Si Shell a été «l'une des premières entreprises du secteur» à donner leur mot à dire sur le climat aux actionnaires, «il faut des actions immédiates bien plus importantes», a renchéri une actionnaire. (Photo: 123RF)
Londres — Irruption de militants, suspension de séance et litanie de questions d’actionnaires sur sa stratégie climatique: le géant pétrolier britannique Shell a été chahuté mardi lors de son assemblée générale, même si ses plans sont en passe d’être validés.
Dépassé au début de la réunion par des militants qui chantaient et apostrophaient les actionnaires, le président du Conseil d’administration Andrew Mackenzie avait dû suspendre l’assemblée générale pendant environ deux heures.
«Arrêtez de vous leurrer en disant que vous ne faites aucun mal. Pensez à vos enfants et à votre famille. Ils n’échapperont pas aux effets de l’urgence climatique», criaient notamment les militants, selon des retransmissions en direct de l’assemblée générale.
«We will, we will stop you!», ont encore chanté des militants sur l’air du titre de Queen «We will rock you» depuis la salle de l’AG, devant le conseil d’administration réduit à attendre l’arrivée de la police et l’expulsion des protestataires.
Dehors, un autre groupe de militants chantaient et scandaient des slogans comme «Shame on Shell» (honte à Shell).
«Je regrette cela profondément», a déclaré le président du conseil d’administration Andrew Mackenzie, qui avait en vain appelé les manifestants à attendre la discussion sur le plan de transition climatique du groupe pour s’exprimer dans le calme.
Environ 80 militants participaient à cette action, a indiqué Money Rebellion, qui avait annoncé son intention de manifester avec d’autres organisations écologistes pour dénoncer l’inaction climatique de la «major» pétrolière, après avoir perturbé ces dernières semaines les AG des banques HSBC, Barclays et Standard Chartered.
«Nous respectons le droit de chacun à exprimer son point de vue», mais «ce genre de perturbation lors de notre assemblée générale est le contraire d’une discussion constructive», a commenté l’entreprise dans un communiqué.
Lorsque l’assemblée générale a pu reprendre, ce sont cette fois des actionnaires institutionnels qui se sont relayés pour mettre le climat au cœur des questions au conseil d’administration.
Mesures «pas suffisantes»
Malgré un plan d’action visant la neutralité carbone en 2050, «vous prévoyez toujours d’augmenter les émissions», et les mesures visées «ne sont tout simplement pas suffisantes» pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris, a ainsi taclé un investisseur.
Si Shell a été «l’une des premières entreprises du secteur» à donner leur mot à dire sur le climat aux actionnaires, «il faut des actions immédiates bien plus importantes», a renchéri une autre actionnaire.
«Je crois que nous avons déjà considérablement réinventé l’entreprise», a rétorqué le directeur général Ben van Beurden. «Nous pensons que notre stratégie et l’objectif que nous nous sommes fixé sont bien conformes à l’accord de Paris», qui vise à limiter le réchauffement de la planète à +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle.
Les actionnaires ont malgré tout approuvé à 80% la stratégie climatique de Shell mardi après-midi, d’après le nombre de voix reçues à la fin de l’assemblée générale. Tous les votes n’avaient pas encore été comptabilisés.
Une autre résolution climatique, émanant cette fois d’actionnaires et appelant notamment Shell à «rendre compte» de ses progrès au moins une fois par an, a quant à elle été rejetée par près de 80% des votes reçus.
Lundi, une consultante de Shell avait démissionné avec fracas, accusant le géant pétrolier britannique d’«échouer complètement dans (son) ambition de transition vers la neutralité carbone».
«Shell est pleinement conscient que (ses) projets continus d’extraction de pétrole et gaz et d’expansion causent des dégâts extrêmes à notre climat, notre environnement, la nature et les gens», selon elle.
Un investisseur institutionnel, Royal London Asset Management, avait critiqué le plan de transition climat de Shell la semaine dernière, estimant qu’il ne diminuait pas assez la consommation de pétrole.
Shell cédait 1,01% à 2 363,50 pence vers 10h45, heure du Québec, dans un marché en légère baisse, principalement à cause de la menace d’une possible taxe exceptionnelle sur les bénéfices des entreprises de pétrole et gaz, qui ont largement bénéficié de la flambée des cours des hydrocarbures ces derniers mois, tandis que nombre de consommateurs n’arrivent plus à faire face à l’envolée des factures d’énergie et alimentation.