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Bourse: les SAVS ont la cote, mais ne sont pas sans risque

AFP|Publié le 09 Décembre 2020

Les introductions en Bourse via des sociétés d’acquisition à vocation spécifique ont explosé en 2020 aux États-Unis.

Le rappeur Jay-Z, l’ancienne vedette de basket-ball Shaquille O’Neal, le fils aîné de Martin Luther King : ces célébrités ont en commun d’avoir associé leur nom à des sociétés d’acquisition à vocation spécifique (SAVS), ces sociétés de plus en plus utilisées pour accéder à Wall Street.

Les introductions en Bourse via des SAVS ont explosé en 2020 aux États-Unis, ce qui n’a pas manqué d’attirer l’attention des régulateurs et de susciter certaines appréhensions.

 

Les SAVS, mode d’emploi

Une société d’acquisition à vocation spécifique, ou « Special Purpose Acquisition Company » en anglais, est une entreprise sans activité commerciale dont le but est de lever des fonds en entrant sur une place boursière.

Pour se financer, la société met en vente des actions, généralement à 10 dollars l’unité.

La SAVS dispose ensuite d’un délai, souvent fixé à 2 ans, pour identifier, puis fusionner avec une autre entreprise, permettant à celle-ci de disposer d’une manne à son arrivée en Bourse.

Durant cette période, les fonds sont conservés dans un compte sous séquestre. Si aucune transaction n’est finalisée avant l’échéance, les investisseurs récupèrent leur mise de départ.

L’une des particularités pour les actionnaires est qu’ils ne savent pas à l’avance avec quelle société la SAVS va s’associer.

« La SAVS annonce souvent le domaine où elle veut fusionner, que ce soit la technologie ou la santé, mais c’est parfois bien plus vague », précise Jay Ritter, professeur à l’université de Floride.

 

Une année faste

Selon le cabinet Dealogic, 210 SAVS ont levé au total 71,6 milliards de dollars sur les places boursières américaines depuis le début de l’année. En 2019, elles étaient 59 pour un montant cumulé de 13,5 milliards.

Signe de leur popularité, ces sociétés attirent des vedettes, recrutées par une SAVS visant des acquisitions dans les médias et la technologie.

Le rappeur et producteur Jay-Z a signé un partenariat avec une entreprise spécialisée dans le cannabis sur le point d’être acquise par une SAVS.

Des financiers influents comme Bill Ackman ou Chamath Palihapitiya pilotent pour leur part d’ambitieux projets de SAVS.

La compagnie de tourisme spatial Virgin Galactic, fondée par le magnat britannique Richard Branson, et la magazine Playboy ont utilisé ce tour de passe-passe.

Si les SAVS ont surtout la cote sur les marchés américains, où elles sont présentes sous une forme ou une autre depuis les années 1980, des initiatives existent ailleurs. 

Les hommes d’affaires français Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari chapeautent ainsi 2 MX Organic, une SAVS cotée mercredi à la Bourse de Paris pour faire des acquisitions dans le secteur de la consommation durable.

MM. Niel et Pigasse avaient déjà eu recours à cet outil pour la société de production audiovisuelle Mediawan, entrée sur Euronext en 2016.

 

Avantages et risques

Le succès récent des SAVS tient en partie à la rapidité et la simplicité des démarches d’entrée en Bourse.

« C’est un chemin plus court vers la cotation, mais aussi plus sûr dans la mesure où la société est déjà cotée », explique Kristi Marvin, fondatrice de SPACInsider.com. « Et le capital est mieux garanti car il y a un certain montant sur le compte. »

L’absence de dépenses importantes, notamment les commissions versées aux grandes banques, joue également en faveur des SAVS même si l’addition peut s’avérer salée lors d’une fusion.

Les risques existent, à commencer par la possibilité pour tout actionnaire de récupérer sa mise avant qu’une transaction ne soit finalisée, faisant baisser la valeur boursière de la société.

 

Régulation

La réputation des SAVS a été ternie par le fiasco du fabricant de camions électriques et à hydrogène Nikola, qui avait pourtant connu une ascension fulgurante après son entrée en juin sur le Nasdaq via une fusion.

Mais des accusations de fraude contre l’entreprise et son fondateur ont fait plonger l’action et plusieurs enquêtes ont été ouvertes, dont une par le gendarme boursier américain, la SEC.

« Les motivations des responsables des SAVS, les motivations de l’entreprise qu’ils achètent (…) sont différentes des motivations des propriétaires et des équipes dirigeantes lors d’une IPO classique », a averti récemment Jay Clayton, le patron démissionnaire de la SEC.

Malgré ces mises en garde, les SAVS semblent avoir de beaux jours devant elles à Wall Street.

« Je pense que le rythme va continuer d’être soutenu (…) Cela va devenir encore plus compétitif », prédit Jonas Grossman, président de la banque Chardan, spécialisée dans les SAVS.