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Philippe Leblanc

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Philippe Leblanc

Expert(e) invité(e)

L’«optionalité» ou l’art de se ménager de nombreuses options

Philippe Leblanc|Publié le 30 octobre 2020

L’«optionalité» ou l’art de se ménager de nombreuses options

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Le terme «optionalité» représente la valeur des options d’investissement qui se présentent après avoir fait un investissement initial. Dans le monde de l’investissement, personnel ou corporatif, l’optionalité est la somme des valeurs de toutes les options créées par une décision.

Si une décision d’investissement vous mène forcément à une seule option, cette décision n’a pas d’optionalité. Les meilleures décisions ouvrent de nombreuses portes – elles ont une grande optionalité et ce sont généralement celles qui créent le plus de valeur. Dans le monde de l’investissement, ce sont aussi ces décisions qui mènent aux meilleurs résultats.

J’ai toujours cru qu’on devrait autant que possible prendre des décisions qui augmentent l’optionalité. C’est vrai dans la vie tout comme en investissement. Par exemple, l’étudiante qui se demande dans quel domaine elle devrait étudier pendant son bac universitaire devrait considérer l’optionalité de sa décision. Si elle n’est pas certaine du domaine dans lequel elle veut étudier, elle devrait à mon avis choisir l’option qui lui donnera la plus grande «optionalité», celle qui lui ouvrira le plus grand nombre de portes pour sa carrière future ou pour une éventuelle maîtrise universitaire.

C’est vrai aussi pour l’entrepreneur qui tente de développer un nouveau produit. D’un côté, il veut focaliser ses efforts sur un seul produit destiné à un marché de niche. En même temps, il voudra que les caractéristiques qu’il ajoutera à ce produit lui ouvrent un marché plus vaste, voire qu’elles lui permettent d’accéder à des marchés connexes.

Dans le domaine de l’investissement boursier, je vois les choses de la même manière, mais le raisonnement est un peu différent. Il faut selon moi tenter de dénicher les titres d’entreprises qui offrent la plus grande optionalité. Dans ce cas-ci, l’optionalité appartient à l’entreprise et non pas à l’investisseur, mais ce dernier pourrait fort bien en profiter grandement si la société prenait les bonnes décisions d’investissement dans le futur.

Quelles sont les entreprises qui offrent une grande optionalité?

D’une part, on devrait privilégier les entreprises qui sont actives dans des secteurs en croissance et qui offrent des débouchés de croissance attrayants à long terme. Peut-être est-ce parce que leur secteur est naturellement en croissance. Ou peut-être est-ce parce qu’une société a la possibilité de croître par acquisition dans un secteur fragmenté. Les investisseurs qui ont levé le nez sur le titre de Couche-Tard il y a 20 ans ont peut-être sous-estimé la valeur de l’optionalité de la société, notamment la possibilité qu’elle réalise des acquisitions susceptibles de créer de la valeur pour ses actionnaires dans un secteur qui affiche pourtant une modeste croissance. Il ne faut pas oublier une autre source d’optionalité pour Couche-Tard: son réseau de dépanneurs, qui mise avant tout sur la proximité des consommateurs, est en mesure d’offrir une vaste gamme de produits et de services. En revanche, je préfère ne pas investir dans des entreprises dont le secteur est en déclin ou qui pourraient éventuellement disparaître.

D’autre part, je favorise le plus possible deux autres facteurs d’optionalité pour une entreprise, lesquels sont à mon avis largement ignorés par les investisseurs: un bilan très solide et la capacité de dégager des flux de trésorerie libres importants. Alors que tant d’investisseurs focalisent leur attention sur la croissance des revenus et des bénéfices des entreprises, ils ignorent tout simplement le bilan et les flux de trésorerie libres.

Une entreprise qui jouit d’une excellente santé financière a sensiblement plus d’options pour créer de la valeur pour ses actionnaires que celle qui utilise pleinement la dette pour financer ses activités. Une entreprise qui a beaucoup d’encaisse et peu de dette peut se permettre de considérer toutes sortes d’options de rechange qui ne sont généralement pas disponibles aux autres sociétés: racheter ses propres actions, verser un dividende spécial, réaliser une acquisition ou investir davantage dans ses propres activités afin de fouetter sa croissance à long terme.

C’est la même chose pour une entreprise qui dégage des flux de trésorerie libres substantiels («free cash flows»). Une telle société jouit également d’une grande «optionalité» puisqu’elle peut se servir de ces flux libres pour créer le plus de valeur possible pour ses actionnaires.

L’idéal est de trouver des entreprises qui jouissent de ces trois facteurs: un bon secteur qui offre des occasions de croissance à long terme, un excellent bilan et une capacité de dégager des flux de trésorerie libres importants. Voilà une bonne manière pour l’investisseur de profiter de l’«optionalité».

Philippe Le Blanc, CFA, MBA