Les titres favoris de Jamie Jenkins et sa stratégie d’investissement responsable

Publié le 20/10/2017 à 09:00

Les titres favoris de Jamie Jenkins et sa stratégie d’investissement responsable

Publié le 20/10/2017 à 09:00

Par Stéphane Rolland

Photo:123rf

L’investissement socialement responsable (ISR) est une approche payante pour les actionnaires, affirme Jamie Jenkins, gestionnaire de portefeuille de BMO Gestion mondiale d’actifs à Londres et spécialiste de l’ISR. Celui qui gère le Responsible Global Equity Strategy, un fond institutionnel récemment offert au Canada, nous a présenté ses choix d’investissements et a discuté de sa stratégie, lors d’un passage à Montréal.

Bien des investisseurs ont la perception que l’investissement socialement responsable (ISR) ne s’aligne pas avec leur objectif d’enrichissement personnel. Quel est le prix à payer pour ajouter un filtre ESG (les volets environnementaux, sociaux et de gouvernance) à ses placements?

L’un des plus grands mythes avec les principes ESG est qu’il y aurait une pénalité sur les rendements. C’est faux. Lorsqu’on prend en compte les risques éthiques et qu’on cherche des entreprises qui développent une stratégie soutenable à long terme, on trouve un échantillon d’entreprises mieux gérées. Ce n’est pas une garantie que tout ira bien pour chacune, mais, dans l’ensemble, les fondamentaux de ces compagnies sont meilleurs.

Donnez-nous des exemples d’entreprises que vous trouvez attrayantes, tant par leurs perspectives de croissance que par leur respect des principes ESG?

Xylem (XYL) est une entreprise industrielle américaine qui tire près de 99% de ses revenus de l’eau. Elle va profiter de la tendance favorable quant aux dépenses en infrastructures liées à l’eau, de même que des besoins des municipalités et des entreprises en analyse de la qualité de l’eau. Les enjeux liés à l’eau sont d’une grande importance pour la planète. On sait qu’il y a de la pression sur les sources hydriques en raison de la croissance démographique mondiale. La Chine connaît d’ailleurs son lot de défis à cet égard. Xylem a une bonne présence dans les marchés émergents et est bien positionnée pour répondre à tous ces enjeux. La société est aussi au début de son plan de réduction de coûts. Elle ne dépend pas trop de la croissance de la demande pour que ses marges s’améliorent.

Un autre exemple est Keyence (KYCCF). C’est une entreprise japonaise qui produit des caméras utilisées dans le secteur manufacturier pour améliorer l’efficacité de la chaîne de production. Cette technologie permet d’accroître l’efficacité énergétique des usines. La société est très bien gérée, mais elle pourrait l'être encore mieux. Comme nombre d’entreprises japonaises, elle a encore beaucoup de liquidités dans ses coffres, ce qui réduit le rendement sur les capitaux investis. Par contre, ses activités progresse à un excellent rythme.

D’ailleurs, cette entreprise reflète votre optimisme pour le marché boursier japonais. Pour quelles raisons surpondérez-vous cette région? 

Le Japon est super attrayant lorsqu’on regarde les multiples et la croissance que vous obtenez pour l’évaluation. De mémoire, depuis l’élection de Shinzō Abe en 2012, c’est la première fois que les actions de la Banque du Japon et du gouvernement vont dans le même sens. Ça a été bon pour l’économie et le marché. Il y a aussi des réformes de la gouvernance des entreprises au Japon. Ils sont encore 10 ou 15 ans en arrière sur les compagnies américaines sous l’angle de l’équilibre entre le rendement des actionnaires et l’allocation du capital. Généralement, les réserves d’argent sont trop importantes. Les choses changent. On commence à verser davantage de dividendes et à lancer des programmes de rachat d’actions. Ce sont des changements structurels qui, selon moi, vont se poursuivre encore pour plusieurs années.

Jamie Jenkins, gestionnaire de portefeuille de BMO Gestion mondiale d’actifs à Londres

Le débat sur les actions à droit de vote multiple est un enjeu de gouvernance qui a beaucoup de résonance au Québec. Cette pratique est critiquée par de nombreux experts de la gouvernance. Dans cet esprit, l’indice S&P 500 exclut désormais les nouvelles émissions d’actions à droit de vote multiple. Au Québec, toutefois, cette structure d’actionnariat est présentée comme une façon de renforcer le contrôle des fondateurs, ce qui favoriserait le maintien des sièges sociaux des sociétés dans les communautés qui les ont vus naître. Où vous situez-vous dans ce débat?

J’ai une mauvaise opinion des actions à droit de vote multiple. Nous croyons fermement que le principe «une action, un vote » est la meilleure pratique. Nous ne voulons pas être une minorité exclue. Nous prenons un engagement à accompagner l’entreprise dans sa stratégie. Dans ce type de structure, ce n’est pas clair que les actionnaires minoritaires soient bien représentés. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous n’investissons pas dans Google ou Facebook. Par contre, nous aimons Apple et Amazon qui respectent le principe : «une action, un vote».

Utilisez-vous vraiment le pouvoir que vous confère le vote ou préférez-vous exercer votre influence en coulisses?

Nous le faisons très souvent [voter contre une recommandation du CA]. Généralement, nous votons en faveur du plan d’affaires et du PDG qui siège au conseil. Par contre, nous votons souvent contre des administrateurs pour manifester notre insatisfaction quant au nombre d’administrateurs indépendants. Nous aimerions qu’ils représentent au moins le tiers du conseil.

Dans le marché boursier canadien, le secteur énergétique pèse lourd. Avec l’ISR, il y a deux écoles de pensées par rapport à l’énergie fossile. Il y a ceux qui évitent le secteur. D’autres choisissent les pétrolières avec la plus faible empreinte écologique et veulent encourager ces entreprises à améliorer leurs pratiques. Où vous situez-vous dans ce débat?

Auparavant, nous investissions dans les entreprises qui avaient la plus faible empreinte de carbone ou qui étaient les plus exposées au gaz naturel. Depuis mai, nous avons décidé d’exclure les compagnies qui ont des réserves de pétrole, de gaz ou de charbon. Concrètement, ça ne fait pas une grande différence puisque nous n’étions pas exposés au secteur depuis janvier 2016 en raison des fondamentaux économiques.

Quel est l’impact de l’élection de Donald Trump sur le marché?

Clairement, l’élection est un retour en arrière lorsqu’on pense à la direction dans laquelle on voudrait voir le monde évoluer, particulièrement sur le front environnemental. C’est déprimant. Par contre, je pense que c’est une occasion d’affaires pour nous. Ça a remis la responsabilité des entreprises au premier plan. Les démocrates ne sont pas parvenus à être une opposition efficace, mais les entreprises ont réussi à s’opposer à la Maison-Blanche. Par exemple, sur la question de l’immigration, l’opposition est venue d’entreprises comme Microsoft, Google, Apple et Amazon.

L’entreprise qui prend une position ne fait-elle pas peser un risque supplémentaire sur ses actionnaires? Après tout, leurs clients peuvent se trouver des deux côtés du spectre politique.

Je crois au contraire qu’il est plus risqué de ne rien faire. Les consommateurs accordent de plus en plus d’importance aux agissements des entreprises. Ils veulent savoir comment leur produit a été fabriqué et veulent s’assurer que les travailleurs de l’entreprise sont bien traités.

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