Pourquoi la Bourse de Toronto ne fête pas le nouvel Aléna?

Publié le 01/10/2018 à 15:36

Pourquoi la Bourse de Toronto ne fête pas le nouvel Aléna?

Publié le 01/10/2018 à 15:36

Par Dominique Beauchamp

La réaction pour le moins glaciale de la Bourse de Toronto au nouvel accord de libre-échange surprend à première vue.

L’indice S&P/TSX gagnait à peine 0,19% en fin d'après-midi, après avoir grimpé de 0,6% à l’ouverture, le 1er octobre.

On se serait attendu à plus de célébrations étant donné l’épée de Damoclès qui pesait sur l’économie et les entreprises canadiennes pendant 13 mois de dures négociations.

Tout d’abord, une entente éventuelle figurait parmi les scénarios de la plupart des économistes.

Un indice plus international que nord-américain

«La réaction mitigée s’explique aussi par le fait que la construction même de l’indice reflète bien peu l’économie canadienne sous-jacente et donc l’influence de l’Aléna», explique Douglas Porter de BMO Marchés des capitaux.

Les banques et les assureurs ( 34% de l’indice), les matériaux (10%) et l’énergie (19%) sont peu touchées directement par les tarifs, dit-il.

L’accord en soit ne règle pas non plus les problèmes fondamentaux de compétitivité du Canada ni l’énorme rabais auquel s’échange le pétrole canadien par rapport aux cours américains et mondiaux.

«L’indice S&P/TSX est beaucoup plus sensible à l’économie mondiale qu’à l’économie nord-américaine. Or, les tensions entre les États-Unis et la Chine demeurent élevées», rappelle pour sa part Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity.

L’indicateur de croissance mondiale de Markit révèlent que le secteur manufacturier est tombé pour un cinquième mois en septembre, à un plancher de deux ans.

Quelques gagnants

Comme prévu ce sont les industries les plus exposées aux tarifs qui réagissent le plus, tels que les fabricants de pièces d’autos et industrielles et l’industrie laitière.

Ainsi dans le secteur automobile qui compte pour seulement 1,1% de l’indice, Martinrea (MRE, 14,75$) bondit de 12%, Magna International (MG, 69,57$) de 2,6% et Linamar (LNR, 63,90$) de 7,5%.

«C’est une bonne nouvelle puisque les États-Unis n’imposera aucun tarifs (au lieu de la menace de 25%) sur les automobiles fabriquées au Canada tant que la production annuelle restera inférieure à 2,6 millions de véhicules (40% de plus que le niveau actuel). Par contre, les tarifs américains imposés sur l’acier et l’aluminium canadiens restent pour l’instant», explique Peter Sklar, de BMO Marchés des capitaux.

Le distributeur de produits d’acier Russel Metals (RUS, 27,89$), qui a avalé la Québécoise Acier Leroux, il y a longtemps, gagne 4%, parce que les chances s’améliorent que les tarifs sur l’acier soient aussi levés, croit Frederic Bastien de Raymond James.

La construction d’un nouveau gazoduc pour acheminer du gaz liquéfié en Colombie-Britannique est aussi de bon augure pour l’acier de Russell, dit-il. Son cours-cible de 35$ offre un gain potentiel de rebond de 29%.

En tant que maillons essentiels du commerce entre les deux pays, les transporteurs ferroviaires, Canadien National (CNR, 117,01$) et Canadien Pacifique (CP, 276,71$) s’apprécient modestement de 1% et 1,3% chacun.

Ceci dit. Les actions canadiennes ont rarement été aussi peu chèrement évaluées par rapport à leurs cousines américaines. Le nouvel accord pourrait améliorer la perception envers le Canada et aider à réduire le fossé d’évaluation, croit tout de même M. Porter.

Les économistes ne relèvent pas leurs prévisions …

De plus, les économistes avaient dans l’ensemble misé sur la signature d’un nouvel accord, si bien que leurs prévisions économiques ne changement pas.

M. Porter prédit toujours une croissance économique de 2% pour le Canada en 2019, par rapport à celle de 2,1% en 2018.

«Globalement, l’accord élimine surtout l’impact potentiel qu’auraient eu les pires exigences de Washington» , ajoute aussi M. Porter, en reconnaissant qu’il est possible que ses prévisions soient relevées.

…mais prévoient trois hausses de taux en 2019

En même temps, la Banque du Canada a désormais le champs plus libre pour relever son taux directeur pour prévenir un retour en force de l’inflation.

« Ses hausses resteront graduelles et la banque centrale voudra voir que les investissements des entreprises et les exportations s’améliorent, avant d’augmenter ses propres prévisions », prévient l’économiste.

Après la hausse prévue le 24 octobre, M. Porter table sur trois autres tours de vis, en janvier, avril et juillet.

Même son de cloche de Krishen Rangasamy, économiste à la Financière Banque Nationale.

«L’accord lève le dernier obstacle à la normalisation de la politique monétaire. La Banque centrale, qui s’inquiétait des exportations et de l’investissement, pet maintenant s’attaquer avec vigueur à la montée des tensions inflationnistes», écrit-il.

L’inflation de base, en août, avait atteint son plus haut niveau depuis 2012, rappelle-t-il.

En plus de la hausse du taux directeur d’octobre, M. Rangasamy s’attend aussi à trois augmentations de plus en 2019.

«La politique serait encore stimulante avec des taux réels (moins l’inflation) encore près de zéro. À moins d’un choc inattendu, la croissance économique ne s’arrêtera pas malgré ces hausses du loyer de l’argent», assure-t-il.

Le fardeau de la dette des ménages devrait rester gérable tant que le marché du travail demeurera résilient, ajoute l’économiste.

Le secteur immobilier semble aussi se diriger vers un atterrissage en douceur marqué par une modération des prix et des ventes.

«Tout bien compté, grâce à la prudence de la banque centrale et aux dépenses préélectorales du gouvernement fédéral, le PIB réel devrait en croître au-delà de son potentiel l’an prochain», conclut M. Rengasamy, qui maintient ses prévisions de 1,9%.

Ottawa doit s’attaquer aux désavantages canadiens

L’économiste s’attend à ce que le gouvernement Trudeau dévoile des mesures cet automne pour relever la position concurrentielle des entreprises canadiennes qui sont pénalisées par rapport à leurs rivales américaines moins imposées.

M. Rangasamy aimerait bien voir des mesures incitatives pour que les entreprises haussent leurs dépenses en recherche et développement et leur capacité d’innovation.

«Courtiser les immigrants qualifiés est une bonne carte à jouer pendant que les États-Unis ferment leurs portes», précise-t-il.

Et pour créer des incubateurs d’innovation, il faut aussi des infrastructures, un domaine dans lequel «Ottawa doit intervenir d’urgence», insiste l’économiste.

Les investissements consacrés aux infrastructures représentent à peine 3,7% du PIB, le plus faible tau depuis 2009, renchérit-il.

 

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