COVID-19: frappons fort, mais avec précision

Publié le 11/12/2020 à 20:00

COVID-19: frappons fort, mais avec précision

Publié le 11/12/2020 à 20:00

La santé publique doit tester davantage les Québécois, en utilisant à grande échelle les 1,2 million de tests rapides achetés par Ottawa et livrés au Québec à la fin du mois d’octobre. (Photo: Getty Images)

ANALYSE ÉCONOMIQUE — À moins d’une surprise de taille, Québec devrait annoncer en début de semaine prochaine de nouvelles restrictions sanitaires, alors que le système de santé est à bout de souffle et que les décès augmentent en raison de la COVID-19. Le cas échéant, il faut frapper fort afin de reprendre rapidement le contrôle, mais de manière précise, sans déployer de mesures mur à mur comme ce printemps.

Uniquement ce vendredi, la santé publique rapportait 1 713 nouveaux cas et 53 décès, avec un total de 871 personnes hospitalisées. Une situation qui fait craindre de plus en plus au gouvernement un débordement dans les hôpitaux, à commencer dans les régions à l’extérieur du Grand-Montréal.

De plus, ces nouveaux cas se transformeront en hospitalisations dans les prochaines semaines, puis, en partie, en nouveaux décès.

Pour mettre les choses en perspective, depuis un mois (de la semaine du 9 novembre à la semaine du 30 novembre inclusivement), 196 Québécois sont morts en moyenne par semaine de la Covid-19, pour l’essentiel des personnes âgées de 70 ans et plus (91,2% des décès), selon les données de la santé publique.

La situation est donc critique et elle le demeurera encore un certain temps, bien que la campagne de vaccination au Québec débutera la semaine prochaine pour les personnes les plus à risque.

Car, pour obtenir une immunité collective et empêcher le virus de se propager, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que de 60 à 70% de la population devra être vaccinée.

Or, atteindre ce niveau prendra des mois, même si la vulnérabilité des personnes âgées diminuera graduellement une fois que la campagne de vaccination aura débuté.

Pour autant, à court terme, Québec doit agir, et il agira vraisemblablement.

Que peut faire le gouvernement dans ce contexte?

Plusieurs stratégies sont possibles, estime Patrick Déry, analyste en politiques publiques. Ce n'est pas sorcier: il faut vraiment s’attaquer aux endroits où ont lieu les éclosions, explique-t-il en entrevue.

Citant les chiffres de la santé publique, il souligne que sur les 1 338 éclosions actives au Québec (ce vendredi 11 décembre), pas moins de 38% viennent des milieux de travail (509), 27,8% du scolaire (372), 24,1% des milieux de vie et de soins (322) ainsi que 6,7% des garderies (90).

Réunies, ces quatre catégories représentent 96% des éclosions actives au Québec.

À ses yeux, les milieux de travail et le scolaire sont deux secteurs dans lesquels Québec pourrait agir rapidement et de manière décisive.

 

Télétravail et classe réduite ou à distance

Pour le travail, le gouvernement Legault pourrait par exemple exiger que toutes les personnes qui peuvent le faire doivent à nouveau travailler de la maison en télétravail — sans exception —  comme ce printemps.

Dans ce contexte, fini les employés qui se rendent au bureau par principe ou pour l’ambiance, sans parler des gestionnaires qui demandent à leur personnel de travailler au bureau, et ce, dans une pure tradition de « présentéisme » pré-COVID-19.

Québec mettra-t-il sur pause à nouveau les secteurs non essentiels (dans lequel plusieurs entreprises ne peuvent pas fonctionner en télétravail étant donné la nature de leurs activités), du moins pour un certain temps, à cheval sur le congé des Fêtes?

C’est une possibilité.

En revanche, le gouvernement pourrait aussi tout simplement renforcer les mesures sanitaires dans ces entreprises — elles ont déjà du reste beaucoup investi pour rouvrir de manière sécuritaire ce printemps — afin d’y limiter davantage le risque de propagation du virus.

Le gouvernement Legault a aussi une marge de manœuvre en ce qui a trait aux écoles, selon Patrick Déry.

 

La taille des classes a aussi été réduite dans des pays comme le Danemark, l’Autriche et l’Italie, sans parler de certaines écoles du Québec. (Photo :123RF)

Par exemple, Québec pourrait décréter que l’école se donne à distance pour tous les étudiants du secondaire ou, à tout le moins, rendre la présence en classe facultative, comme en Ontario, ce qui permettrait de réduire la taille des classes et la transmission du virus.

La taille des classes a déjà été réduite dans des pays comme le Danemark, l’Autriche et l’Italie, sans parler de certaines écoles du Québec, rapporte Radio-Canada.

Par ailleurs, Patrick Déry estime que la santé publique doit tester davantage les Québécois, en utilisant à grande échelle les 1,2 million de tests rapides achetés par Ottawa et livrés au Québec à la fin du mois d’octobre.

Or, jusqu’à tout récemment, le gouvernement Legault doutait de leur efficacité et ne les utilisait donc pas, et ce, même si Santé Canada — une agence crédible —les avait pourtant approuvés.

Cette décision demeure un grand mystère aux yeux de plusieurs spécialistes.

 

Pourquoi s'opposer aux purificateurs d'air?

Enfin, s’il garde les écoles du réseau public ouvertes, Québec doit absolument autoriser l’installation de purificateurs d’air pour limiter la propagation du virus, comme le font du reste déjà des écoles anglophones et des écoles privées dans la province, souligne Patrick Déry.

Or, le gouvernement Legault résiste toujours à cette approche pour le réseau public francophone, préconisant entre autres d’ouvrir les fenêtres des classes, alors que plusieurs écoles ont des salles de cours à l’intérieur desquelles les fenêtres ne s’ouvrent même pas...

Là aussi, la stratégie de Québec est incompréhensible étant donné les connaissances scientifiques à ce sujet.

En juillet, l’OMS a confirmé que le potentiel de transmission aérienne du nouveau coronavirus, et ce, après que 200 scientifiques eurent sonné l’alarme à ce sujet un peu plus tôt.

Chose certaine, avec le nombre de cas et de décès qui augmentent, le gouvernement Legault doit agir vite et de manière ferme pour contenir le virus en attendant la vaccination à grande échelle de la population québécoise.

Pour autant, une approche mur à mur comme ce printemps n’est sans doute pas la meilleure solution, étant donné les connaissances et les outils à notre disposition, sans parler de la campagne de vaccination qui s’amorce.

Aussi, pour reprendre une métaphore militaire, au lieu de bombarder massivement la société québécoise de nouvelles mesures de restrictions sanitaires, il serait plus avisé de procéder à des frappes chirurgicales en attendant la fin de la guerre à ce nouveau coronavirus.

 

 

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse bimensuelle Zoom sur le Québec, François Normand traite des enjeux auxquels font face les entrepreneurs aux quatre coins du Québec, et ce, de la productivité à la pénurie de la main-d’œuvre en passant par la 4e révolution industrielle et les politiques de développement économique. Journaliste à Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en ressources naturelles, en énergie, en commerce international et dans le manufacturier 4.0. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Actuellement, il fait un MBA à temps partiel à l'Université de Sherbrooke. François connaît bien le Québec. Il a grandi en Gaspésie. Il a étudié pendant 9 ans à Québec (incluant une incursion d’un an à Trois-Rivières). Il a été journaliste à Granby durant trois mois au quotidien à La Voix de l’Est. Il a vécu 5 ans sur le Plateau Mont-Royal. Et, depuis 2002, il habite sur la Rive-Sud de Montréal.