La décision des dirigeants d’Air Canada est «inhabituelle»
La Presse Canadienne|Publié le 07 juin 2021(Photo: Getty Images)
La récente décision des dirigeants d’Air Canada de rembourser volontairement leurs primes est un cas incroyablement rare de volte-face dans les dossiers de rémunération d’entreprise, a observé lundi un économiste.
David Macdonald, économiste principal au Centre canadien de politiques alternatives, affirme qu’il est inhabituel que le tollé du public réussisse à pousser les membres d’une haute direction à rembourser leurs primes.
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« Dans la plupart des cas, c’est un jour ou deux de mauvaise presse et le monde continue de tourner et la rémunération des dirigeants continue d’augmenter », a observé lundi M. Macdonald lors d’une entrevue.
« Ce n’est que dans des cas très extrêmes, comme celui-ci, que les chefs de la direction et autres membres de direction sont poussés par la honte à rendre leur argent. »
La ligne aérienne a annoncé dimanche que son président et chef de la direction, ainsi que ses vice-présidents généraux, s’étaient portés volontaires pour restituer leurs primes et leurs droits à la plus-value d’actions de 2020 après que la « déception (…) dans le public » s’est accrue à l’égard du programme de rémunération.
Air Canada a ajouté que son ancien chef de la direction Calin Rovinescu, qui a pris sa retraite en février, ferait don de la valeur de sa prime de 2020 à la Fondation Air Canada.
Air Canada n’a pas répondu lundi à une demande de commentaires.
Le premier ministre, Justin Trudeau, et la ministre des Finances, Chrystia Freeland, ont exprimé la semaine dernière leur mécontentement à l’égard du programme de primes de la compagnie, après qu’Air Canada a divulgué avoir versé des millions de primes à des personnes qu’elle a qualifiées d’« importantes » pour sa survie pendant la pandémie.
Le gouvernement fédéral a allongé 500 millions $ pour prendre une participation de 6 % dans Air Canada et a également accepté d’accorder un prêt de 5,9 milliards $ à la compagnie aérienne en avril.
« Les entreprises canadiennes qui reçoivent de l’argent du gouvernement ont le devoir de se comporter de manière responsable envers les Canadiens ordinaires, qui sont maintenant leurs actionnaires ainsi que leurs clients », a affirmé Mme Freeland.
Au cours de l’année 2020, certains des dirigeants des compagnies aériennes ont réduit leurs salaires de base. Celui de M. Rovinescu a notamment été réduit de 490 000 $, et celui du directeur financier Michael Rousseau, qui est aujourd’hui le nouveau chef de la direction, a été abaissé de 245 000 $, selon la plus récente circulaire de sollicitation de procurations de la société.
« Cela montre simplement qu’il est presque impossible pour les dirigeants de ne pas recevoir leurs primes, même si ces primes auraient dû être anéanties dans le cours normal des activités en raison de la COVID-19 », a souligné M. Macdonald.
« Les formules sont simplement modifiées après coup pour que tout le monde reçoive ses primes de toute façon », a-t-il expliqué, se référant aux calculs utilisés pour décider du montant des primes.
Dans le cas de M. Rovinescu, il a reçu plus de 720 000 $ en « prime de motivation dans le cadre de la pandémie de COVID-19 » en 2020, tandis que M. Rousseau a reçu 420 000 $.
Mis à part le cas spécifique d’Air Canada, M. Macdonald a indiqué que les versements de primes faisaient partie d’une culture plus large qui favorise les cadres même face à des périodes financières difficiles, comme celles vécues par la compagnie aérienne pendant la pandémie.
Cependant, il ne pense pas que les remboursements annoncent une tendance plus large, mais qu’ils représentent plutôt une exception qui confirme la règle.
« Si vous êtes du bon côté d’une situation avec laquelle vous n’avez rien à voir, vous obtenez des primes extraordinaires, si vous étiez du mauvais côté de la situation, vous changez simplement les formules après coup et vous obtenez quand même des primes extraordinaires », observe M. Macdonald.