garde très longtemps. Même si la recette est simple, l'atteinte du succès est toutefois particulièrement difficile. Le succès n'est pas nécessairement lié aux connaissances de l'investisseur, mais bien plus à sa force de caractère. C'est bien davantage une question d'estomac que de cerveau !

Voici, selon moi, les cinq qualités nécessaires pour réussir en Bourse à long terme :

1. La patience

Les données historiques boursières le montrent clairement : la Bourse est le meilleur véhicule d'investissement pour s'enrichir à long terme. Selon Morningstar, dans sa revue annuelle Ibbotson SBBI Classic Yearbook, édition 2015, le rendement annuel composé des titres boursiers nord-américains de grande capitalisation a été de 10,1 % de 1925 à 2015. Cela se compare à 5,7 % pour les obligations gouvernementales 10 ans et à 3,5 % pour les obligations à court terme (t-bills) pour la même période. Pour profiter de ces rendements, il faut toutefois être constamment présent sur le marché boursier. De nombreux investisseurs investissent en Bourse en dilettante.

Il faut s'enlever de la tête qu'il est possible, voire souhaitable, d'obtenir des rendements attrayants rapidement. Je me souviens de mes premiers pas en Bourse au début des années 1990. Les premiers titres de sociétés que j'ai achetés n'étaient pas de grande qualité (tant s'en faut). J'espérais le coup de circuit rapide, mais les rendements que j'ai obtenus au cours des premières années ont été très ordinaires (un euphémisme). Avec les années (j'investis maintenant depuis plus de 25 ans), ma méthode d'investissement a gagné en maturité et je sais que les rendements boursiers ne se commandent pas ; ils surviennent souvent au moment où on s'y attend le moins.

2. Des nerfs solides

Si la Bourse est payante à long terme, c'est loin d'être toujours le cas à court terme. Les corrections sont courantes en plus d'être imprévisibles. C'est sans compter que vous aurez constamment en portefeuille des titres qui connaissent des corrections importantes. Dans le récent rapport annuel 2018 de Berkshire Hathaway, Warren Buffett nous en présente une belle preuve. Il prend pour exemple le titre de Berkshire, possiblement une des sociétés les plus conservatrices et les moins risquées du S&P 500 américain. En dépit de son historique de rendement exceptionnel (un rendement annuel composé de 20,9 % entre 1964 et 2017), le titre a connu, au cours de son histoire, quatre baisses marquées qui en auraient effrayé plus d'un :

Mars 1973 à janvier 1975 : - 59,1 %

2 octobre au 27 octobre 1987 : - 37,1 %

19 juin 1998 au 10 mars 2000 : - 48,9 %

19 septembre 2008 au 5 mars 2009 : - 50,7 %

Il faut donc apprendre à vivre avec la volatilité souvent extrême de la Bourse (à la hausse comme à la baisse) et à traverser les mauvaises périodes sans trop s'inquiéter. De fait, les meilleurs investisseurs voient la volatilité comme leur meilleure alliée, car elle permet souvent de faire le plein d'aubaines.

3. Le rationalisme et la marge de sécurité

Benjamin Graham, le père de l'analyse fondamentale, a écrit : « À court terme, le marché boursier est une machine à voter, mais à long terme, c'est une machine à peser. » Je crois que M. Graham voulait dire par là que l'évolution à court terme du cours d'un titre dépend en grande partie de facteurs non fondamentaux tels que la popularité de la société ou de son secteur. À long terme, toutefois, son évolution dépendra généralement d'une seule chose : la progression de ses profits. Trouvez aujourd'hui une entreprise dont le titre se vend à des ratios d'évaluation raisonnables et dont les profits doubleront au cours des cinq prochaines années et vous êtes pratiquement assuré de faire de bons rendements. En gros, à long terme, ce sont les chiffres qui parlent le plus fort, pas les émotions.

Un autre aspect fondamental de l'investissement est le concept de la marge de sécurité qui a aussi été imaginé par M. Graham. La Bourse et l'investissement sont des univers où on ne peut jamais être certain à 100 % ni de son évaluation d'un titre, ni du bien-fondé d'une décision. C'est pourquoi il faut couvrir ses arrières en cas d'erreur, question de minimiser les dégâts. Lorsqu'on achète un titre, il faut que ce soit parce qu'on croit qu'il est sensiblement sous-évalué par rapport à l'estimation que l'on fait de sa valeur intrinsèque - de 20 % ou 30 %, voire davantage.

4. La capacité d'aller à contre-courant

Par définition, l'investisseur « valeur » investit à contre-courant de la masse des autres investisseurs. Les titres pour lesquels le consensus est favorable sont rarement des aubaines. Celui que vous achèterez parce qu'il vous semble vraiment peu cher sur une base fondamentale aura inévitablement quelques verrues. Les questions que vous devrez vous poser sont les suivantes : « Est-ce que ces problèmes sont insurmontables ? Est-ce que la société devrait avoir réussi à régler ses problèmes d'ici deux ou trois ans ? »

Je me souviens qu'en 2011, les investisseurs avaient en quelque sorte lancé la serviette sur le titre de la société Visa. Celui-ci avait perdu près de 25 % de sa valeur parce que le gouvernement américain menaçait de resserrer les règles concernant les transactions de débit traitées par les sociétés telles que Visa. On pouvait alors acheter le titre de cette société de qualité à près de 15 fois les bénéfices. En revanche, il fallait aussi accepter de vivre avec l'incertitude et le risque lié à la nouvelle réglementation. La société a su traverser cette crise. Aujourd'hui, son titre s'échange à près de 28 fois les bénéfices par action prévus et sa valeur a été multipliée par sept.

5. La capacité d'endurer la critique et l'échec

Dans un portefeuille bien diversifié, peu importe qu'il compte 25 ou 60 titres, vous aurez toujours des sociétés qui traîneront de la patte. Ce qui compte est l'ensemble du portefeuille. L'univers de la Bourse n'est pas fait pour le perfectionniste qui s'attend à avoir raison à tout coup.

Aussi, si votre objectif est d'obtenir des rendements supérieurs au marché dans son ensemble, il faudra inévitablement vous démarquer des indices boursiers. Vous choisirez peut-être de détenir un portefeuille relativement concentré de 20 ou 25 titres, ou vous déciderez de ne pas investir dans les titres de secteurs des ressources naturelles que vous jugerez trop cycliques. Se démarquer des indices est à mon avis la seule façon d'avoir une chance de surpasser les indices à long terme. Elle vient toutefois avec un inconvénient certain : vous connaîtrez des périodes de sous-performance par rapport au marché, lesquelles pourront durer assez longtemps. C'est le prix à accepter de payer pour battre le marché à long terme.

Il n'y a pas de recette miracle pour réussir en Bourse. De fait, il y a probablement autant de méthodes pour réussir qu'il y a d'investisseurs boursiers. La clé est de trouver la méthode qui convient le mieux à votre personnalité. Mais quelle que soit celle que vous choisirez, vous devrez avoir développé ces cinq qualités pour réussir à long terme.

EXPERT INVITÉ 
Philippe Le Blanc
est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la «Lettre financière COTE 100». Plusieurs comptes sous la gestion de COTE 100 possèdent des actions de Berkshire Hathaway.

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