L'hélium, le deuxième élément le plus abondant dans l'univers, est plutôt rare sur la Terre.
Un vétéran du secteur pétrolier canadien espère qu’un nouveau produit tiré des profondeurs des champs de céréales des Prairies _ l’hélium _ fournira un boom à l’économie de l’Ouest canadien.
Nommé président et chef de l’exploitation au printemps 2019 de la société North American Helium, Marlon McDougall se dit heureux de ne plus avoir à gérer les nombreuses complications liées à l’exploitation pétrolière.
Finies les critiques environnementales, les contraintes réglementaires et la nécessité d’adopter de nouvelles techniques coûteuses pour extraire le pétrole et le gaz naturel.
Nick Snyder, le fondateur et le président du conseil d’administration de l’entreprise, lui a dit que tous ces problèmes n’existaient pas avec l’hélium, un produit plus léger que l’air qu’il veut produire et exporter.
Se lancer dans l’exploitation d’un nouveau produit rappelle l’excitation provoquée par le secteur pétrolier et gazier dans les années 1980, mentionne M. McDougall au cours d’une interview accordée dans son modeste bureau du centre-ville de Calgary.
«On fait correctement les choses. On a une idée. On achète le terrain. On en tire des images sismiques. On perce des puits d’exploration. On fait des découvertes et ça continue à partie de là.»
Une forte demande
L’hélium, le deuxième élément le plus abondant dans l’univers, est toutefois rare sur la Terre.
La demande pour ce gaz, autrefois principalement utilisé pour les ballons militaires et météorologiques _ sans oublier les ballons de fête _, n’a cessé d’augmenter, ce qui a provoqué des pénuries et une flambée des prix au cours des dernières années
La capacité unique de l’hélium à rester liquide à des températures extrêmement basses en fait l’agent de refroidissement de choix pour les aimants supraconducteurs dans la recherche et la médecine (y compris les IRM). Il est également essentiel dans le domaine spatial et pour le soudage au plasma.
Le marché mondial de l’hélium, quant à lui, s’est largement ouvert à la suite de la décision du gouvernement américain, il y a cinq ans, de vendre progressivement ses réserves stratégiques de gaz inerte et de transférer ce marché au secteur privé d’ici 2021.
Le contexte est mûr pour une résurgence de l’industrie en Saskatchewan, soutient Melinda Yorkowski, géologue en chef adjointe à la Saskatchewan Geological Survey. La province a exploité l’hélium à partir de puits pendant une décennie, il y a 50 ans, mais le marché a sombré en raison de la chute des prix.
«On fait beaucoup d’exploration en ce moment», ajoute-t-elle. Selon elle, personne ne sait le volume d’hélium que renferme le sous-sol de la province.
L’entreprise américaine Weil Groups Resources a réactivé deux puits d’hélium en 2016 et a investi 10 millions $ pour construire à Makata, dans le sud-ouest de la province, des installations permettant de séparer jusqu’à 40 millions de pieds cubes d’hélium par année.
L’hélium était transporté par camion vers les installations de liquéfaction de l’entreprise aux États-Unis. Les activités ont d être suspendues à la mi-2019 à cause de problèmes liés à la production. Weil Groups Resources a depuis foré un nouveau puits pour essayer de restaurer la sortie du produit.
L’entreprise compte aussi produire de l’hélium en Alberta. Elle envisage de construire une installation de liquéfaction là-bas pour refroidir le gaz sous forme liquide afin qu’il puisse être expédié dans des réservoirs à haute pression partout dans le monde, a déclaré le PDG de Weil, Jeff Vogt.
Selon le professeur Scott Mundle de l’Université de Windsor en Ontario, l’Ouest canadien a un avantage sur les autres nouvelles sources d’hélium: ses meilleures réserves se situent dans des bassins constitués à 95% d’azote.
L’azote trouvé peut être évacué en toute sécurité dans l’atmosphère après l’élimination de la teneur en hélium de un à deux pour cent, car l’atmosphère de la Terre est composée d’environ 78 % d’azote,soutient-il.
Des traces de méthane et de dioxyde de carbone peuvent également être libérées avec un impact minimal sur l’environnement, ajoute M. Mundle.
La pression extrêmement élevée dans les réservoirs à plus de deux kilomètres sous la surface signifie que les puits peuvent être productifs pendant des années avant d’être épuisés, fait-il valoir.
Une entreprise active
North American Helium est la plus active de la petite poignée d’entreprises qui se sont jetées sur les 1,7 million d’hectares de baux et de permis d’exploitation d’hélium en Saskatchewan.
Elle a foré 13 nouveaux puits d’hélium dans le sud-ouest de la Saskatchewan, dont 11 sont considérés comme commercialement viables, et prévoit d’ouvrir une usine pour traiter le gaz d’un seul puits d’ici la mi-2020.
Pour aller de l’avant avec la production, il faudra signer des contrats d’approvisionnement à long terme avec les acheteurs, qui seront très probablement parmi les grands fournisseurs de gaz industriels qui contrôlent actuellement la distribution mondiale, mentionne M. McDougall.
Le potentiel est énorme, renchérit M. Snyder. Le plan quinquennal de North American Helium comprend l’installation de puits, la construction d’usines de séparation et de liquéfaction pour répondre à une part substantielle de la demande mondiale actuellement évaluée à environ sept milliards de pieds cubes par an.
«Il est raisonnable de penser que nous prévoyons fournir environ 10 % de l’approvisionnement mondial, soit 700 millions de pieds cubes par an pendant que les champs américains diminuent. C’est le point idéal sur le plan de la faisabilité et de l’efficacité des capitaux.»