La montréalaise LXR se paye le luxe de la Bourse pour tripler de taille

Publié le 15/06/2017 à 08:26

La montréalaise LXR se paye le luxe de la Bourse pour tripler de taille

Publié le 15/06/2017 à 08:26

Par Dominique Beauchamp

LXR offre ses sacs à main vintage de grandes marques de luxe dans 61 micro-boutiques dans les grands magasins d'Amérique du Nord et d'Europe. (Photo:LXR & Co.)

Couvé depuis 16 mois par le fonds de Joseph Mimran, le créateur derrière les marques Joe Fresh, Club Monaco et Caban, LXR Produits de luxe international entre en Bourse pour accélérer son plan d’expansion.

Le détaillant LXR(LXR, 9,90$) fondé à Montréal en 2010 par le couple Frédérick Mannella et Kei Izawa pour revendre des sacs à main d’occasion de marque Hermès, Louis Vutton, Gucci ou Chanel entre autres vise à faire passer de 61 à 205 le nombre de ses micro-boutiques à l’intérieur d’autres grands détaillants d’ici la fin de 2018. D'ici 2021, un objectif de 500 est visé.  

Il faut croire qu'il y a un marché pour les produits vintage de luxe puisque LXR prévoit des revenus 130 à 150 millions de dollars à la fin de 2018, soit sept fois plus que les 21M$ réalisés en 2016.

«Cette expansion paraît rapide, mais les boutiques de 250 pieds carrés ne coûtent que 37500$ à aménager et réalisent des ventes de 2275$ au pied carré. Les sacs à main Birkin peuvent se détailler 15000$US et une montre Cartier vintage 2500$US, mais la facture moyenne tourne autour de 750$US», indique le volubile M. Mannela, en entrevue.

Le PDG de 32 ans compare son mode de fonctionnement à celui du géant des cosmétiques L’Oréal qui exploite une multitude de kiosques qui requièrent de 2 à 5 employés seulement.

«Les judicieux conseils de l’administrateur Javier San Juan, la patron de L’Oréal Amérique, qui siège au conseil, ont d’ailleurs été d’une grande valeur», confie-t-il.

Signe que la jeune entreprise prend un galon,LXR & Co. vient de conclure un nouveau financement bancaire de 25 M$ avec la Banque CIBC. 

Rachat par la coquille Gibraltar déjà en Bourse

LXR est entrée en Bourse par la porte côté jardin dans un rachat inversé qui a vu Gibraltar Growth Corp., la société d'acquisition à vocation spécifique ou SAVS créée par M. Mimran pour soutenir des entrepreneurs, acquérir LXR pour 82,5M$.

Les progrès de LXR ont été suffisamment probants après deux rondes de financement totalisant 4,6M$, pour que M. Mimran et ses partenaires proposent carrément un rachat en février 2017.

M. Mimran et ses partenaires ont aidé LXR à recruter des cadres d'expérience pour appuyer l'expansion des magasins et ont aussi pris en charge le site transactionnel lxrco.com avant de le céder à LXR, en janvier. 

Le rachat inversé s’est accompagné d’un placement privé d’actions de 25 millions de dollars dont environ 12M$ financeront l’ouverture de 144 autres micro-boutiques d’ici la fin de 2018. Gibraltar et ses associés ont participé à ce placement à la hauteur de 3M$.

«Ce capital devrait suffire à nos besoins pour les deux prochaines années au moins», a indiqué l’enthousiaste M. Mannella.

Dans l’immédiat, LXR a remboursé une marge de crédit d’une banque texane ainsi qu’un prêt de 1,5 M$ de la Banque de développement du Canada (BDC). Investissement Québec reste toutefois un petit créancier.

Nouvelles boutiques en Europe

Aux États-Unis, où LXR exploite déjà 47 micro-boutiques, le marchand entre chez le détaillant Dillard’s bien implanté en Georgie, en Floride et au Texas.

Le commerçant a aussi ouvert ses premières boutiques en Allemagne à la fin de 2016, en Belgique au premier trimestre et au Pays-Bas depuis le 31 mars.

Cet automne, les détaillants britanniques House of Fraser et John Lewis accueilleront aussi la marque LXR.

M. Mimran, qui supervise l’expansion internationale en tant qu’administrateur au conseil, a ouvert plusieurs de ces portes.

«Les boutiques améliorent la notoriété de notre marque, mais servent aussi de source d’approvisionnement puisque les clientes y apportent sur place leurs sacs à main usagés que nous authentifions pour la revente», explique le passionné des produits de luxe vintage.

