Canada Goose plus chère que les marques de luxe Prada, Tiffany's ou LVMH

Publié le 17/03/2017 à 08:01

Canada Goose plus chère que les marques de luxe Prada, Tiffany's ou LVMH

Publié le 17/03/2017 à 08:01

Par Dominique Beauchamp

(Photo: LesAffaires.com)

James Bond a beau porter un parka en duvet de Canada Goose dans le film Spectre, l’entreprise devra faire plus que des coups de marketing pour mériter le fort prix qu’elle obtient à son entrée en Bourse.

Le bond de 27% de l’action de Canada Goose (Tor., GOOS, 21,53$) à sa première séance jeudi pousse sa valeur boursière à 2,28 milliards de dollars, soit rien de moins que 86 fois le bénéfice de 0,24$ par action réalisé pour l’année close le 31 mars 2016.

Pour les neuf mois terminés le 31 décembre dernier, ce bénéfice avait toutefois grimpé à 0,43$ par action, diminuant le multiple à 37,7 fois ce bénéfice annualisé.

Cela se compare à des multiples de 21 à 40 fois pour des marques mondiales aussi prestigieuses que Hermes International (40,8 fois), Prada (32 fois), Tiffany’s (25 fois), LVMH Hennessy Louis Vutton (22 fois), Burberry (23 fois) ou encore Salvatore Ferragamo (22 fois), par exemple, rapporte Bloomberg Gadfly.

Dans l'industrie prisée du luxe, il n'y a pas que le prix des produits qui donne le vertige, leurs actions aussi. 

L’effet de rareté que crée l’entreprise torontoise en limitant le nombre de ses manteaux disponibles, pour cultiver le cachet de sa marque, a probablement aussi joué en Bourse. Quelque 22,7 millions d’actions ont changé de mains jeudi, selon le terminal Bloomberg, plus que le nombre d’actions offertes.

Bien qu’elle vende 19% de ses actions pour un total de 391M$, Canada Goose ne récolte que 107M$ de la vente de 6,3 millions de nouvelles actions.

Bien sûr, Canada Goose entame une nouvelle phase de croissance, qui a déjà triplé ses bénéfices à 26,5M$ depuis trois ans, mais la marche sera tout de même bien haute à franchir pour l’entreprise torontoise.

Pdg bien rémunéré et irritants de gouvernance

Ses propriétaires Bain Capital et le pdg Daniel Reiss s’enrichissent grassement. Petit-fils du fondateur Sam Tick, M. Reiss, récolte 69,7M$, par le biais d’une société domiciliée au Luxembourg, et conserve un bloc de 24% qui vaut 557M$. Le fonds d’investissement ramasse 123M$ tout en conservant 57% des actions d"une valeur de 1,3G$.

Si la rumeur est vraie que Bain Capital ait payé 250M$ pour ses actions en décembre 2013, le fonds aurait donc quintuplé la valeur son placement en trois ans.

Le luxe s’étend aussi aux émoluments de M. Reiss. Le pdg de 43 ans reçoit un salaire de base annuel de 1M$. Il peut aussi obtenir une prime incitative annuelle égal à 75% de son salaire et participe au régime d’incitatif à long terme.

«Si nous congédions M. Reiss sans motif sérieux ou s’il démissionnait pour un motif valable, il aura droit à une indemnité de départ représentant deux fois son salaire de base annuel, plus deux fois la valeur moyenne de la prime annuelle qu’il a reçu pour les deux exercices complets précédant la date de sa cession d’emploi ainsi qu’une part proportionnelle de la prime réelle qu’il a reçue l’année précédente, en proportion du temps calculé dans l’année du congédiement en plus du maintien de sa participation au régime d’avantages sociaux pendant 24 mois, après la date de la cessation de son emploi», peut-on aussi lire dans un amendement au prospectus.

Quelque 5,9M d’actions à droit de vote subalterne seront émises lors de l’exercice éventuel d’options en circulation en vertu du régimes incitatifs en actions. Le prix d’exercice moyen de ces options: 1,63$!

En plus, quelque 5,1M d’actions à droit de vote subalterne supplémentaires sont réservées en vue de leur émission éventuelle aux termes des régimes incitatifs à base d’actions.

La gouvernance de la société irrite aussi certains observateurs. Bain Capital et M. Reiss détiennent des actions à dix droits de vote chacune qui leur confèrent 97% des droits de vote. Les actionnaires minoritaires ont 21% des actions, mais 2% des droits de vote.

De plus, le conseil d’administration ne compte que cinq membres, dont deux sont indépendants.

Dans les traces de Moncler?

