Comment les grands gestionnaires peuvent vous guider

Publié le 03/04/2010 à 00:00

Comment les grands gestionnaires peuvent vous guider

Publié le 03/04/2010 à 00:00

Par Dominique Beauchamp

L'investisseur avisé a tout intérêt à suivre de près les grands gestionnaires de portefeuilles, car leurs investissements boursiers et leur approche de placement peuvent lui servir de guide dans ses choix de titres.

Il s'agit d'un outil de plus pour mieux connaître les entreprises qui l'intéressent et les facteurs qui peuvent influer sur leur titre boursier.

La taille modeste de la Bourse canadienne est parfois un carcan pour les grands gestionnaires de portefeuilles. Il arrive donc fréquemment qu'ils accumulent des blocs d'actions importants dans des entreprises, en particulier celles dont la valeur boursière est faible.

Un gestionnaire qui gère un actif de 1 milliard de dollars peut détenir 50 placements de 20 millions de dollars (M$) chacun. Or, ce placement de 20 M$ peut représenter 10 % des actions d'une entreprise dont la valeur boursière est de 200 M$. Par exemple, Gestion de portefeuille Natcan détient 10,9 % des actions du fabricant de trains d'atterrissage Héroux-Devtek, dont la valeur boursière est de 152,5 M$.

" L'industrie est conçue de telle sorte que l'actif sous gestion augmente toujours. Cela oblige les gestionnaires à acheter davantage de leurs titres préférés ", explique Robert Beauregard, chef des investissements chez Global Alpha Capital.

Même Jarislowsky Fraser, le plus important gestionnaire de portefeuilles indépendant au Canada (55 milliards de dollars d'actif sous gestion), détient des placements considérables dans plusieurs sociétés québécoises d'envergure, dont 16,7 % de l'épicier Metro, 16 % de l'empire média Quebecor et 16,9 % de la société de génie-conseil SNC-Lavalin.

" C'est normal que nous ayons de tels placements. Nous aimons concentrer notre capital dans nos meilleures idées ", explique Stephen Jarislowsky, président du conseil d'administration de Jarislowsky Fraser.

En tant qu'investisseur, il peut être réconfortant de savoir qu'un gestionnaire à long terme tel que Jarislowsky Fraser est à nos côtés et veille au grain. Mais on ne doit pas oublier que tout gestionnaire de portefeuilles vendra éventuellement ses actions d'une société, ce qui pourrait faire fl ancher le titre en Bourse.

Un chien de garde qui veille

Pour le petit investisseur, le fait d'avoir un actionnaire infl uent à ses côtés signifi e qu'il bénéficie des services d'un chien de garde qui veille à ses intérêts.

" Les gestionnaires jouent un rôle de gouvernance, qu'il s'agisse des politiques de rémunération ou de la composition du conseil d'administration. Leur intervention est habituellement pertinente ", dit Serge Leclerc, président de Sipar, une société d'investissement spécialisée dans les PME.

Il arrive même que les gestionnaires de portefeuilles protègent les entreprises contre des offres d'achat hostiles ou inadéquates. " En ce sens, nous devenons des partenaires des dirigeants ", précise Chistian Godin, vice-président principal et chef des actions canadiennes, de Placements Montrusco Bolton.

Il y a un an, M. Godin a refusé une offre de 3,50 $ par action d'un acquéreur américain pour Technologies interactives Mediagrif (Tor., MDF, 6,91 $). Depuis, l'action a rebondi de 71 %. " Un courtier nous a approché pour que nous vendions nos actions, mais nous lui avons clairement indiqué que nous appuyions la stratégie de redressement mise de l'avant par l'entreprise ", dit M. Godin.

Robert Beauregard, chef des investissements chez Global Alpha Capital, a bloqué en 2004 l'offre de 6,95 $ par action déposée par l'allemande Hotchief pour fermer le capital de sa filiale canadienne, Groupe Aecon (Tor., ARE, 13,92 $). Hotchief a vendu sa participation en novembre 2009 pour 6,30 $ par action. Depuis, le titre d'Aecon a plus que doublé.

Des offres d'achat bonifiées

La firme Jarislowsky Fraser a elle aussi maintes fois exigé d'acquéreurs des offres supérieures pour des entreprises qu'elle détenait en portefeuille. En février 2004, elle a obligé la famille fondatrice de Cara Operations, propriétaire des chaînes Swiss Chalet et Harvey's, à augmenter de 7,62 à 8 $ par action son offre pour fermer le capital de l'entreprise.

Autre exemple : en mai 2007, le conglomérat suisse Holcim a haussé son offre pour fermer le capital de Ciment St-Laurent, après les pressions exercées par Jarislowsky Fraser.

" Ces investisseurs font leur travail. Ce sont de bons alliés pour les petits investisseurs ", dit Stéphane Gagnon, gestionnaire au Fonds des professionnels.

Un activiste qui brasse la cage

Quand un titre n'offre pas le rendement prévu, un gestionnaire a le choix : vendre ses actions au prix qu'un autre investisseur voudra lui en donner, ou faire en sorte que le titre s'apprécie, souligne Michel Nadeau, directeur général de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques.

