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Philippe Leblanc

Entre les lignes

Philippe Leblanc

Expert(e) invité(e)

La Bourse sur une perspective de 100 ans

Philippe Leblanc|Publié le 11 septembre 2020

La Bourse sur une perspective de 100 ans

(Photo: Getty images)

BLOGUE INVITÉ. J’ai récemment reçu un cadeau que je considère d’une grande valeur d’un ami de longue date. Il s’agit d’un livre sur les marchés financiers intitulé «Triumph of the Optimists», dont les auteurs sont MM. Elroy Dimson, Paul Marsh et Mike Staunton (Princeton University Press, 2002).

Ce livre présente une pléthore de données et de statistiques sur les marchés boursiers entre 1900 et 2000, d’où son sous-titre «101 ans de rendements d’investissement globaux».

Dans notre ère où tout semble quasiment instantané, où il me semble que la période moyenne de détention d’un titre est calculée en nombre de jours plutôt qu’en nombre d’années, et où le nombre d’investisseurs s’adonnant à la pratique du «day-trading» atteint des records, j’estime qu’une perspective à très long terme devient encore plus importante.

Voyons quelques-unes des statistiques colligées par les auteurs concernant les marchés boursiers. Les données proviennent de 16 pays à travers le monde, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et le Canada; elles couvrent la période de 1899 à 2000.

1- Des changements importants dans la taille relative des marchés boursiers de divers pays.

La taille relative des marchés boursiers de divers pays entre 1900 et 2000 nous procure une excellente indication de la performance relative de ces marchés au cours de la période. Voici quelques statistiques qui ont attiré mon attention:

 

 

À mon avis, les chiffres ci-haut illustrent quelques-uns des grands bouleversements du dernier siècle. D’une part, ils démontrent la perte d’importance de l’économie et du pouvoir économique de l’Europe, en particulier du Royaume-Uni qui était, au tournant du 20e siècle, à la tête du plus grand empire colonial. D’autre part, l’émergence majeure des États-Unis, dont la valeur représentait en 2000 près de la moitié des toutes les capitalisations boursières mondiales. Je soulignerai toutefois que l’année 2000 correspond à peu près au sommet de la bulle techno, qui, à mon avis, a certainement gonflé la valeur de toutes les Bourses mondiales, mais plus particulièrement de la Bourse américaine.

Par ailleurs, en 1900, l’Inde, qui faisait alors partie de l’Empire britannique, représentait 10% du PIB mondial. En 2000, le Japon est le seul représentant significatif de l’Asie. La performance de ce pays au cours du siècle dernier, en particulier dans les décennies suivant la Deuxième Guerre mondiale, semble d’ailleurs être un précurseur de ce qui pourrait se produire en Asie au 21e siècle. Même si en 2000, le marché japonais ne représentait qu’un peu plus du quart de la valeur du marché américain, le livre souligne que sa valeur avait néanmoins surpassé celle du marché américain pendant une période de deux ans à la fin des années 1980; plus de 30 ans plus tard, l’indice Nikkei est toujours à près de 40% de son sommet de la fin des années 1980. Il reste qu’il y a fort à parier qu’en 2100, l’Asie accaparera une proportion majeure des bourses mondiales, un peu à l’instar de ce qu’ont fait les États-Unis au dernier siècle.

2- Les États-Unis et le Royaume-Uni de 1900 à 2000.

Selon «Triumph of the Optimists », en 1900, la capitalisation boursière de la Bourse de Londres se chiffrait à l’équivalent d’environ 4,3 G$ US, soit plus de 50% supérieure à celle de la capitalisation boursière de la Bourse de New York qui était de 2,86 G$. À l’époque, il y avait aux États-Unis plus de 20 autres places boursières et les auteurs estiment que la valeur totale des entreprises américaines cotées en Bourse était de 3,5 G$. (Ici, je serais tenté de souligner que, 120 ans plus tard, Apple vaut à elle seule plus de 1 900 G$!). À la fin de 1899, les actions de 783 sociétés s’échangeaient à la Bourse de Londres, environ six fois plus que les 123 sociétés inscrites à la Bourse de New York.

Au début du 20e siècle, la valeur boursière du marché américain a surpassé celle du marché britannique et est demeurée la place boursière dominante pendant tout le reste du siècle. À la fin de 2000, il y avait selon les auteurs 6 340 sociétés dont les actions étaient cotées sur les Bourses de New York, Amex et Nasdaq, pour une valeur boursière totale de 14,4 billions $ (ou 14 400 milliards $). Cela se compare à une valeur de 2,7 billions $ pour un total de 2 140 sociétés britanniques.

La plus grande société inscrite à la Bourse de New York à la fin de 1899 était Pennsylvania Railroad, dont la valeur boursière était de 373 M$. À la Bourse de Londres, la plus grande société était aussi une société ferroviaire, North West Railway (405 M$). Au début de 2001, la plus grande société américaine était General Electric, avec une valeur boursière de 475 G$. À Londres, c’était Vodaphone, avec une valeur de 236 G$.

Ces informations démontrent bien que les leaders d’aujourd’hui ne seront pas nécessairement les leaders de demain. Après seulement vingt ans, la valeur boursière de GE a chuté à près de 50 G$.

Dans mon prochain blogue, je parlerai entre autres des changements majeurs survenus dans la composition des marchés boursiers par industrie au cours du 20e siècle.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA