Pourquoi le Pentagone s’intéresse au lithium du Québec

Publié le 19/02/2021 à 20:13

Pourquoi le Pentagone s’intéresse au lithium du Québec

Publié le 19/02/2021 à 20:13

Le Pentagone, situé en Virginie, près de Washington, est le siège du département américain de la Défense. (Photo: 123 RF)

ANALYSE ÉCONOMIQUE — Le département américain de la Défense (le Pentagone) appuie une nouvelle société minière de la Floride, Evolution Metals, qui a récemment présenté une offre pour acheter Lithium Amérique du Nord (LAN), en Abitibi-Témiscamingue.

Cette société québécoise, qui a une mine à La Corne, est sous la protection de La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies depuis mai 2019. L’entreprise est contrôlée par le manufacturier chinois de batteries CATL et Investissement Québec, les deux actionnaires ayant des créances garanties.

Lithium Amérique du Nord est à la recherche d'un investisseur pour prendre la place de la chinoise Jien International Investment (le troisième actionnaire, mais sans créance garantie), qui avait racheté Québec Lithium avec IQ.

Au moins quatre entreprises ont présenté une offre d’achat au syndic Raymond Chabot à Montréal (la date limite était le 15 janvier), incluant Evolution Metals, selon les informations colligées par Les Affaires.

Cette société américaine d’exploration minière, de raffinage et de produits chimiques n’exploite pas de mine.

Malgré tout, selon des informations du domaine public, le Pentagone semble avoir une influence importante sur les orientations stratégiques d’Evolution Metals, dirigée par David Wilcox.

L’homme d’affaires n’a pas répondu à notre demande d’entretien.

David Wilcox n’a aucune expérience dans le secteur minier, selon le site internet de l’entreprise et son profil LinkedIn. C’est un financier qui a occupé de nombreux postes dans le domaine de l’investissement privé dans le monde, notamment chez Deutsche Bank.

En fait, le chef des opérations Greg Smith est le seul membre de la haute direction qui a une expérience dans le secteur minier. Il a été récemment PDG d’Endomines, une minière suédoise spécialisée dans l’or, qui a des projets en Finlande et aux États-Unis, en Idaho.

Aucun des cinq conseillers principal d’Evolution Metals n’a non plus d’expérience dans le secteur minier.

 

Des conseillers issus du gouvernement

Par contre, deux conseillers ont travaillé pendant longtemps au sein du gouvernement américain, dont Andrew F. Knaggs, actuellement chef de l’exploitation chez PACEM international, une firme de la Virginie qui produit notamment des minutions.

Andrew F. Knaggs a occupé à deux reprises des postes de direction au Pentagone.

Dans un entretien à Mining.com le 19 janvier, David Wilcox a expliqué que le département de la Défense (ainsi que ceux de l’Énergie et du Commerce) ont adressé une lettre d’intérêt à Evolution Metals pour que la société acquiert et améliore les actifs de Lithium Amérique du Nord.

«Il s'agit d'une étape majeure pour Evolution et d'une étape stratégique pour les États-Unis», a déclaré David Wilcox, PDG de cette société créée en janvier 2020 afin de faire face à la crise des minéraux critiques et stratégiques (MCS) aux États-Unis.

Plusieurs secteurs de l’économie et l’armée américaine ont besoin de MCS, incluant le lithium.

Or, la majorité du lithium dans le monde est envoyé en Chine. Le lithium y est converti en matériaux pour les batteries dans des usines, pour être ensuite intégré à des véhicules électriques et autres technologies d’énergie verte.

Evolution Metals (et le gouvernement américain) veut acheter Lithium Amérique du Nord, car la minière de l’Abitibi-Témiscamingue pourrait effectuer ce processus de conversion.

Par conséquent, si la minière américaine réussit à acquérir cette entreprise du Québec, les États-Unis bénéficieraient d’une chaîne d’approvisionnement nord-américaine plus sécuritaire pour le lithium.

Cela réduirait la dépendance des Américains à l'égard de la Chine, un pays avec lequel Washington est de plus en plus à couteaux tirés. Des spécialistes en géopolitique évoquent même la possibilité que les deux puissances s’affrontent un jour dans un conflit armé.

Fait méconnu, le lithium figure parmi les ressources stratégiques encadrées par ITAR (International Traffic in Arms Regulation), une législation américaine qui relève du département d’État.

Ce dernier utilise l'ensemble des règles ITAR afin de garantir la sécurité du territoire américain et de favoriser les objectifs de la politique étrangère des États-Unis.

 

 

 

 

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse bimensuelle Zoom sur le Québec, François Normand traite des enjeux auxquels font face les entrepreneurs aux quatre coins du Québec, et ce, de la productivité à la pénurie de la main-d’œuvre en passant par la 4e révolution industrielle et les politiques de développement économique. Journaliste à Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en ressources naturelles, en énergie, en commerce international et dans le manufacturier 4.0. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Actuellement, il fait un MBA à temps partiel à l'Université de Sherbrooke. François connaît bien le Québec. Il a grandi en Gaspésie. Il a étudié pendant 9 ans à Québec (incluant une incursion d’un an à Trois-Rivières). Il a été journaliste à Granby durant trois mois au quotidien à La Voix de l’Est. Il a vécu 5 ans sur le Plateau Mont-Royal. Et, depuis 2002, il habite sur la Rive-Sud de Montréal.