Son plus proche comparable est probablement la société franco-italienne Moncler(MONC) dont les costumes de neige et les vêtements à la mode sont présentés dans les défilés de mode les plus branchés, de Milan à New York.

Moncler est entrée en Bourse en 2013 à un multiple de 14 fois son bénéfice d’exploitation, une évaluation un peu plus proche du multiple de 18 fois de Canada Goose.

Or, trois ans plus tard, Moncler réalise des ventes de 1,5G$ de dollars, exploite 190 magasins (en plus 42 boutiques à l’intérieur d’autres détaillants) et verse le quart de ses profits en dividendes.

Les ventes de Moncler sont trois fois plus imposantes que celles de Canada Goose si on annualise ses revenus de 352M$ des neuf derniers mois.


« Canada Goose fait ses premiers pas en Bourse avec une évaluation similaire à celle de Moncler, son plus proche comparable, dont les ventes atteignent 1,5G$ »

Les manteaux Canada Goose sont plus utilitaires et sa stratégie de diversification est différente, mais la société semble emprunter une partie du chemin tracé par Moncler.

Depuis 2011, Moncler a aussi ouvert ses propres boutiques pour faire connaître sa marque et surtout capter la marge bénéficiaire supérieure de la vente au détail

La société dirigée par le directeur artistique Remo Ruffini réalise 70% de ses ventes en ligne ou en magasin alors que cette proportion n’est encore que de 22% pour Canada Goose.

La marge brute de Moncler est passée de 38 à 76%, depuis six ans. Cette marge se compare à celle de 52,3% de Canada Goose,au plus récent trimestre. Les marges d’exploitation des deux fabricants sont respectivement de 34% et de 26,6%.

Il faut dire que les manteaux les plus chers de Moncler se vendent 2 600 % alors que les parkas les plus raffinés de Canada Goose se détaillent 900 $.

Les parkas les plus chers de Canada Goose se vendent 900 $ alors que les plus luxueux de Moncler se détaillent 2 600 $.

L’énorme marché mondial de 773 G$US des vêtements d’extérieur et de 81 G$US des vêtements de luxe est un assez grand terrain de jeu pour les deux fabricants iconiques, croit aussi Daniele Gianera, de Macquarie Capital.

«La vente directe d’un manteau apporte de deux à quatre fois plus au bénéfice d’exploitation par manteau que la vente du même produit dans le canal de vente en gros», révèle le prospectus.

À l’heure actuelle, environ un tiers des produits Canada Goose sont fabriqués dans ses propres installations au Canada. Des sous-traitants locaux confectionnent les deux-tiers. L’entreprise entend donc augmenter la gamme des produits confectionnés à l’interne afin de générer des marges brutes supplémentaires.

Pour plus de détails sur la stratégie de Canada Goose, veuillez lire Chaude entrée en Bourse pour Canada Goose

Canada Goose offre peut-être plus de potentiel que ses concurrents à l’international et croît plus vite que la majorité d’entre eux, mais l’entreprise devra bien gérer les coûts de la croissance «énergique» promise au prospectus, pour préserver ses marges qui sont déjà dans le peloton de tête des fournisseurs de produits de luxe.

Canada Goose réalise encore les deux tiers de ses ventes en Amérique du Nord. Il lui faudra notamment investir dans son propre réseau de distribution en Europe initialement, ainsi que dans des centres de données, afin des piloter toutes les interactions client tant en ligne qu’en magasin.

Dans les facteurs de risque éumérés, la société reconnaît d'ailleurs qu’elle a peu d’expérience du commerce de détail, ayant ouvert son premier site transactionnel en 2014, et ses deux seuls magasins en octobre 2016.

«Cette stratégie exige une forte intervention des dirigeants et des investissements importants», indique le prospectus.

Pour mériter son évaluation de 38 fois les bénéfices prévus en 2017, la société encore artisanale devra à perfection sa diversification de marchés et de produits, son expansion à l'internationale ainsi que l’ouverture de boutiques, tout en soutenant ses marges. 

Le fabricant ontarien prévoit trois nouvelles boutiques en 2018 et 15 à 20 à long terme. Les grandes capitales de Paris et Tokyo sont dans sa mire.

Heureusement, les 107M$ récoltés de l’émission d’actions du Trésor diminuera sa dette d’autant et ramènera son ratio dette-bénéfice d’exploitation plus près (2,4 fois) de celui d’autres marques de luxe telles que Jimmy Choo ou Fossil Group.

D’ici trois semaines, les analystes des douze courtiers qui ont amené la société en Bourse devraient en amorcer le suivi. Marchés financiers CIBC, Credit Suisse, Goldman Sachs et RBC Marchés des capitaux ont dirigé le placement.

 

 

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