5 québécoises qui passent sous le radar


Édition du 23 Novembre 2013

5 québécoises qui passent sous le radar


Édition du 23 Novembre 2013

Par Dominique Beauchamp

Le fabricant de médicaments brevetés Laboratoires Paladin quittera la Bourse après avoir enrichi ses actionnaires de 1100% en 17 ans. Le Québec compte-t-il d'autres secrets bien gardés? Voilà la question brûle les lèvres de bien des investisseurs. Plusieurs entreprises québécoises se maintiennent sous le radar parce qu'elles préfèrent rester dans l'ombre. Peu ou pas d'analystes les suivent. Cela n'empêche pas des financiers fureteurs de s'intéresser à certaines d'entre elles. Quatre portefeuillistes partagent leurs réflexions sur les perspectives de Logistec, Tecsys, New Look, Velan et Reitmans.

Lunetterie New Look

Valeur boursière : 124,1 M$

Ratio cours/bénéfice réalisé depuis 12 mois : 17,2 fois

Gain en 2013 : + 26,3 %

L'ex-fiducie de revenu mieux connue pour sa chaîne de 74 magasins de lunettes qui portent son nom, Lunetterie New Look, est vraiment une entreprise de l'ombre.

Aucun analyste ne suit son évolution. New Look ne compte aucun investisseur institutionnel dans son actionnariat, puisque seulement trois millions de ses actions circulent librement (free float).

L'avocat et financier John Bennett, qui en préside le conseil d'administration, possède 46,3 % des actions. L'emprise de tous les cadres et administrateurs grimpe à 60 % des actions.

Ça n'empêche pas la société de Montréal de caresser de grandes ambitions. Étant déjà le consolidateur dominant au Québec, avec 68 établissements, New Look adapte son mode de fonctionnement pour prendre pied dans la grande région de Toronto l'an prochain, nous a expliqué Antoine Amiel, vice-président du conseil de la chaîne.

En partenariat avec un optométriste de la Ville reine, New Look raffine ses pratiques pour apprendre comment attirer les clients torontois qui n'ont pas l'habitude de se procurer leurs lunettes au même endroit où s'effectue l'examen de la vue.

«Nous travaillons notre marketing. Il faut que le premier magasin devienne une véritable vitrine qui attirera des optométristes indépendants vers notre marque. Une fois ce savoir-faire bien acquis, nous nous déploierons l'an prochain», dit M. Amiel.

Les états financiers du 28 septembre révèlent que New Look a déjà consacré 800 000 $ à l'initiative torontoise.

Au Québec, New Look n'a pas fini d'acquérir d'autres lunetteries ni de recruter des opticiens ou optométristes indépendants pour qu'ils se joignent à son groupe.

Son plus proche rival est Greiche & Scaff. New Look estime cependant avoir un avantage concurrentiel important en exploitant son propre laboratoire de surfaçage et de traitement de lentilles dans l'arrondissement Saint-Laurent, dont elle double actuellement la capacité.

«Au Canada, nous sommes le seul fournisseur de lunettes entièrement intégré, dit M. Amiel Les entreprises semblables en Bourse sont en Europe : le géant italien Luxottica qui fabrique ses propres montures et exploite les magasins LensCrafters et Pearle Vision, le fabricant français de lentilles Essilor, ainsi que le détaillant pur Fielmann en Allemagne.»

En tant qu'ancienne fiducie de revenu, New Look verse un dividende de 0,15 $ par trimestre, qu'elle entend maintenir à un niveau élevé (5 % actuellement). Au cours des 12 derniers mois, la société a consacré 40 % de ses flux de trésorerie aux dividendes.

L'entreprise conserve toutefois du capital pour financer sa croissance, qui s'est accélérée au cours des dernières années.

«Jusqu'ici, nous étions surtout associés à notre dividende élevé. À l'avenir, nous serons davantage perçus comme une entreprise en croissance qui verse un bon dividende. Tant que nos investissements nous rapporteront un bon rendement financier, réinvestir nos flux de trésorerie sera intéressant pour nos actionnaires», dit le vice-président du conseil du détaillant.

New Look vise à récupérer le coût de ses acquisitions en trois ou quatre ans par la contribution de nouveaux flux de trésorerie.

