Le Canada et l’Éthiopie négocient un accord d’investissement
La Presse Canadienne|Publié le 10 février 2020Ce genre d'entente peut nécessiter plusieurs années à se mettre en place.
Cherchant à obtenir l’appui des pays africains dans sa campagne en vue d’obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU pour le Canada, le premier ministre Justin Trudeau a fait miroiter l’espoir d’un accord d’investissement avec l’Éthiopie et une aide de 10 millions $ aux femmes africaines.
Au cours de sa première journée complète de son périple africain, M. Trudeau a aussi rencontré en tête-à-tête plusieurs dirigeants importants de l’Union africaine.
Il a notamment passé une partie de la matinée avec son homologue éthiopien Abiy Ahmed qui lui a fait visiter un parc public et un zoo situés sur sa propriété. La rencontre a été remarquable par sa durée et la facilité avec laquelle les deux hommes ont pu se promener. Le dirigeant éthiopien n’a toutefois donné aucune indication sur les intentions de vote de son pays à l’ONU.
M. Abiy s’est contenté de dire que l’Éthiopie était reconnaissante du soutien du Canada au fil des ans. «Nous, Éthiopiens, avons un profond sentiment d’amitié envers le Canada», a-t-il déclaré.
Le premier ministre éthiopien est l’une des personnalités les plus influentes en Afrique. Son nom figurait sur la liste des 100 personnes les plus influentes, selon le magazine Times en 2019. Le prix Nobel de la Paix lui a été décerné l’automne dernier.
M. Trudeau, qui a aussi rencontré la présidente du pays Sahle-Work Zewde lors d’un déjeuner de travail, a annoncé que les deux pays entameront des négociations en vue d’un accord sur la protection des investissements étrangers.
La ministre canadienne du Commerce, Mary Ng, qui est en Afrique avec une délégation d’entreprises canadiennes, ne peut préciser pendant combien de temps se dérouleront ces discussions ni le contenu d’un tel accord.
Ce genre d’entente peut nécessiter plusieurs années à se mettre en place.
L’Éthiopie en pleine croissance
Ce type d’accord visant la «promotion et la protection réciproque des investissements» a pour but de stimuler les échanges économiques entre deux États. Le Canada compte déjà deux dizaines de ce genre de partenariats dans le monde.
L’Éthiopie ne représente pas un important partenaire économique du Canada. En 2018, les échanges totalisaient une valeur de 170 millions $, dont plus de 75 % en exportations canadiennes. Toutefois, l’Éthiopie connaît la croissance économique la plus rapide du continent africain et se retrouve dans le top-5 mondial à ce chapitre. Le produit intérieur brut par personne a grimpé de 189 % de 2000 à 2018. Addis-Abeba est une ville en transformation, avec des grues de construction et de nouveaux immeubles de grande hauteur dans tout le c?ur de la ville.
M. Trudeau s’est également entretenu avec le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi, le président rwandais Paul Kagame, le premier ministre cap-verdien Jose Ulisses Correia e Silva et Moussa Faki Mahamat, président de l’Union africaine. Les réunions semblaient porter en grande partie sur des opportunités potentielles de croissance économique, mais les changements climatiques et l’égalité des sexes occupaient également une place importante à l’ordre du jour.
Le premier ministre canadien a également dévoilé une aide de 10 millions $ versée à la commission de l’Union africaine (UA) sur l’égalité hommes-femmes et l’autonomisation des femmes. Il en a fait l’annonce lors d’un discours dans le cadre d’un déjeuner de l’UA, où la salle à majorité féminine a bien accueilli la nouvelle.
La présidente Zewde lui a dit qu’elle appréciait sa «politique féministe forte» et son soutien aux initiatives d’autonomisation des femmes. Mme Zewde est actuellement la seule femme cheffe de gouvernement en Afrique et est considérée comme la femme la plus puissante d’Afrique actuellement.
M. Trudeau, le premier chef du gouvernement canadien à participer à un événement de l’Union africaine, a prononcé un discours lors d’un événement sur «l’économie bleue» de l’Afrique qui se réfère à l’utilisation des plans d’eau pour une croissance économique durable.
Un peu tard
De l’avis de plusieurs universitaires qui étudient l’Afrique, les efforts du Canada pour renforcer ses liens avec le continent arrivent un peu tard. Un sentiment partagé par l’un des principaux rivaux du Canada dans sa quête de décrocher un siège au conseil de sécurité de l’ONU, soit la Norvège.
La première ministre norvégienne Erna Solberg a reconnu qu’elle poursuivait le même objectif de soutenir l’Afrique, mais que son État s’est montré beaucoup plus fidèle en tant que partenaire économique au fil des ans.
«Je crois que l’une des différences, bien sûr, c’est que l’on est demeuré constant en suivant la même voie depuis très longtemps, alors ils nous connaissent bien», a déclaré Mme Solberg.
Elle a ajouté que si l’économie canadienne est plus riche, la Norvège dépense proportionnellement plus d’argent pour venir en aide aux pays étrangers.
Les ministres accompagnant M. Trudeau en mission ont nié que ces liens avec l’Afrique ne sont pas des gestes de dernière minute ni des manoeuvres pour rallier l’appui d’une majorité des 54 États africains dans l’espoir de décrocher un siège au conseil de sécurité.
«Ce n’est pas comme si on avait été absent et que soudainement on arrivait, a répliqué le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social Ahmed Hussen. Rien ne pourrait être plus loin de la vérité.»
Les représentants de la Norvège et de l’Irlande, qui convoitent les mêmes sièges que le Canada, ont aussi eu des discussions avec le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.