Dans le contexte économique actuel, beaucoup de gens auront à choisir entre s’acheter une motoneige, une motomarine, ou réduire le montant de leur hypothèque. (Photo: courtoisie)
Alors que la Banque du Canada vient d’amorcer un cycle de baisse des taux d’intérêt, peut-on espérer que celui-ci permette à BRP de retrouver en Bourse la tendance à la hausse qui avait fait le bonheur des investisseurs au sortir de la pandémie?
Le constructeur de véhicules sportifs motorisés de Valcourt était alors devenu une des coqueluches du Québec, son titre touchant un sommet historique de 125 $ en octobre 2021 après être tombé aussi bas que 20 $ un an et demi plus tôt lorsque l’Amérique comprit qu’elle allait devoir faire face à cette pandémie.
Les investisseurs réalisèrent alors que le maintien des taux d’intérêt à zéro allait permettre de soutenir l’économie et que les affaires de BRP avaient de bonnes chances de prospérer dans un tel contexte.
La suite des événements allait se dérouler en deux temps. D’abord, une demande si forte pour les produits de consommation discrétionnaire et une chaîne d’approvisionnement qui connaissait des ratés firent en sorte que BRP arrivait à peine à répondre à la demande de ses clients. Un réseau de concessionnaires bien organisé vendait à l’avance une bonne partie des livraisons à venir. Les perspectives de croissance de la production et de la rentabilité ne cessaient de croître.
Puis, en mars 2022, les banques centrales du Canada et des États-Unis ont amorcé un cycle de resserrement de la politique monétaire afin de contrer la montée de l’inflation.
La hausse des taux d’intérêt a progressivement eu raison de la demande des consommateurs, si bien que l’entreprise a récemment été contrainte d’annoncer une diminution importante de sa production afin de réduire les stocks chez ses concessionnaires, tout en diminuant ses prix et en augmentant les promotions.
Cette annonce survenue le 31 mai a eu comme effet de ramener le cours de l’action au bas du corridor de fluctuations, entre 80 $ et 120 $, à l’intérieur duquel il évolue depuis l’automne 2021(Voir graphique).
La bonne stratégie
En prenant la décision de réduire ses livraisons à ses concessionnaires et d’augmenter son soutien promotionnel malgré les effets négatifs à court terme que cela comportait pour elle, la direction de BRP adopte la bonne stratégie, car elle maintient ainsi la valeur de son offre à ses clients tout en soignant bien l’achalandage avec sa base de concessionnaires, explique Benoit Poirier, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins. Cela garantit que la société profitera pleinement d’une éventuelle reprise du secteur, selon lui. En conséquence, il réitère sa recommandation d’achat, mais il réduit de façon notable son cours cible sur un an, qui passe de 137 $ à 116 $
Par ailleurs, bien que les plus récents résultats aient été relativement conformes aux attentes, la direction a cru bon de réviser à la baisse ses prévisions pour l’ensemble de son année financière 2025.
Pourtant, sa prévision de bénéfice par action de 7,25 $ à 8,25 $ semblait déjà conservatrice, note Cameron Doerksen, analyste à la Financière Banque Nationale. Ainsi, cette nouvelle révision qui porte la prévision de bénéfice par action entre 6,00 $ et 7,00 $ se révèle une surprise plutôt négative, selon lui. Il maintient néanmoins sa recommandation à « surperformance », mais il réduit légèrement son cours cible sur un an, qui passe de 112 $ à 109 $.
Les taux d’intérêt
La mollesse actuelle du secteur de la consommation discrétionnaire et le niveau des taux d’intérêt continuent de restreindre l’enthousiasme de certains gestionnaires de portefeuille quant aux perspectives de reprise de la demande pour ces biens non essentiels et souvent fort chers.
Dans le contexte économique actuel, beaucoup de gens auront à choisir entre s’acheter une motoneige, une motomarine, ou réduire le montant de leur hypothèque qui devra être renouvelée à un taux d’intérêt plus élevé, souligne Jean-Paul Giacometti, vice-président et gestionnaire de portefeuille à Claret.
Cela n’annonce certainement rien d’excitant à court terme. « Dans ce contexte, il faudrait que le titre tombe à 60 $ pour susciter chez nous un certain intérêt », confie-t-il.
La reprise des dépenses de consommation prendra un certain temps, explique Philippe Côté, gestionnaire de portefeuille pour le Groupe Eterna. « Les trois prochains trimestres risquent de ne pas être très bons pour BRP », dit-il. Mais il aime bien la stratégie de la société d’appuyer ses détaillants. Il estime qu’elle portera ses fruits dans les prochaines d’année. « BRP peut le faire étant donné que ses marges demeurent bonnes », dit-il.
Un soutien qui doit tenir
L’image que projettent les fluctuations du cours de l’action depuis deux ans montre clairement que le titre a pu profiter d’un solide niveau de soutien (ligne ombragée rose) qui a su freiner à 80 $ tous les reculs du titre. Il devient impératif que cet appui ne soit pas enfoncé, explique Monica Rizk, analyste technique senior pour les publications Phases & Cycles. Si ça devait être le cas, la confiance des investisseurs serait certes ébranlée et le titre pourrait alors reculer assez rapidement.
Selon elle, il faut souhaiter que le titre rebondisse à partir de son niveau de support et se maintienne dans la région de 105 $ pour espérer qu’il retrouve une tendance haussière semblable à celle des années 2020-2021.