Le scandale annuel

Publié le 09/05/2014 à 15:23

Le scandale annuel

Publié le 09/05/2014 à 15:23

Photo; Shutterstock

La revue Alpha vient de publier sa liste annuelle des gestionnaires de «hedge funds» ayant récolté le plus d’argent pour leurs services. Pour trouver une place sur cette liste, un gestionnaire devait montrer une rémunération de $300 millions. Le grand gagnant a affiché une paye de 3,5 milliards.

Collectivement, ces 25 «gestionnaires» ont reçu $21,15 milliards. S’ils formaient un pays, leur Produit Intérieur Brut (PIB) le classerait au 104ième rang parmi les 190 pays recensés par la Banque mondiale, avant la Zambie (population : 14 millions), l’Ouganda (pop : 34 millions), Madagascar (pop. 21 millions), Népal (pop. 26 millions), l’Afghanistan (pop. 31 millions), etc., etc.

Puis, ces 25 hommes ont gagné 3,5 fois la rémunération totale des PDG des 500 plus grandes entreprises américaines, ces mêmes PDG que l’on estime trop payés.

Qu’ont fait et accompli ces 25 «gestionnaires» pour se mériter une telle rémunération en espèces sonnantes? Ont-ils inventé un nouveau produit, un nouveau médicament contre de graves maladies? Ont-ils créé des milliers d’emplois? Doivent-ils gérer une grande entreprise avec toute sa complexité. Rien de tout cela bien sûr. Ces « hedge funds » sont des toutes petites sociétés structurées de façon à payer un minimum d‘impôts.

Comment font-ils autant d’argent? En pariant avec l’argent des autres, l’argent de riches investisseurs, de caisses de retraite, de fonds de toute nature. Ces investisseurs acceptent de leur payer 2% de frais de gestion plus 20% (ou plus) des profits réalisés par ces gestionnaires.

Avec une telle structure de rémunération, il n’est guère surprenant de retrouver ces « hedge funds » au cœur de presque toutes les opérations douteuses, des délits d’initiés aux spéculations de toute nature. Si leurs paris tournent bien, ils encaissent; s’ils tournent mal, alors c’est le problème des investisseurs. Une chose est sure, ces « gestionnaires » ne rembourseront pas les sommes reçues lorsque leurs paris s’avéraient heureux.

Un jour, des historiens et de nouvelles générations de citoyens se demanderont, perplexes, comment nous avons pu accepter de telles aberrations et tolérer un système financier aussi dénaturé.

Puisque les caisses de retraite publiques tombent sous la juridiction des gouvernements, ceux-ci pourraient faire œuvre utile en interdisant à ces caisses de retraite l’embauche de gestionnaires de fonds exigeant plus de 3% de frais de gestion, tout compris, fermant ainsi un des robinets qui abreuvent les « hedge funds ».

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Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l'auteur.

 

À propos de ce blogue

Yvan Allaire, Ph. D. (MIT), MSRC, est président exécutif du conseil d'administration de l'Institut sur la gouvernance(IGOPP) et professeur émérite de stratégie à l’UQÀM. M. Allaire est le co-fondateur du Groupe SECOR, une grande société canadienne de conseils en stratégie (devenue en 2012 KPMG-Sécor) et de 1996 à 2001, il occupa le poste de vice-président exécutif de Bombardier. Il fut, de 2010 à 2014, membre et président du Global Agenda Council on the Role of Business – Forum économique mondial (World Economic Forum). Profeseur Allaire est auteur de plusieurs ouvrages et articles sur la stratégie d’entreprises et la gouvernance des sociétés publiques et privées.

Yvan Allaire

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