Combien vaut vraiment Netflix?

Publié le 03/08/2018 à 14:38

Combien vaut vraiment Netflix?

Publié le 03/08/2018 à 14:38

Par Stéphane Rolland

[Photo: 123RF]

Combien vaut vraiment Netflix (NFLX)? Le géant de la diffusion en continu a, hors de tout doute, le vent dans les voiles, mais le rythme de croisière est-il suffisant pour justifier un multiple de près de 100 fois les bénéfices?

La question est revenue à l’avant-plan après le dévoilement des résultats du deuxième trimestre. Netflix a ajouté 5,2 millions de nouveaux abonnés en trois mois. Un chiffre honorable, mais le marché en attendait 6 millions. Lorsqu’on s’échange à plus de 100 fois les bénéfices des 12 prochains mois, les déceptions sont plus vives. Le titre a effacé 9,5% de sa valeur en une séance.

Au moment d’écrire ces lignes, le titre s’échange à 97,42 fois les bénéfices des 12 prochains mois. À titre de comparaison, le S&P 500 à New York s’échange à 17,5 fois. Peu de grandes sociétés s’échangent à si fort prix. Dans le club des FAANG, on trouve Amazon (AMZN) à un multiple de 105 fois. Sinon, la société mère de Google, Alphabet (GOOG), et Facebook (FB) s’échangent respectivement à 26 fois et 25 fois. Autre exemple dans le secteur des médias, Disney (DIS), s’échange à 15,10 fois.

Une évaluation élevée n’est ni bonne ni mauvaise en soi. Elle ne représente que les attentes du marché par rapport à la croissance d’une entreprise. Pour l’instant, les investisseurs anticipent que la croissance de Netflix sera supérieure à celle de Disney.

La thèse derrière le multiple

Le prix est le bon, croit Mark Mahaney, de RBC Marchés des capitaux. L’analyste estime que l’entreprise aurait la capacité de générer un bénéfice par action entre 18 et 25 $US d’ici 2022, ce qui placerait le titre dans une fourchette entre 450 $US et 750 $US. Si le bénéfice par action s’établit à 25 $US, le titre pourrait ainsi s’échanger à 750 $US à une prime (plus raisonnable) de 30 fois.

La majorité des analystes partagent l’optimisme de M. Mahaney. Des 46 qui suivent le titre, ils sont 28 à avoir une recommandation d’achat, 15 à suggérer de le conserver et trois qui recommandent de vendre, selon une recension de Reuters.

Malgré le chiffre nominal élevé, l’évaluation ne tient pas compte du grand potentiel de la société de Los Gatos en Californie, poursuit M. Mahaney. Il note qu’il y a environ 1 milliard d’abonnés au câble à travers le monde, mais seulement 175 millions d’abonnés à un service de diffusion de vidéo en continu. «Compte tenu de l’offre nettement supérieure de la diffusion en continu sur le câble, nous pensons que la diffusion a encore de belles années de croissance devant elle.»

Dans cette industrie, Netflix a une avance considérable, car la taille compte, pense l’analyste. L’entreprise a presque six fois plus d’abonnés que son plus proche rival. «Plus d’abonnés donnent plus de revenus qui permettent d’acheter plus de contenus qui attirent plus d’abonnés.»

Mieux vaut être prudent lorsqu’on lorgne un titre dispendieux, mais la prudence n’a pas été bonne conseillère dans le cas de Netflix, admet Daniel Salmon, de BMO Marchés des capitaux. L’analyste a profité de la correction pour ajuster sa recommandation de «performance de marché» à «surperformance». «Nous avons été trop prudents trop longtemps, concède-t-il.

Il a manqué le meilleur, admet-il, mais il reste encore de beaux jours pour les actionnaires. «La croissance ne pourra pas se poursuivre au rythme de 2017, mais il reste encore du potentiel de croissance en 2018 et 2019.»

Parmi les vecteurs de croissance, M. Salmon pointe vers le marché international. En Inde, une première série locale, «Sacred Game», a été bien reçue. Pour l’instant, le Japon passe sous le radar, car il s’agit d’une économie «mature», mais ce marché est à surveiller. L’analyste pense que les activités de Netflix pourraient y croître encore plus vite qu’en Inde, car les infrastructures plus modernes facilitent l’adoption de la technologie.

Un prix pour la perfection?

Le consensus du marché sous-estime certains défis que rencontrera l’entreprise sur son chemin, prévient Neil Macker, de Morningstar. La concurrence est appelée à s’intensifier dans le domaine de la vidéo sur demande, selon lui. Disney devrait lancer son propre service en 2019. Même Walmart (WMT) songerait à lancer son propre service de diffusion en ligne. La rivalité devrait aussi se déplacer sur le front des prix, ce qui limitera la capacité de Netflix d'augmenter les siens.

Autre source d’inquiétudes, la librairie de Netflix coûte cher à produire. Seulement en 2018, la société devrait dépenser entre 3 et 4 G$US de plus que ce qu’elle gagne pour créer de nouveaux contenus, souligne M. Macker. 

Et, il n’y a pas que les nouveaux films et les séries qui grugent le budget. Les dépenses publicitaires ont doublé au deuxième trimestre pour s’établir à 500 M$US. L’importance de se faire connaître à l’international aura inévitablement un impact sur les marges des activités à l’étranger.

De plus, ces dépenses publicitaires ne procureraient pas nécessairement le rendement espéré, croit Kannan Venkateshwar, de Barclays. «La compagnie semble encore au début de sa courbe d’apprentissage, commente-t-il. Ça veut dire qu’on ne risque pas de trouver la part idéale des revenus à allouer à la publicité avant un bail.»

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