Cette vilaine habitude agit comme une ancre sur vos rendements
Philippe Leblanc|Publié le 20 septembre 2019(Photo: Getty images)
BLOGUE INVITÉ. Je reçois à l’occasion des questions de lecteurs concernant des titres. À ce sujet, il est à noter que je ne suis pas en mesure de faire de recommandations sur des titres spécifiques dans mes blogues. De fait, le seul véhicule que je peux utiliser pour le faire est celui de la Lettre financière, où nous répondons une fois par mois à une question d’un lecteur sur un titre spécifique.
Cela dit, je remarque que dans la plupart des questions que je reçois concernant des titres, l’investisseur ajoutera systématiquement le coût par action de ces titres dans son portefeuille.
Voici le courriel d’un lecteur reçu récemment :
«… Je suis vraiment très embêté concernant trois titres que je possède dans mon portefeuille, et qui lui donne l’allure d’un yoyo! Il s’agit de Bombardier (Tor., BBD.B) dont je possède 20 000 actions à un prix moyen de 2,07$, Theratechnologies (Tor., TH) dont je possède 8 000 actions à un prix moyen de 6,25$ et de SNC-Lavalin (Tor., SNC) dont je possède 1 000 actions à un prix moyen de 30,52$. Je me demande si ce sont des titres dont je devrais me défaire et prendre mes pertes ou s’ils méritent que je sois encore patient avec eux?»
L’ancrage est un biais psychologique qui affecte le comportement de nombreux investisseurs, néophytes autant que professionnels. Il survient lorsque notre prise de décision est fortement influencée par une parcelle d’information que nous avons reçue au début de notre processus décisionnel.
Dans le domaine de l’investissement, le coût par action d’un titre que nous possédons est l’exemple typique d’une ancre. Combien de fois vous êtes-vous laissé influencer dans vos décisions par le coût d’un de vos titres? Êtes-vous généralement confortable de vendre un titre dont le cours est inférieur à votre coût d’achat? Serez-vous prêt à racheter un titre qui a plus que doublé par rapport à votre coût d’achat initial?
Dans notre recherche de candidats d’investissements boursiers, nous sommes aussi régulièrement influencés par le prix auquel un titre s’échangeait la première fois que nous l’avons examiné. Il peut être particulièrement difficile de décider d’acheter un titre à 20$, alors que nous l’avons vu initialement à 10$.
Imaginez deux investisseurs qui ont acheté le même titre, qui s’échange aujourd’hui à 10$. Le premier l’a acheté il y a deux ans à 5$, alors que le deuxième l’a acheté à 15$ il y a six mois. Je vous suggérerais que ces deux investisseurs ont des perceptions tout à fait différentes du même titre. Le premier se pète les bretelles d’avoir acheté un tel titre «gagnant»; le deuxième se morfond sur sa décision d’avoir acheté ce titre «perdant». On parle pourtant du même titre dont la valeur et les perspectives sont précisément les mêmes.
Les bons vendeurs savent généralement profiter du biais de l’ancrage chez leurs clients. Un agent immobilier qui propose des maisons à un acheteur potentiel pourrait notamment lui proposer en premier lieu une maison qui s’échange à un prix quelque peu gonflé (par exemple, 500 000$). Ce faisant, les prochaines propositions qu’il lui présentera, disons à près de 400 000$, paraîtront beaucoup plus abordables à l’acheteur.
Il n’y a pas 36 façons de contrer le biais psychologique de l’ancrage. La première chose est d’être conscient de ce phénomène et de noter à quel point il peut nous influencer.
Ensuite, il faut à mon avis trouver une manière d’éliminer l’ancre de notre esprit. Pour les titres que vous possédez déjà dans votre portefeuille, je vous suggère de les analyser comme si vous ne les aviez jamais possédés, avec un regard nouveau. Si c’est Bombardier, analysez-le froidement et demandez-vous si vous seriez prêt à l’acheter aujourd’hui.
Quant au coût, tentez d’en faire abstraction. Ou mieux encore, renversez la situation et dites-vous que vous n’avez pas payé 10$, mais 1$.
L’ancrage mène à de nombreuses erreurs fort coûteuses pour de nombreux investisseurs. Chacun doit en être conscient et trouver la manière de contrer ce biais.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA