Après une hémorragie de 1 350 G de couronnes en début d’année, le fonds a gagné plus de 1 100 G de couronne.
Reflet des fluctuations vertigineuses des marchés dues au Covid-19, le plus gros fonds souverain au monde, celui de la Norvège, joue au yoyo depuis le début de l’année, en affichant successivement la pire et la meilleure performance trimestrielle de son histoire.
Après une hémorragie de 1 350 milliards de couronnes en début d’année, quand la pandémie a donné un coup d’arrêt à l’économie mondiale, le fonds a gagné plus de 1 100 milliards de couronnes lors des trois mois suivants grâce au rebond des Bourses dopées par le relâchement des politiques monétaires et budgétaires.
« Le premier trimestre a été historiquement le plus mauvais trimestre pour le fonds du point de vue du rendement » en couronnes, a souligné le vice-patron de l’énorme bas de laine, Trond Grande, en présentant les résultats semestriels mardi.
« Tandis que le deuxième trimestre a été le trimestre le plus robuste de l’histoire », a-t-il ajouté.
Sur l’ensemble du premier semestre, le fonds créé dans les années 1990 pour faire fructifier les revenus pétroliers de l’État norvégien a tout de même perdu 188 milliards de couronnes.
Sa valeur — 10 400 milliards de couronnes fin juin — n’évolue pas seulement en fonction des rendements, mais aussi de ses coûts, des ponctions que l’État peut y réaliser — il l’a fait abondamment pour amortir l’impact économique de la crise sanitaire — et des taux de change.
Les actions représentant 69,9 % de son portefeuille, il suit cependant étroitement les courbes des Bourses : après « une chute dramatique sur tous les marchés mondiaux » en début d’année, ces investissements ont affiché « un rebond étonnamment rapide » à l’approche de l’été, notamment aux États-Unis, a noté M. Grande.
Présent dans le capital de plus 9 200 entreprises, le fonds contrôle l’équivalent de 1,5 % de la capitalisation mondiale.
« Même si les marchés ont bien rebondi au deuxième trimestre, nous décelons encore beaucoup d’incertitudes », a souligné M. Grande.
Si les investissements boursiers du fonds ont globalement reculé de 6,8 % sur le semestre, ses autres placements affichent des performances contrastées.
L’immobilier, qui représente 2,8 % du portefeuille, affiche également un rendement négatif (-1,6 %), tandis que les placements obligataires (27,6 % des actifs) ont, eux, engrangé un gain de 5,1 %.
« Turbulences » autour de la direction
Au-delà des chiffres qui ont de quoi donner le tournis, le fonds norvégien est aujourd’hui toujours enlisé dans une polémique sur sa direction.
Nicolai Tangen, un milliardaire qui a fondé le fonds spéculatif AKO Capital à Londres, doit prendre ses rênes le 1er septembre, en remplacement d’Yngve Slyngstad.
Mais des voix ont critiqué de possibles conflits d’intérêts concernant M. Tangen ainsi que son recours à des paradis fiscaux.
La Banque de Norvège, qui chapeaute le fonds, a également été épinglée par un organisme de supervision pour des irrégularités et entorses à la loi dans le processus de recrutement.
À tel point que la prise de fonctions de M. Tangen est remise en cause par une partie de la classe politique alors que le Parlement doit rendre un avis vendredi, défrichant un terrain juridique inconnu.
Principale force d’opposition, le parti travailliste estime que M. Tangen ne devrait pas accéder à ses nouvelles responsabilités à moins de céder les 43 % qu’il détient toujours, en fiducie (« blind trust », c’est-à-dire sans droit de regard), dans AKO Capital.
Un cabinet d’avocats, sollicité par le gouvernement de droite, a quant à lui conclu mardi que le ministère des Finances ne pouvait s’immiscer dans le processus de désignation, qui incombe aux seules instances dirigeantes de la banque centrale, indépendante du pouvoir.
« Évidemment, cette situation est quelque chose dont nous nous serions bien passés, mais nous espérons avoir réussi, en plus de 20 ans, à bâtir une réputation apte à résister à quelques turbulences », a commenté M. Grande.