Les propos de François Legault et Pierre Fitzgibbon laissent peu de doutes.
Les trains et les avions de Bombardier font beaucoup de bruit dans les parlements alors que se multiplient les signes pointant vers la poursuite du démantèlement de la multinationale québécoise.
Le monde politique a multiplié les déclarations sans vraiment donner d’éclaircissements, mais les propos du premier ministre François Legault et de son ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, mercredi à l’Assemblée nationale, laissent peu de doutes quant au fait que des décisions importantes sont imminentes.
Ainsi, M. Legault a rappelé en mêlée de presse que son ministre de l’Économie et lui-même ont une vaste expérience en matière de transactions, ajoutant du même souffle: «On est en train de faire une transaction qui est dans l’intérêt des Québécois».
De son côté, M. Fitzgibbon a dit avoir l’intention de demander une reddition de comptes à la haute direction de Bombardier «quand il va y avoir des transactions. Là, ce n’est pas le temps, on est en train de regarder des choses. Quand ça va être fini, je pense que les Québécois, considérant l’investissement qui a été fait, c’est justifié qu’on leur explique qu’est-ce qui s’est passé».
Il a également fait référence à un «Bombardier résiduel» à l’issue de ces transactions, ce qui laisse croire que l’entreprise québécoise est à négocier pour se départir de certains actifs, et il a par ailleurs confirmé que des discussions impliquant le PDG de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia, le gouvernement, la haute direction et le conseil d’administration de Bombardier étaient en cours.
«Tout le monde est pas mal aligné. Ça me rend confortable qu’on va avoir une solution qui va être satisfaisante», a dit le ministre.
«La réponse, c’est non»
Mardi, Pierre Fitzgibbon estimait que Bombardier, aux prises avec un surendettement dépassant les 9 milliards $, ne pouvait survivre en demeurant propriétaire de ses trois composantes actuelles, soit sa participation de l’ancienne C Series _ aujourd’hui propriété d’Airbus qui commercialise l’avion sous l’appellation A220 _ les avions d’affaires Global et sa filiale de matériel roulant.
Mercredi, M. Fitzgibbon a reconnu que la situation représente un dilemme puisque la division des avions d’affaires emploie 13 000 personnes au Québec et est rentable, mais que la division qui construit des trains, tramways et wagons de métro _ aussi rentable _ est celle qui présente le meilleur potentiel dans 10 ou 15 ans, bien qu’elle n’emploie que 1000 personnes.
Une intervention de l’État pour maintenir le statu quo est toutefois impensable, selon lui.
«Il y a deux « business » qui font de l’argent. (…) Pour que la dette baisse à un niveau adéquat pour maintenir les deux « business », ça prend deux, trois, quatre milliards. Va-t-on faire un chèque de deux, trois quatre milliards? La réponse c’est non.»
François Legault ne semble pas du tout enclin lui non plus à piger dans le trésor public.
«Actuellement on est en train de regarder des moyens pour protéger les emplois sans trop investir l’argent des Québécois», a dit le premier ministre.
Une commission parlementaire «ça ne donne rien»
Le député solidaire Vincent Marissal a de son côté demandé au ministre Fitzgibbon «d’arrêter de réfléchir à voix haute à chaque fois qu’il donne une entrevue, parce ç’a des influences et en plus ça inquiète beaucoup les employés de Bombardier».
Faisant écho à l’intention du ministre de demander une reddition de comptes de la part de Bombardier, M. Marissal a du même coup réclamé la comparution de la haute direction de l’entreprise en commission parlementaire.
«On veut savoir ce qu’ils ont fait avec les milliards qu’on a donnés, parce que les Québécois veulent des réponses. Ils en ont marre de juste signer des chèques à Bombardier et les Québécois, la population québécoise, malheureusement, est devenue un peu la marge de crédit de Bombardier, y compris pour payer les bonus de la haute direction», a dit le député solidaire.
Pierre Fitzgibbon, toutefois, a plutôt exprimé sa préférence pour une conférence de presse en compagnie du PDG de Bombardier, Alain Bellemare, afin de procéder à une éventuelle reddition de comptes, laissant transparaître son impatience face à la procédure parlementaire.
«En commission parlementaire, je pense que ça n’a pas de bon sens (…), ça ne donne rien. (…) Une commission parlementaire, je ne veux pas aller là parce qu’on perd du temps», a dit le ministre.
Sauver les emplois
À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau s’est montré très prudent, n’osant pas s’avancer de quelque façon que ce soit au-delà d’offrir son soutien aux travailleurs et laissant entendre que les coffres de l’État ont été assez sollicités dans le passé.
«On a déjà investi énormément dans l’industrie aérospatiale. On comprend qu’il y a énormément de bons emplois au Québec et à travers le pays dans l’aérospatiale. Évidemment, Bombardier se doit de prendre des décisions, mais nous allons être là pour appuyer l’industrie aérospatiale et les travailleurs», a-t-il déclaré.
Le chef bloquiste Yves-François Blanchet s’est dit, pour sa part, convaincu que le gouvernement Legault posera les bons gestes, tout en dénonçant sans ménagement la haute direction de l’entreprise.
«Combien de milliards d’argent public on a calé (dans Bombardier) qui est en train de faire ce qui a toutes les apparences d’une vente de feu, avec des actionnaires et des propriétaires qui, eux, n’auront pas sacrifié grand-chose», a-t-il dit.
Il a vertement critiqué la propension de Bombardier «de toujours être sur le bord de la panique, de l’inquiétude et de la menace, pour aller toujours chercher un petit peu plus d’argent avec jamais suffisamment de conditions accordées au bailleur de fonds qui est l’État».
«L’État aurait toujours dû protéger davantage son argent, davantage l’argent des contribuables, davantage son contrôle sur l’entreprise», a-t-il fait valoir.