Tim Regan: «Il y a encore beaucoup de sociétés bon marché»
Dominique Beauchamp|Édition de la mi‑septembre 2019DOMINIQUE BEAUCHAMP - La Bourse et le marché obligataire déroutent bien des investisseurs ces jours-ci. Comment ...
DOMINIQUE BEAUCHAMP – La Bourse et le marché obligataire déroutent bien des investisseurs ces jours-ci. Comment comptez-vous en tirer parti ?
TIM REGAN – Ce genre de dislocation sied bien à notre démarche, qui consiste à acheter des sociétés bien gérées que le marché évalue mal, dans un horizon de trois à cinq ans. Les investisseurs se déplacent en troupeau, ce qui nous fournira des occasions de déployer notre encaisse de 10 % pour acheter des entreprises sous-évaluées. Nos décisions reposent entièrement sur l’écart que nous percevons entre le cours et la valeur juste que notre modèle attribue aux entreprises elles-mêmes. Il arrive parfois qu’on achète trop tôt, mais se fixer un objectif est mieux qu’essayer de prévoir la Bourse.
D.B. – Votre encaisse est tout de même plus élevée qu’à la normale. Est-ce parce que les aubaines sont rares ?
T.R. – En fait, derrière les entreprises chouchous qui mènent la charge en Bourse, il y a encore beaucoup de sociétés bon marché. Nous avons plus de liquidités parce que nous avons réalisé des gains sur des titres qui ont grimpé rapidement comme Rogers Communications (RCI.B, 65,65 $), Thomson Reuters (TRI, 91,11 $) et Badger Daylighting (BAD, 42,42 $). Si nous avons vendu Rogers, nous continuons de détenir Telus (T, 48,06 $) et Québecor (QBR. B, 30,21 $). Nous avons aussi réduit notre placement dans Air Canada (AC, 43,55 $). Par contre, nous conservons des actions de celui qui deviendra bientôt le seul acteur encore en Bourse de cette industrie concentrée.
D.B. – Pouvez-vous illustrer votre démarche à l’aide d’exemples ?
T.R. – Les bas taux actuels créent toutes sortes de distorsions. Les banques canadiennes, par exemple, sont peu chères parce qu’on craint que les marges d’intérêts comprimées affaiblissent leur croissance. Ces institutions financières s’échangent donc à un bas multiple même si elles dégagent des rendements financiers élevés et qu’elles distribuent la moitié de leurs bénéfices croissants en dividendes année après année. J’aime nettement mieux le rendement de 4 % de leur dividende que celui de 2,5 % de leurs obligations. S’il y a une correction ou une récession, nous ajouterions à nos positions dans les institutions financières, dont la Banque TD (TD, 171,87 $) et la Banque Scotia (BNS, 70,47 $).
D.B. – De quelle autre façon trouvez-vous vos aubaines ?
T.R. – Nous aimons lorsque les titres tombent sans raison ou lorsque les investisseurs se méprennent sur la stratégie d’une entreprise. C’est le cas du fonds immobilier à capital fermé Northwest Healthcare Properties Real Estate Investment Trust (NWH.UN, 11,68 $). Nous avons acheté le plus important propriétaire d’immeubles à vocation médicale à la fin de 2015, lorsque le fonds s’est uni à une société soeur dans un échange d’actions pour stimuler sa croissance et diversifier son portefeuille à l’étranger. Les investisseurs n’y voyaient que du risque pour un aussi petit fonds immobilier. Aujourd’hui, le fonds de 1,5 milliard possède des immeubles à vocation médicale et des hôpitaux en Allemagne, au Brésil et en Australie. Le titre a gagné 45 % depuis l’achat.
D.B. – D’où vient votre penchant pour l’immobilier ?
T.R. – On y trouve des occasions parce que les titres ne reflètent pas toujours bien la valeur des actifs. Nous avons acheté des actions du propriétaire mondial immobilier Brookfield Properties Partners (BYP.UN, 25,22 $) en janvier, cinq mois après l’acquisition de GGP, société américaine qui détient 125 centres commerciaux, que nous connaissions déjà. L’impopularité des centres d’achat auprès des investisseurs pèse sur le titre. Brookfield nous apparaît sous-évalué de 40 % par rapport à la valeur de ses actifs. En plus, Brookfield possède aussi des immeubles de bureaux prestigieux à Toronto, New York et Londres, entre autres. La société développe aussi des complexes résidentiels. Enfin, nous récoltons un rendement de la distribution de 6,5 % en attendant que sa valeur émerge.
D.B. – Vous affectionnez aussi les grands fonds privés tels que Blackstone. Qu’est-ce qui vous attire ?
T.R. – Ce genre de placement nous donne accès au savoir-faire de financiers chevronnés, à leurs énormes capitaux et aux occasions d’affaires auxquelles ils ont accès. De plus, ces fonds offrent aussi différentes sources de revenus, dont les honoraires. Nous détenons Blackstone Group (BX, 49,53 $ US) depuis six ans et son titre a joué au yoyo depuis son achat aux environs de 20 $ US. Maintenant que le fonds s’est converti de société en commandite en société par actions (le 1er juillet), il devrait attirer de nouveaux investisseurs qui ne pouvaient pas le considérer avant. Le titre a aussi fait son entrée dans les indices boursiers. Son actif de 545 G $ US est colossal. À 4 %, le rendement de sa distribution est respectable.
Rectificatif du Marché en action du 24 août : Nous y écrivions que Fonds Québec Eterna sous-pondérait sa position dans Quincaillerie Richelieu, Intertape Polymer et Plastiques IPL. Au contraire, le fonds surpondère ces titres. Nos excuses.