Sur les 25 entreprises chinoises introduites à Wall Street en 2019, seules quatre ont vu leurs actions monter.
Soupçons de corruption ou bien chiffre d’affaires gonflé à coups de milliards : des entreprises chinoises cotées aux États-Unis accumulent les revers, au risque de ternir leur image internationale.
Plus de 150 entreprises de l’empire du Milieu sont cotées aux États-Unis, où elles pesaient 1 200 milliards de dollars en 2019, selon les chiffres d’une commission du Congrès américain.
L’un des poids lourds de la liste est Alibaba, le géant du commerce en ligne, qui a réalisé en 2014 la plus grosse introduction en Bourse de tous les temps à Wall Street, en levant 25 milliards de dollars.
Mais cette réussite fait désormais figure d’exception.
« Sur les 25 entreprises chinoises introduites en Bourse l’an dernier aux États-Unis, seules quatre ont vu leurs actions prendre de la valeur », déclare à l’AFP l’analyste Matthew Kennedy, du cabinet Renaissance Capital.
Et pour la troisième fois depuis le début du mois, une entreprise chinoise cotée aux États-Unis a dénoncé les pratiques douteuses d’un de ses cadres.
Le géant de l’internet Baidu a ainsi annoncé mercredi qu’un de ses anciens vice-présidents faisait l’objet d’une enquête pour corruption. Le premier moteur de recherche chinois n’a donné aucune précision sur les faits qui lui sont reprochés, alors que le titre piquait du nez au Nasdaq.
Confiance perdue
Début avril déjà, un dirigeant de Luckin Coffee, rival affiché en Chine du géant américain Starbucks, était suspendu pour avoir gonflé artificiellement de près de 2,2 milliards de yuans (290 millions d’euros) le chiffre d’affaires du groupe.
Ces révélations ont eu l’effet d’une bombe sur les marchés : dans la foulée, l’action de Luckin Coffee a perdu plus de 70 %.
« Pour une firme chinoise, être cotée aux États-Unis n’est malheureusement pas une garantie contre la fraude », souligne à l’AFP l’analyste Nigel Stevenson, du cabinet GMT Research.
Luckin « va avoir fort à faire pour regagner la confiance des investisseurs », prévient Matthew Kennedy.
Wall Street risque de se montrer « plus sceptique » à l’égard des entreprises chinoises, estime M. Kennedy. « Mais je pense qu’il faudrait qu’on assiste à des escroqueries à grande échelle avant que les investisseurs ne s’en détournent totalement », tempère-t-il.
Depuis son lancement en 2017, Luckin a ouvert en Chine plus de 4 500 points de vente. C’est plus que Starbucks, son concurrent direct (4 200 environ), pourtant implanté dans le pays depuis 1999.
Et contrairement aux vastes espaces de l’américain, la chaîne propose en majorité des points de vente minimalistes, avec des cafés à prix cassé, préalablement payé sur une application mobile.
« Ce modèle économique n’est absolument pas viable », assure à l’AFP M. Kennedy.
« Dure leçon »
Pour financer son expansion à tout-va, Luckin s’est rapidement introduit sur le Nasdaq en mai 2019 et a pu lever 561 millions de dollars « sans avoir fait ses preuves », s’étonne M. Stevenson.
« Les fraudes, c’est souvent quand les résultats sont trop beaux pour être vrais », relève M. Kennedy.
Des résultats insolents, c’est aussi ce qu’a affiché le géant chinois des cours en ligne, TAL Education : chiffre d’affaires en hausse de 47 % sur un an, bond de 66 % des inscriptions d’étudiants.
Mais un audit interne a relevé début avril des irrégularités l’an dernier dans la comptabilité de l’entreprise fondée par Zhang Bangxin, l’une des plus grosses fortunes de Chine.
TAL Education, coté depuis 2010 aux États-Unis, a plaidé la bonne foi, expliquant que la fraude était le fruit d’un employé malhonnête et que l’entreprise n’était pas au courant de ces pratiques.
À en croire l’analyste Alvin Cheung, de la maison de courtage Prudential, cité par Bloomberg, ces affaires « font ressurgir une grande interrogation pour les investisseurs (étrangers) : peut-on se fier aux jolis résultats financiers des firmes chinoises ? »
Mercredi, un fonctionnaire de la Commission de régulation des banques et des assurances de Chine a qualifié la fraude présumée de Luckin de « dure leçon » et promis une « tolérance zéro » à l’égard de ce genre de pratique.
Mais dans un contexte de rivalité commerciale, technologique et politique avec Washington, Pékin encourage désormais ses entreprises à choisir plutôt les places de Hong Kong ou Shanghai pour lever des fonds.