" En tant que gestionnaires, nous avons aussi des obligations fi duciaires à l'égard de nos clients qui exigent du rendement. Il arrive que nous discutions avec les membres du conseil d'administration quand nous ne sommes pas satisfaits ", dit Sebastian van Berkom, président de Van Berkom et Associés.

" Quand un gestionnaire détient plus de 10 % des actions d'une entreprise, il n'y a pas de doute qu'il peut jouer un rôle actif dans sa trajectoire ", dit Robert Beauregard, de Global Alpha Capital.

Il en sait quelque chose. Lorsqu'il était gestionnaire chez Natcan, il a piloté une coalition de gestionnaires insa tisfaits qui a mené à la vente du torréfacteur A.L. Van Houtte, en 2007.

" Nous avons publiquement suggéré à l'entreprise, lors de l'assemblée des actionnaires, d'évaluer ses options stratégiques afin de se revaloriser ", dit M. Beauregard.

L'action de Van Houtte avait baissé de 26 à 18 $ entre 2001 et janvier 2007, et elle était encore loin du sommet de 45 $ atteint à la fin des années 1990. En mai 2007, le fonds américain Littlejohn & Co. a offert 25 $ pour fermer le capital de Van Houtte.

Tous y gagnent

On peut voir dans ces interventions une ingérence intéressée. " Habituellement, les actionnaires-activistes brassent la cage des entreprises pour de bonnes raisons ", affirme Martin Dufresne, gestionnaire de portefeuilles chez Fiera Capital.

Pour sa part, Christian Godin, de Placements Montrusco Bolton, s'est plaint de la baisse du rendement de l'avoir des actionnaires d'Industries Lassonde (Tor., LAS.A, 53,25 $) et des salaires élevés de ses dirigeants, lors de l'assemblée annuelle de mai 2007. Depuis son intervention, l'action du producteur de jus a grimpé de 39 %.

" Quand un gestionnaire utilise son pouvoir à bon escient, tout le monde y gagne, tant que cela est fait publiquement ", dit M. Nadeau, qui n'apprécie pas les jeux de coulisse.

Un tryan qui exige des rendements à court terme

L'investisseur n'est pas à l'abri de " la tyrannie des rendements à court terme ", qui incite certains actionnaires à vendre leurs actions en bloc parce qu'ils craignent que leur placement ne leur procure aucun rendement pendant deux ou trois trimestres.

" La présence de gestionnaires tels que Jarislowsky Fraser ou Burgungy Asset Management est rassurante, car il sont patients. Par contre, la présence d'un gestionnaire intéressé aux seuls gains à court terme m'inquiéterait ", soutient Serge Leclerc, de Sipar.

" La vente d'un bloc par un actionnaire important peut créer un certain émoi, puisque que les autres gestionnaires se demandent ce que le vendeur sait qu'ils ignorent ", explique Martin Ferguson, gestionnaire de portefeuilles chez Mawer Investment Management.

Une vision à courte vue ?

Transat A.T. (Tor., TRZ.B, 12,61 $) a été victime de cette tyrannie récemment. Le titre a chuté de 29 % le 11 mars, lorsque le voyagiste a annoncé qu'il serait défi citaire à son deuxième trimestre, et qu'il faudrait attendre jusqu'à l'hiver 2011 pour connaître une reprise. Il n'en fallait pas plus pour que des actionnaires impatients vendent 1,2 million d'actions ce jour-là. Depuis, le volume de transactions sur le titre est de 5 à 10 fois supérieur au volume normal, précise M. Leclerc.

" La vente de blocs d'actions importants a probablement amplifié le mouvement de baisse, bien que les courtiers soient habiles quand il s'agit d'apparier un vendeur et un acheteur ", dit Robert Tattersall, vice-président de Howson Tattersall Investment Counsel.

Parfois, ces gestionnaires peu patients font le bonheur de leurs collègues, qui voient alors une occasion d'acheter un titre à bon prix.

" Le cas de Transat montre que la plupart des gestionnaires n'ont pas une vision à long terme, et surtout, qu'ils n'ont pas plus d'information que les autres ", dit Pierre Bernard, portefeuilliste chez IA Clarington.

Cela dit, la vente d'un bloc d'actions n'a pas toujours d'effet sur le cours d'un titre. Par exemple, Jarislowsky Fraser a vendu presque quatre millions d'actions de Metro (Tor., MRU.A, 42,05 $) en février. Le titre de l'épicier s'est apprécié de 4 % au cours du mois.

Un informateur qui vous guide

L'investisseur peut aussi valider ses choix de titres en examinant de plus près le type de gestionnaire qui a investi dans le même titre que lui. " Si vous êtes un amateur de titres à prix d'aubaine, vous serez heureux de voir, par exemple, les fonds ABC ou Chou à vos côtés en tant qu'actionnaires ", dit Robert Tattersall, de Howson Tattersall Investment Counsel,

qui aime acheter des titres sous-évalués. En revanche, un investisseur intéressé par les titres qui profi tent d'un élan haussier ou par les entreprises dont les bénéfi ces croissent rapidement aimera sans doute voir les gestionnaires tels que David Picton, de Picton Mahoney Asset Management, et Noah Blackstein, de Goodman & Company, Investment Counsel, à ses côtés. ?

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