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Le fonds souverain norvégien se désengage en partie du pétrole

AFP|Publié le 08 mars 2019

La proposition du gouvernement porte sur 7,5 G$ d’actifs sur les quelque 37 G$ détenus par le fonds dans ce secteur.

Le plus gros fonds souverain au monde, celui de la Norvège, lui-même alimenté par des pétrodollars, va se désengager de certaines compagnies pétrolières pour réduire l’exposition de ce pays scandinave à l’or noir, une décision qui épargne toutefois les majors comme ExxonMobil et Total.

Si cette proposition est dictée par des considérations financières et non pas environnementales, le désengagement, même partiel, d’un investisseur qui pèse plus de 1 000 milliards de dollars est aussi perçu comme un coup porté aux énergies fossiles polluantes.

« Il s’agit de réduire et disséminer les risques » encourus face à un recul permanent du prix du pétrole, a expliqué vendredi la ministre des Finances, Siv Jensen, soulignant qu’il ne fallait pas y voir un signe de défiance concernant l’avenir de l’industrie pétrolière.

Le projet porte uniquement sur les compagnies spécialisées dans l’amont du secteur pétrolier, à savoir l’exploration et la production. Cela pourrait potentiellement toucher l’américaine Chesapeake, la canadienne Encana, la chinoise CNOOC, la française Maurel et Prom ou encore la britannique Tullow.

Il exclut en revanche les groupes présents en aval (distribution, raffinage,…) ou intégrés (actifs sur tous les segments), tels que les géants ExxonMobil, Shell, BP et Total.

La proposition du gouvernement porte sur 7,5 milliards de dollars d’actifs sur les quelque 37 milliards détenus par le fonds dans le secteur du pétrole et du gaz fin 2018.

Les géants épargnés

Sauf coup de théâtre, elle devrait être adoptée sans problème par le Parlement où le gouvernement dispose de la majorité.

Elle reprend partiellement des recommandations formulées par la Banque de Norvège. 

Chargée de gérer l’énorme bas de laine communément appelé… « fonds pétrolier », la Banque centrale avait fait sensation en novembre 2017 en prônant une sortie intégrale du secteur pétrolier.

La Norvège est le plus gros producteur d’hydrocarbures d’Europe de l’Ouest. Pétrole et gaz naturel représentent près de la moitié des exportations et 20 % des revenus de l’État, lesquels vont abonder le fonds souverain où Oslo pioche ensuite pour financer son budget.

Pour limiter — un peu — la vulnérabilité des finances publiques à une chute prononcée des cours comme celle observée en 2014, la banque centrale préconisait de cesser de placer cet argent dans des valeurs pétrolières et de vendre les actifs existants.

Comme l’avait fait à l’époque la Banque de Norvège, la ministre a tenu vendredi à préciser que sa proposition « ne reflète aucunement une vue quelconque sur (l’évolution du) prix du pétrole, la rentabilité future du secteur pétrogazier ou son caractère durable ».

« L’industrie pétrolière sera une activité importante en Norvège pendant de nombreuses années », a-t-elle dit. 

« Onde de choc »

Pour les organisations de défense de l’environnement et les acteurs de la lutte contre le changement climatique, il s’agit cependant d’un succès bienvenu à l’heure où la planète semble mal engagée pour tenir les objectifs de l’Accord de Paris.

« Si cela passe au Parlement, cela produira une onde de choc sur le marché, portant le plus grand coup à ce jour à l’illusion que le secteur des énergies fossiles a encore des décennies d’activité comme si de rien n’était », a réagi Yossi Cadan, un responsable de l’ONG 350.org.

« La décision devrait être perçue comme une alerte rouge pour les banques privées et les investisseurs dont les actifs pétroliers et gaziers deviennent de plus en plus risqués et moralement intenables », a-t-il ajouté dans un communiqué.

Vu les sommes en jeu, un désengagement devrait prendre du temps. Mais il pourrait faire des émules, tant les placements du fonds norvégien, qui détient l’équivalent de 1,4 % de la capitalisation boursière mondiale, sont scrutés de près sur les marchés.

« Quand un des plus gros fonds souverains au monde conclut qu’il peut dégager des rendements élevés sur ses investissements avec des risques modérés en réduisant son exposition au pétrole et au gaz, les investisseurs prennent bonne note », a souligné Jan Erik Saugestad, responsable de la gestion d’actifs chez l’assureur norvégien Storebrand.

Le fonds norvégien avait déjà provoqué des secousses sur les marchés dans le passé en se retirant du secteur du charbon pour des raisons environnementales, mais aussi financières.