Au fil du temps, le détaillant veut s’approvisionner davantage auprès des clientes parce que la revente de leurs articles est plus rentable.

«Je n’ai pas d’intermédiaire à payer, ni de frais de douanes ou de transport. Je peux ainsi capter toute la marge», explique-t-il.

Le dirigeant aimerait quadrupler à 20% la proportion des articles qui proviennent des clientes.

Actuellement, LXR s’approvisionne surtout auprès d’un intermédiaire au Japon (87%) où les sacs à main et porte-monnaie de marques de luxe ont la cote, explique M. Mannella, qui y a séjourné cinq ans pour compléter ses études en finances.

"Je suis moi-même fou du produit. Je suis tombé sur cette occasion pendant mes études, explique Frédérick Mannella, le co-fondateur et chez de la direction.

Pas encore rentable

Si le plan d’action est bien défini en ce qui concerne le nombre de boutiques et les revenus, le détaillant ne promet pas plus qu’un bénéfice d’exploitation positif.

«Les fonds générés par l’exploitation ont toujours couvert tous nos frais et ça va continuer. Sans les coûts liés au rachat inversé et à la conversion d’actions privilégiées, notre bénéfice d’exploitation ajusté aurait atteint 1,1M$ en 2016», précise M. Mannella.

Bien que le capital frais servira surtout à l’aménagement des micro-boutiques de 250 pieds carrés, LXR envisage aussi des acquisitions ciblées afin d’augmenter sa présence en ligne et diversifier la provenance des sacs à main, portefeuilles et autres articles usagées de grandes marques.

À cet égard, le PDG s’appuiera sur l’expérience de Camillo di Prata, un ex-spécialiste des fusions et acquisitions à la Banque Nationale.

L’associé de M. Minram dans Gibraltar, M. Di Prata, copréside le conseil d’administration de LXR.

«Derrière les gros concurrents tels que TheRealReal et ses revenus en ligne de 400M$US se cachent plusieurs petits acteurs, qui pourraient améliorer notre approvisionnement ou nos ventes en ligne», confie M. Mannella.

LXR aimerait en effet faire passer de 5% à 20% la proportion de ses ventes en ligne.

L'entreprise du quartier de la Petite-Italie estime être l'un des rares dans son créneau à déployer une stratégie de vente multi-canaux.

Et contrairement à ses concurrents, la société n'accepte pas de produits en consignation afin de protéger sa réputation quant à leur authenticité. 

Les montres pour hommes et les bijoux pour femmes au menu

LXR offrira sous peu en ligne des montres vintage de grandes marques pour hommes et en magasin plus tard dans l’année.

«C’est le premier produit que les accros d’articles vintage veulent s’offrir», dit-il en ajoutant que ce créneau demande beaucoup d’efforts de recherche.

Les montres pourraient servir de tremplin pour d’autres articles de luxe pour hommes tels que les mallettes.

Les bijoux vintage pour femmes s’ajouteront tout naturelllement à la gamme de produits de luxe de seconde main, mais «ce n’est pas pour cette année», laisse tomber le M. Mannella. 

Pourquoi briguer la Bourse alors que tant de sociétés déplorent les coûts et les attentes à satisfaire?

Essentiellement parce que LXR obtient une monnaie d’échange pour de futures acquisitions, mais surtout la notoriété et une valeur marchande pour attirer des partenaires triés sur le volet et des employés chevronnés, dans un créneau très pointu.

«Les gens d’expérience ne veulent pas s’associer à de petites entreprises», dit l'entrepreneur.

Comme c'est souvent le cas pour ce genre de rachat inversé, l'action de LXR est restée stable à sa première séance le 14 juin, mais obtient tout de même une valeur boursière de 103M$.

LXR s'était préparée à sa nouvelle vie en Bourse en raffinant sa marque l’an dernier, avec l’aide de l’agence Sid Lee. La société entend bien la propager sur les médias sociaux en racontant l'histoire de ses produits.

Outre MM. Mimran, di Parta et San Juan, le conseil d'administration compte aussi Steven Goldsmith, le président du détaillant Brookstone et l’avocat Luc Mannella, le père de Frederick.

«Nous cherchons activement deux autres administrateurs indépendants», précise-il.

LXR dont 40 de ses 200 employés sont à Montréal est aussi en mode embauche.

Le détaillant recherche des acheteurs familiers avec les produits vintage de luxe et des vendeurs aptes à gérer les boutiques et à dénicher de nouveaux détaillants-partenaires.

M. Mannella et son épouse ont environ 35% des actions, mais contrôlent l'entreprise en vertu d'une entente d'un an avec Gibraltar, cumulant ainsi 58% des droits de vote.

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