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Comment Sophie Brochu a révolutionné Énergir

François Normand|Publié le 21 octobre 2019

ANALYSE. Elle a diversifié les activités sectorielles et géographiques, en plus de multiplier par trois les actifs.

ANALYSE. Le départ de Sophie Brochu de la direction d’Énergir à la fin de 2019 prend tout le monde par surprise ou presque. Son passage de 12 ans à la barre de l’entreprise ne passe toutefois pas inaperçu, car il a révolutionné l’ancien distributeur gazier pour en faire un «énergéticien», comme elle aime si bien le dire.

Économiste de formation et très impliquée dans plusieurs causes sociales, Sophie Brochu arrive chez Énergir en 1997 (anciennement Gaz Métro, mais aussi Gaz Métropolitain auparavant), à titre de vice-présidente au développement des affaires.

Tranquillement, mais sûrement, elle gravit les échelons pour accéder aux pleins pouvoirs en 2007, alors que l’entreprise est dirigée depuis 1997 par Robert Tessier, un ancien haut fonctionnaire.

C’est une époque d’une grande effervescence intellectuelle.

Si Robert Tessier est à l’origine de la transformation d’Énergir, c’est toutefois Sophie Brochu qui l’a concrétise en amorçant dès 2006 une profonde remise en question de la mission et de la vision stratégique de l’entreprise.

Elle a non seulement diversifié les activités sectorielles et géographiques de la société, mais elle a aussi pratiquement multiplié par trois ses actifs.

En 2006, un an avant que Sophie Brochu ne prenne la barre de l’entreprise, Énergir avait des actifs totalisant 2,8 milliards de dollars et comptait 206 000 clients.

Aujourd’hui, la valeur des actifs a grimpé à plus de 7 G$ et la société dessert 520 000 clients, dont une majorité aux États-Unis.

Sur le marché américain, par le biais de filiales, Énergir est active dans près d’une quinzaine d’États où elle produit de l’électricité à partir de sources hydraulique, éolienne et solaire, sans parler de l’électricité produite à partir du fumier de bovin (le cow power, comme on dit en anglais).

Énergir est aussi le principal distributeur d’électricité et le seul distributeur de gaz naturel au Vermont.

Deux acquisitions structurantes

Deux acquisitions majeures ont grandement aidé Énergir à presque tripler ses actifs depuis une quinzaine d’années.

En juin 2006, la société a acheté Green Mountain Power, le deuxième distributeur d’électricité du Vermont, pour 187 millions de dollars américains. Puis, cinq ans plus tard, en 2011, Énergir a mis la main sur la Central Vermont Public Service au coût de 472,4 M$ US, et l’a fusionnée avec Green Mountain Power.

Sophie Brochu est une leader qui s’est toujours appuyée sur ses employés et les principales parties prenantes de la société québécoise pour faire évoluer Énergir.

Par exemple, la transformation amorcée au milieu des années 2000 – l’entreprise est passée du statut de distributeur gazier à une société énergétique, avec entre autres l’ajout du solaire et de l’électricité – ne s’est pas faite en vase clos.

La direction d’Énergir a alors consulté une diversité d’intervenants, et ce, des universitaires aux producteurs d’énergie en passant par des environnementalistes, sans parler de sociologues et des jeunes.

La raison en est fort simple, a déjà expliqué Sophie Brochu à Les Affaires.

Pour être de son temps et suivre le courant, Énergir devait s’exposer à un maximum d’idées pour réfléchir au Québec de demain, à la consommation d’énergie de l’avenir et à la place d’Énergir dans cet écosystème.

Les prochains défis d’Énergir

Cette transformation est loin d’être terminée, même si la principale maître d’œuvre cède sa place à Éric Lachance, actuellement vice-président principal, réglementation, TI, logistique et chef des finances chez Énergir.

Cet ancien dirigeant du portefeuille des infrastructures de la Caisse de dépôt et placement du Québec en Europe fait face à d’immenses défis.

La transition écologique s’est mise en marche aux quatre coins de planète. Cela annonce un déclin des énergies fossiles, incluant le gaz naturel classique, même si ce dernier émet beaucoup moins de gaz à effet de serre (GES) que le charbon et le pétrole.

Certes, la gaz naturel classique peut déplacer du pétrole ou du charbon.

Par contre, des voix de plus en plus nombreuses se font entendre pour accélérer la décarbonisation de l’économie en utilisant tout de suite les énergies vertes, dont les coûts de production sont concurrentiels.

C’est d’ailleurs pourquoi Énergir souhaite un jour vendre uniquement du gaz naturel renouvelable (produit notamment à partir de résidus organiques comme des restes de table) à sa clientèle résidentielle, commerciale et industrielle au Québec.

«Nous avons la vision d’avoir 100 % de gaz naturel renouvelable un jour», déclarait en mars à Les Affaires Mathieu Johnson, directeur du développement du GNR chez Énergir, en précisant toutefois que ce ne sera pas avant quelques décennies.

Actuellement, moins de 1 % du gaz naturel distribué au Québec par Énergir est d’origine renouvelable. Le reste du gaz (de source fossile) distribué dans la province est acheté dans l’ouest canadien et aux États-Unis.

Mais encore une fois, Énergir pourrait surprendre les consommateurs et le marché en se réinventant à nouveau pour être de son temps et suivre le courant.