Les projets de croissance de la société ont d'ailleurs entraîné un recul de 7,8 % du bénéfice d'exploitation au troisième trimestre terminé le 28 septembre, malgré une hausse de 5,4 % des revenus liée à l'ajout de sept magasins, depuis le début de 2012.

Après avoir bénéficié de pertes fiscales reportées, obtenues lors de l'acquisition inversée du fournisseur d'appareils auditifs Sonomax en 2010, New Look recommencera à payer des impôts l'an prochain.

Autre élément à surveiller : l'exercice éventuel de toutes les options d'achat d'actions prévues au régime de rémunération des hauts dirigeants ajoutera 10 % au nombre d'actions, d'ici cinq ans.

Logistec

Valeur boursière : 325,8 M$

Ratio cours/bénéfice réalisé depuis 12 mois : 10,8 x

Gain en 2013 : + 98,8 %

Sans tambour ni trompette, Logistec a atteint en novembre un sommet historique de 48,71 $ en Bourse. Pas si mal pour l'expert en manutention de marchandises dont on n'entend jamais parler.

La société de Montréal est le principal arrimeur et exploitant de terminaux portuaires de l'est du Canada, de l'est des États-Unis et de la région des Grands Lacs.

Sa filiale Sanexen dispense des services environnementaux à haute teneur technologique dans la gestion des BPC, l'analyse de risques, la restauration de sites et la réhabilitation de conduites souterraines sans excavation.

Dirigée depuis 1996 par Madeleine Paquin, la fille du fondateur Roger Paquin, la société a généré des profits sans interruption depuis 44 ans et verse un dividende depuis 1971.

Mme Paquin et ses soeurs Suzanne et Nicole détiennent chacune le tiers d'une société de portefeuille qui contrôle 75 % des droits de vote.

Dans sa notice annuelle de 2012, Logistec attribue sa réussite à la capacité de réagir et de s'adapter constamment aux cycles des marchés et des échanges internationaux que lui procure la diversification sectorielle et géographique de ses 24 terminaux portuaires.

Lui-même surpris par la récente montée boursière de Logistec, Stephen Takacsy, directeur des placements chez Gestion d'actifs Lester, reconnaît que l'action de Logistec n'est plus l'aubaine qu'elle était. À son avis, toutes les conditions restent tout de même réunies pour qu'elle continue sa progression.

Les deux dernières années ont été particulièrement bonnes et l'optimisme manifesté lors de la dernière assemblée annuelle par Madeleine Paquin, habituellement très prudente, sont des facteurs qui encouragent M. Takacsy.

Au deuxième trimestre terminé le 29 juin, Logistec a enregistré les meilleurs résultats de son histoire : ses revenus ont crû de 20 % à 72,7 millions de dollars et son bénéfice a doublé à 1,21 $ par action.

«L'achat en 2012 de l'américaine Cross Globe Transport a été une bonne transaction. Le potentiel de la technologie Aqua-Pipe, de Sanexen, est aussi énorme», croit Stephen Takacsy. Cette technologie permet de remplacer des conduites d'eau sans éventrer les rues, un procédé de 20 % à 40 % plus économique que la méthode traditionnelle.

Cross Globe a étendu ses activités de manutention à trois terminaux portuaires en Virginie et a élargi la gamme des services offerts aux sociétés industrielles.

«J'ai souvent dit au fil des ans que Logistec aurait une valeur de 45 $ si elle était vendue un jour. Son cours se rapproche de cette cible», dit le portefeuilliste.

Son grand défaut : seulement 1,2 million d'actions se négocient en circulation libre.

Tecsys

Valeur boursière : 52,8 M$

Ratio cours/bénéfice prévu dans 12 mois : 41,8 x

Gain en 2013 : + 31,4 %

Le petit fournisseur montréalais de logiciels d'optimisation de la chaîne d'approvisionnement a triplé en Bourse depuis son creux d'avril 2008, après avoir passé plusieurs années dans l'oubli.

Malgré ce rebond, Tecsys doit encore faire ses preuves, croit Christian Cyr, gestionnaire de portefeuille chez Fiera Capital, dont les fonds détiennent 15 % des actions de Tecsys.

La société de Montréal réalise 57 % de ses revenus aux États-Unis auprès de réseaux d'hôpitaux et de cliniques, de concessionnaires de machinerie lourde, de distributeurs à haut volume et d'importateurs.

