Après une chute de 53% en Bourse, le fabricant de poussettes, vélos et meubles tente une nouvelle relance.
Secouée par la crise du commerce de détail et les tarifs américains, la Montréalaise Industries Dorel mise sur une nouvelle rationalisation pour se relever.
L’action du fabricant de poussettes, vélos et meubles a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis 12 mois et s’échange au même cours qu’en 1998.
En mars, Industries Dorel (DII.B, 10,65$) avait aussi dévalué son fonds de commerce de 668,6M$ et avait coupé son dividende de moitié.
À l’assemblée annuelle, les dirigeants ne se sont pas défilés. Ils ont reconnu avoir réagi trop lentement aux bouleversements de leur industrie et d’avoir manqué d’innovation. Le PDG Martin Schwartz, 70 ans, a aussi remercié les actionnaires pour leur patience.
«(En tant qu’actionnaires majoritaires), nous sommes les premiers déçus de cette mauvaise performance», a aussi confié son frère cadet Jeffrey Schwartz, chef de la direction financière, après l’assemblée.
Plus tôt dans son allocution, Martin Schwartz avait déclaré qu’il était bien conscient que le fabricant devait regagner la confiance des investisseurs en améliorant sa performance de façon durable.
« Je ne commencerai pas à chercher des excuses, mais je dirai que nous voyons la lumière au bout du tunnel »
Les trois frères Schwartz et leur beau-frère Jeff Segal contrôlent la société de Westmount.
Affronter la tempête
La multinationale traverse une véritable tempête. Non seulement, la montée en force du commerce en ligne a-t-elle provoqué la faillite de détaillants tels que Kmart, Sears et Toy R US, mais la concurrence est aussi féroce entre les marchands virtuels.
Pour couronner le tout, les tarifs américains de 10% imposés aux importations chinoises obligent la société à accroître le prix de certains meubles et vélos.
Dorel a refilé les tarifs aux consommateurs, mais la hausse des prix en proportion des revenus est moindre, ce qui affaiblit sa marge brute.
L’an dernier, la société avait aussi dû composer avec le bond du prix de la résine et des frais de transport.
Ses produits pour enfants, tels que les poussettes, les chaises hautes et les sièges d’autos, sont épargnés pour l’instant, mais seraient touchés par les tarifs additionnels de 25% que menace d’imposer Donald Trump sur toutes les importations chinoises.
«La hausse des prix de vente affecte peu nos revenus globaux jusqu’à maintenant, mais des tarifs de 25% sur l’ensemble de nos produits seraient une autre histoire», indique Jeffrey Schwartz.
Le responsable des finances aimerait bien aussi que le billet vert faiblisse un peu, car son appréciation augmente le coût des composantes achetées par ses divisions à l’étranger et déprécie la valeur des revenus étrangers, une fois convertis en dollars américains.
Dans l’intervalle, Dorel mise sur une nouvelle rationalisation en Europe, de 25 à 30M$US, qui devrait relever sa rentabilité à partir de 2020.
Dorel veut y simplifier sa structure et devenir plus agile et ainsi mieux coller la mise au point de produits à la demande. Deux nouveaux dirigeants, promus de l’interne en janvier, pilotent le nouvel effort pour revigorer les ventes.
Les économies totales prévues de 12 à 15 M$US, soit 8% du bénéfice d’exploitation, se feront sentir en 2021.
Emprunter à 7,5%
Bien que Dorel soit rentable, un récent refinancement de 125 M$US auprès d’un consortium de prêteurs porte intérêt à 7,5%, un seuil habituellement réservé aux emprunteurs de moins bonne qualité.
«Ce taux ne nous plaît pas, mais l’emprunt nous permettra de prolonger jusqu’au 1er juillet 2021 notre crédit bancaire renouvelable garanti de premier rang», a expliqué Jeffrey Schwartz.
Malgré tous ces défis, Dorel prévoit augmenter ses revenus et ses marges en 2019.
Dorel a récupéré la majorité des ventes perdues à la faillite de clients, a indiqué Martin Schwartz.
Le fabricant repositionne aussi la marque pour enfants Quinny pour plaire à une clientèle plus urbaine.
Ses nouveaux vélos à assistance électrique se vendent bien en Europe tandis que les vélos Caloï ont fait une belle percée au Brésil.
Pour sa part, la division de meubles Dorel Home a conçu les marques «style de vie» Cosmo Living, Novogratz et Little Seed afin d’élargir sa clientèle et améliorer ses marges.
La société vient aussi de recruter au conseil d’administration un ex-cadre du détaillant de meubles et d’accessoires en ligne Wayfair (W, 153,96$US), un important client de Dorel.
Les deux frères Schwartz espèrent bénéficier des compétences de Brad Johnson pour reprendre leur retard dans le commerce en ligne.
Quatre investisseurs cumulent la moitié des actions
La valeur boursière de 350 M$ (265 M$US) est aujourd’hui inférieure au prix (311 M$US) qu’au prix qu’a payé Dorel le seul fabricant de vélos Pacific Cycle, acheté en 2004, l’un de ses nombreux achats.
Le fossé entre le cours du titre et la valeur des marques de commerce (Cannondale, Schwinn, Caloi, Maxi-Cosi, Quinny, Cosco, Infanti, Safety 1st, etc) attire d’ailleurs les amateurs de titres sous-évalués.
Quatre gestionnaires de portefeuille bien en vue, Letko, Brosseau et Associés (17,7%), Brandes Investment Partners (12,6%), Foyston, Gordon & Payne (10,9%) et Fidelity Management & Research (10,5%), cumulent 51,7% des actions subalternes de catégorie B.
Ces investisseurs n’interfèrent pas dans la gestion de la société, mais «nous écoutons ce qu’ils ont à nous dire», a confié Jeffrey Schwartz.
Il est aussi possible que ces fonds patientent dans l’espoir qu’un jour la famille Schwartz se résigne à vendre et attire une offre alléchante.