Hydro One: du potentiel, mais risque de panne de croissance

Publié le 01/06/2018 à 13:40

Hydro One: du potentiel, mais risque de panne de croissance

Publié le 01/06/2018 à 13:40

Par Stéphane Rolland

Photo:123rf

Le courant ne passe pas entre les Ontariens et Hydro One (H). L’ancienne société d’État privatisée par les libéraux de Kathleen Wynne est devenue la cible du mécontentement des électeurs. Le titre en fait les frais. Les analystes voient d’un bon oeil le distributeur d’électricité, mais les multiples sources d’inquiétude freinent la moitié d’entre eux. 

Robert Kwan, de RBC Marchés des capitaux, trouve le titre attrayant, mais il reconnaît que les préoccupations de ses collègues sont justifiées. «L’action pourrait plafonner dans les prochains mois en raison de plusieurs manchettes défavorables en lien avec les élections et plusieurs décisions réglementaires (prix de l’électricité en Ontario et modalités réglementaires de l’acquisition d’Avista (AVA) aux États-Unis)», résume l’analyste. Il choisit tout de même le camp des optimistes avec une recommandation «surperformance» et une cible à 25$. À 13,8 fois les bénéfices de 2019, le titre s’échange à un rabais de 50 points de base par rapport aux sociétés comparables, note l’analyste. Le rendement du dividende est de 4,3%.

Robert Catellier, de Marchés mondiaux CIBC, partage sensiblement la même opinion : le titre s’échange à un prix attrayant, mais les manchettes vont peser sur celui-ci. Par contre, il juge que ces incertitudes rendent l’action moins attrayante à court terme. Il émet donc une recommandation «neutre» avec une cible à 24$.

La divergence entre les deux experts traduit bien l’humeur sur Bay Street. Des 15 analystes qui suivent le titre, 7 ont une recommandation d’achat, 6 restent sur les lignes de côté et deux suggèrent de vendre, selon une recension effectuée par Reuters.

La politique

Sur le front électoral, la décision de privatiser Hydro One revient hanter la première ministre libérale Kathleen Wynne, qui est en mauvaise posture pour le scrutin du 7 juin. Bien que les tarifs soient encore réglementés, les Ontariens sont insatisfaits de l’augmentation des prix de l’électricité. La hausse de la rémunération des hauts dirigeants a notamment ravivé la grogne.

Les conservateurs de Doug Ford promettent de virer le conseil et le PDG. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) d’Andrea Horwath a promis de renationaliser l’entreprise sur une période de quatre ans. «L’Ontario a une longue histoire de tensions politiques liées au secteur électrique qui date de la création de l’Hydro Electric Power Commission of Ontario en 1906 », constate Andrew Kuske, de Credit Suisse. Le bruit politique risque d’entourer l’entreprise jusqu’à l’élection du 7 juin, et probablement au-delà.»

L’analyste invite cependant les investisseurs à « faire la différence entre la rhétorique et la réalité». «Oui, il y a un risque, mais le déclin du titre offre un meilleur rapport. Nous faisons donc passer notre recommandation de «neutre» à «surperformance» ».

Robert Hope, de Banque Scotia, pense, lui aussi, que les promesses électorales ne sont que du «bruit». Il remet en doute la promesse des conservateurs de renvoyer le PDG et les membres du conseil d’administration. La procédure à suivre est plus complexe. Le gouvernement peut demander une assemblée spéciale pour changer les membres du CA. Un comité représentant les cinq plus importants actionnaires et la province devra alors se pencher sur la question, mais le gouvernement n’a pas la majorité des votes dans le comité. Pour ce qui est de la promesse du NPD, bien difficile de savoir comment le rachat des actions se passerait concrètement, juge M. Hope.

Les tarifs

En parallèle aux tensions politiques, les investisseurs attendent des nouvelles sur la décision de la Commission de l’énergie de l’Ontario quant aux prix qu’Hydro One pourra facturer. Une décision sera probablement rendue dans la deuxième moitié de l’année, anticipe Jeremy Rosenfield, de l’Industrielle Alliance.

Hydro One a accumulé un actif d’impôts futurs à son bilan. Il s’agit d’un élément comptable qui permet à une entreprise de réduire sa facture fiscale dans le futur. Or, la Commission de l’énergie a décidé qu’une partie de cette économie d’impôt devrait revenir aux clients de la société et pas seulement à ses actionnaires. Le distributeur d’électricité a porté la cause en appel. Si la décision leur demeure défavorable, les actionnaires perdront l’équivalent de 7 cents à 9 cents par action, ou l’équivalent de 2,4% des fonds de trésorerie d’exploitation.

Une acquisition transformationnelle

Pendant ce temps, l’acquisition d’Avista, une société de services publics du nord-est des États-Unis, pour un montant de 6,7 G$, pourrait bientôt faire d’Hydro One l’une des plus importantes compagnies réglementées de services publics en Amérique du Nord. Jusqu’à maintenant, le processus d’autorisation de l’acquisition semble bien en selle et devrait être terminé «à la fin de l’été», estime M. Rosenfield.

Pour 2019, l’impact négatif de la réforme fiscale américaine et les décisions réglementaires sur les prix supprimeront l’ajout de bénéfice de 0,05$ lié à l’acquisition. M. Rosenfield pense cependant que les bénéfices d’Avista croîtront à un rythme de 4% à 6% dans les années subséquentes.

La transaction américaine permettrait à Hydro One de réduire son exposition au risque réglementaire ontarien, pense Linda Ezergailis, de Valeurs mobilières TD.

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