«La société n'a pas de dette, aucun impôt à payer, verse un dividende croissant depuis 2008 et rachète ses actions. Mais pour remporter un réel succès en Bourse, Tecsys doit démontrer qu'elle peut croître de façon rentable en augmentant les ventes de ses nouveaux logiciels et en réalisant des acquisitions. Sinon, l'autre possibilité sera de fermer son capital», explique M. Cyr.

Les familles des deux frères Brereton, David et Peter, le président, ont 45 % des actions de Tecsys.

Sa valeur boursière équivaut à ses revenus, tandis que les entreprises nord-américaines de son genre, dans un créneau en croissance générant des revenus récurrents, valent deux à trois fois leurs ventes, précise M. Cyr.

La prestation de services auprès de ses 400 clients lui procure 36 % de ses revenus.

D'ici 12 à 18 mois, le gestionnaire de portefeuille aimerait voir l'entreprise accélérer la croissance de ses bénéfices, après une période frénétique d'embauches depuis 2011.

La hausse de 53 % de ses effectifs au Québec (au nombre de 230), pour répondre aux commandes accrues et faire migrer ses logiciels sur la plateforme Java, a pesé sur sa rentabilité.

La société bénéficie d'importants crédits d'impôt à la R-D et au programme de commerce électronique. Pour l'exercice terminé en avril 2012, par exemple, ces crédits ont totalisé 1,9 M$, et son bénéfice, 1,4 M$.

«Sans ces crédits et ces embauches, nous ne pourrions pas croître autant. Dans cinq ans, nos ventes auront doublé à 100 M$», fait valoir Berty Ho-Wo-Cheong, chef de la direction financière de Tecsys.

Une acquisition serait aussi bienvenue, ajoute M. Cyr, si elle apportait de nouveaux clients et une technologie de pointe qui s'intègre à ses modules existants.

L'évolution du carnet de commandes est un bon repère pour les revenus futurs de l'entreprise. À la fin de son dernier exercice clos en avril 2013, il atteignait un record de 26,3 M$.

Après un bond de 20 % depuis un mois en Bourse, le potentiel d'appréciation de Tecsys est limité à court terme, estime Steve Li, de Valeurs mobilières Industrielle Alliance, l'unique analyste à suivre la société.

«Le potentiel de meilleurs bénéfices est toujours là. La mise à niveau de son logiciel Elite déclenchera un nouveau cycle de ventes au cours des deux à trois prochains trimestres. Les nouveaux employés plus rodés feront en sorte que les commandes deviendront des revenus plus rapidement qu'avant», dit-il.

Si Tecsys s'alliait à un intégrateur qui recommandait ou encore revendait ses logiciels, sa croissance et sa rentabilité exploseraient aussi, ajoute M. Li, en précisant que Tecsys a affecté deux employés à cette tâche.

Velan

Valeur boursière : 290,5 M$

Ratio cours/bénéfice réalisé depuis 12 mois : 21,7 x

Gain en 2013 : + 16,5 %

Le fabricant mondial de robinetterie industrielle Velan est non seulement géré comme s'il était privé, mais la famille propriétaire du même nom a vécu divers conflits internes au fil des ans. Ces problèmes et une rentabilité inégale, dans une industrie volatile, ont eu raison de l'intérêt des analystes qui suivaient l'entreprise.

Stephen Takacsy, directeur des placements chez Gestion d'actifs Lester, lui est resté fidèle parce qu'il est toujours convaincu que son titre est sous-évalué en Bourse par rapport à la valeur de tous ses actifs, justement parce que presque personne n'assiste aux téléconférences.

Il a commencé à suivre la société en 1986 alors qu'il était à la Banque Royale. Les revenus de Velan étaient d'à peine 30 M$ à l'époque, se rappelle-t-il. Ils ont maintenant atteint un record de 500 M$ pour l'exercice clos le 28 février 2013.

«La valeur d'aubaine du titre compense les carences de gouvernance. Si un acquéreur stratégique se pointait demain, comme un conglomérat japonais ou coréen, le leader des valves nucléaires pourrait attirer une offre de 20 $ par action», estime M. Takacsy.

Reitmans

Valeur boursière : 425 M$

Ratio cours/bénéfice prévu dans 12 mois : 28,8 x

Recul en 2013 : - 45,5 %

On ne peut pas dire que Reitmans est méconnue avec ses 80 ans d'histoire, ses 900 boutiques de vêtements pour femmes au Canada, ses circulaires et sa publicité, ou encore, ses quatre analystes.

Pourtant, l'action de la société a dégringolé à son plus faible cours en 10 ans, parce que justement son président, Jeremy Reitman, n'explique pas comment il entend sortir la société de son bourbier, à un moment où le détaillant montréalais se bute à une concurrence sans précédent de chaînes étrangères plus performantes.

Au deuxième trimestre terminé le 3 août, les ventes des magasins ouverts depuis plus d'un an ont chuté de 6,8 % et son bénéfice, lui, a flanché de 63 %.

«Ils ont passé beaucoup de temps à régler les problèmes d'approvisionnement du nouveau système de gestion des stocks, qui a coûté 75 M$, et ils ne se sont pas renouvelés. On peut être patient, car ils ont encore une encaisse de 146 M$, soit trois ans de dividendes», fait valoir Alain Chung, gestionnaire de portefeuille chez Claret.

La chute de l'action indique que la société a de fortes chances de réduire son dividende. Le dividende procure en effet un rendement insoutenable de 12 %, au cours actuel.

Si le dividende est réduit de moitié par exemple, les liquidités couvriront six ans de dividendes. «Un investisseur qui l'achèterait après pourrait donc patienter le temps que le détaillant améliore ses résultats. Après tout, Reitmans est encore rentable», dit M. Chung.

Le dividende est essentiel quand on investit dans une entreprise familiale, car il n'y a aucun moyen d'influencer la stratégie en tant qu'actionnaire minoritaire, ajoute le gestionnaire. En juin dernier, en entrevue, M. Reitman a fait miroiter un projet d'acquisition d'un autre détaillant, une transaction qu'il voyait se concrétiser cet automne. Rien n'a transpiré depuis.

Les analystes tablent sur un bénéfice modeste de 0,15 $ par action pour l'exercice qui se terminera en janvier 2014. On est bien loin du sommet de 1,50 $ par action atteint en 2007.

L'enjeu de la relève

Le fondateur Karel Velan a 93 ans. Son fils Thomas, qui est président depuis 2003, a déjà 60 ans. Un petit-fils, Robert, a quitté la société en août 2012. Il était vice-président marketing.

«Le problème de la succession se pose. Il va falloir que l'entreprise passe un jour dans d'autres mains solides. On sent que les fils sont usés. J'aimerais bien que la planification soit réglée avant le décès du fondateur. Je crois qu'ils y pensent, mais ce n'est pas pour demain», explique le financier.

M. Takacsy a une autre raison d'être patient. Depuis un an ou deux, la société se concentre davantage sur ses marges au lieu de courir toutes les commandes.

Pour être plus concurrentielle, elle robotise aussi certaines fonctions, dont la soudure.

Velan a aussi élargi sa présence locale de fabrication en Corée du Sud, en Chine et en Inde, afin de réduire ses coûts de fabrication et d'augmenter les ventes locales en Asie.

Une première usine en Inde fabrique des robinets à petit diamètre en acier forgé.

En Chine, Velan a investi dans des montages d'essai, des machines à commande numérique et dans le soudage robotisé pour produire des appareils de robinetterie autoclave pour le marché de l'énergie.

En Corée du Sud, Velan implante une nouvelle chaîne de production pour des robinets de grand diamètre.

Avec les plus petites sociétés et celles contrôlées par des familles, l'investisseur doit vraiment faire ses devoirs :

- Faites une analyse plus approfondie à l'aide des rapports de gestion et de la notice annuelle, pour en comprendre le parcours ;

- Ciblez les entreprises diversifiées qui ne dépendent pas de quelques clients ;

- Choisissez une entreprise qui bénéficie d'un bon bilan, pour éviter les mauvaises surprises ;

- Apprenez à connaître les décideurs de l'entreprise, en écoutant les téléconférences et en assistant aux assemblées annuelles pour juger de leur honnêteté. Cela compte plus que le bilan ;

- Demandez-vous si vous êtes à l'aise avec l'idée d'être un actionnaire minoritaire aux côtés d'une famille actionnaire majoritaire ;

- Accumulez des actions sur plusieurs années, en particulier quand elles baissent.

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