L'aluminium québécois risque de perdre des milliards si une brèche dans l'ACEUM n'est pas colmatée.
Armés d’une étude sur l’impact qu’aurait l’annulation de sept projets d’agrandissement d’alumineries dans leur région, la mairesse de Saguenay et le maire d’Alma sont ressortis satisfaits d’une rencontre avec des représentants du gouvernement Trudeau à Ottawa, mercredi.
«Moi je sors un peu plus rassuré de notre problématique et, surtout, de l’écoute qu’on a eue de la part du gouvernement», a déclaré le maire d’Alma, Marc Asselin, quelques minutes après la fin de cette réunion avec la vice-première ministre Chrystia Freeland et Pablo Rodriguez, le lieutenant québécois du premier ministre.
Cependant, les deux maires et les représentants syndicaux qui les ont accompagnés n’ont obtenu que des promesses.
«Ce qu’on a demandé, c’est d’avoir des engagements écrits. On n’a pas eu ça aujourd’hui. Mais la ministre (Freeland) s’est engagée à rediscuter de cette problématique-là pour nous», a précisé M. Asselin.
Prêts à accepter la ratification prochaine de l’accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM), les maires ont réclamé qu’Ottawa négocie une entente parallèle pour protéger l’industrie québécoise de l’aluminium.
Ils croient que Mme Freeland va rouvrir cette conversation avec les voisins américains et mexicains.
«L’accord tel quel doit être ratifié. Pour la suite, il y a diverses possibilités», a offert le ministre Rodriguez à la porte des Communes.
En vertu de l’ACEUM, l’aluminium est considéré comme étant nord-américain à condition qu’il ait subi une transformation, même mineure, dans l’un des trois pays signataires. Ceci permet au Mexique d’acheter à moindre coût de l’aluminium chinois, par exemple, qui, ensuite, est utilisé dans la construction automobile comme aluminium nord-américain.
L’étude commandée par les élus municipaux et les syndicats des alumineries calcule en milliards de dollars les pertes potentielles pour le secteur québécois de l’aluminium si cette brèche dans l’ACEUM n’est pas colmatée.
L’étude cite sept projets _ l’annulation de deux d’entre eux a déjà été annoncée _ qui ne verraient pas le jour. Elle calcule que ces projets auraient créé 60 000 emplois en 10 ans.
«Il y a énormément de facteurs lorsqu’on prend une décision d’investir, notamment le prix de l’aluminium à l’échelle mondiale», a noté le ministre Rodriguez, rejetant ainsi la prémisse de l’étude saguenéenne.
Sa collègue Mélanie Joly, ministre du Développement économique, a tenu le même discours, citant «la réalité du prix de l’aluminium au niveau mondial».
Au bureau du premier ministre, on assure que le Mexique n’a pas les capacités de production ou de transformation d’aluminium outre-mer qu’on semble lui prêter.
Un premier vote et des négociations secrètes
Les députés du Bloc québécois qui ont parrainé la visite saguenéenne ont voté contre la motion de voies et moyens qui entamait le processus de ratification de l’ACEUM par le Parlement, mercredi après-midi.
«Si Mme Freeland est prête à trouver de nouvelles dispositions (…), est-ce que ce n’est pas parce qu’on a parlé un peu?», a argué le député Mario Simard. «Le combat, il faut le faire, il faut le mener», a-t-il maintenu.
Les élus bloquistes disent encore travailler sur des propositions concrètes pour protéger l’aluminium malgré la ratification éventuelle de l’ACEUM, mais ils ne veulent pas donner plus de détails pour l’instant.
«On (n’en parle pas) publiquement pour faire en sorte que ça se concrétise et que ça ne plante pas», s’est justifié le député Alexis Brunelle-Duceppe.
Son chef n’a pas voulu être plus loquace. Yves-François Blanchet s’est contenté de souligner que ses questions en Chambre, mercredi, étaient « plutôt douces » pour faciliter la discussion en cours avec le gouvernement Trudeau.
La proposition bloquiste a été soumise mardi soir au gouvernement libéral.
Mercredi matin, Justin Trudeau ne fermait pas de porte. «On est toujours ouvert à entendre différentes suggestions. (…) Il y a toujours des préoccupations dans différents secteurs et on va écouter attentivement», a-t-il dit.