La nouvelle gouvernance du Fonds de solidarité

Publié le 06/02/2014 à 16:11, mis à jour le 22/07/2016 à 11:05

La nouvelle gouvernance du Fonds de solidarité

Publié le 06/02/2014 à 16:11, mis à jour le 22/07/2016 à 11:05

La Commission Charbonneau a bien ancré la perception populaire qu’une gouvernance défaillante avait mal servi les intérêts du Fonds de solidarité et de ses actionnaires.

Un comité spécial fut mis sur pied par le conseil du Fonds pour revoir en profondeur ses règles et principes de gouvernance. Le comité a rendu public son rapport jeudi le 6 février.

Le comité a accompli un travail sérieux; il a mené de larges consultations, incluant auprès d’experts indépendants, dont l’auteur de ce texte. Il a formulé un ensemble de propositions de réforme aptes à corriger les failles et déficiences de la gouvernance du Fonds.

En conférence de presse, on a aussi annoncé le départ prochain de M. Yvon Bolduc, le PDG du Fonds.

Deux aspects de la gouvernance du fonds ont fait surtout l’objet de commentaires critiques :

1. Le cumul des fonctions de président de la FTQ et de président du conseil du Fonds; le comité tranche en proposant que dorénavant la présidence du conseil du Fonds soit assumée par un membre indépendant du conseil. M. Robert Parizeau assumera cette fonction très prochainement, ce qui est certes une bonne décision.

2. La majorité absolue des membres du conseil (soit 10 membres) sont nommés par la FTQ; le comité propose de réduire à 7 le nombre de membres nommé par la FTQ et d’augmenter de 4 à 7 le nombre de membres indépendants; quatre autres membres proviendraient de personnes ayant posé leur candidature (assujettie de certaines conditions); ces candidatures seront soumises au vote de l’ensemble des actionnaires (par procuration ou en personne à l’assemblées annuelle). Il est fort probable que ces quatre personnes soient en bout de piste des membres de la FTQ ou d’autres syndicats.

Cette proposition ne répond qu’en partie aux préoccupations exprimées puisque le conseil pourrait possiblement, plausiblement, compter jusqu’à 11 membres sur 19 (en ajoutant le PDG) provenant de la FTQ. Il est vrai que plusieurs nouvelles balises s’ajoutent au mode de fonctionnement actuel. Ainsi, les comités sectoriels d’investissement seront présidés par un membre indépendant et constitués d’une majorité de membres indépendants. Ces comités prendront la décision finale pour tout projet d’investissement inférieur à $25 millions. Donc, très peu de dossiers se rendront jusqu’au conseil d’administration pour approbation.

Le comité recommande aussi l’adoption de règles de gouvernance devenues orthodoxes dans les sociétés cotée en bourse :

• La création de comités statutaires (gouvernance et éthique, ressources humaines);

• La création d’un comité distinct pour la gestion des risques;

• Ces comités seront présidé par un membre indépendant et constitués d’une majorité de membres indépendants;

• Le comité de vérification sera compose strictement de membres indépendants;

• Etc.

Dans l’ensemble, les recommandations du comité spécial sont judicieuses. Deux réserves, toutefois, doivent être notées :

1. La composition du conseil proposée me semble ne pas aller assez loin; il ne fait pas de doute que la FTQ est grande responsable de la création et du succès du Fonds de solidarité. Cette genèse produit un sentiment bien légitime de propriété, que le Fonds, c’est l’affaire de la FTQ. Tous les entrepreneurs acceptent avec difficulté, lorsque leur entreprise se transforme en société cotées en Bourse, qu’ils ne sont plus les seuls maitres à bord, qu’il leur faut rendre des comptes. L’évolution, la taille, la complexité du Fonds et, malheureusement, les accointances et erreurs de jugement rendues publiques récemment commandent une réduction plus marquée du rôle de la FTQ.

Ma proposition serait de constituer le conseil du Fonds ainsi :

• Quatre membres nommés par la FTQ;

• Deux membres proposés par la FTQ mais qui ne sont pas des membres syndiqués;

• Deux membres proposés par les autres syndicats;

(Ces quatre membres pourraient aussi provenir d’une démarche de propositions de candidatures comme ce que prévoit le rapport du comité spécial)

• Sept membres indépendants choisis par le comité de gouvernance et éthique;

• Le PDG, membre sans droit de vote.

Ainsi, les membres syndiqués (mais pas la FTQ) qui représentent une forte majorité des actionnaires du Fonds conserveraient une majorité au conseil.

2. Par contre, il me semble que le pendule se déplace un peu trop en ce qui concerne le rôle du conseil dans l’approbation des investissements du Fonds. Le Fonds est animé d’une mission très précise qui conjugue rendement à long terme et préoccupation socio-économique. Le Fonds prend des participations à l’avoir propre des entreprises et agit comme fournisseur de capital de risque.

Or, selon les propositions du comité spécial, il se pourrait qu’un projet de $20 millions ayant reçu l’aval des experts internes du Fonds soit présenté à un comité sectoriel d’investissement présidé par un indépendant et constitué à majorité d’indépendants et que celui-ci refuse le projet. NI le personnel professionnel du Fonds favorable au projet ni le promoteur du projet ne pourraient en appeler au conseil d’administration!

Cet arrangement soumet le Fonds au risque, souventes fois appréhendé, que le Fonds ne devienne qu’une institution financière comme les autres évaluant les projets à la seule lumière des rendements financiers. Ce serait dommage car ce n’est pas la mission du Fonds et ce n’est pas ainsi que le Fonds a contribué de façon singulière au développement économique du Québec.

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Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur.

 

À propos de ce blogue

Yvan Allaire, Ph. D. (MIT), MSRC, est président exécutif du conseil d'administration de l'Institut sur la gouvernance(IGOPP) et professeur émérite de stratégie à l’UQÀM. M. Allaire est le co-fondateur du Groupe SECOR, une grande société canadienne de conseils en stratégie (devenue en 2012 KPMG-Sécor) et de 1996 à 2001, il occupa le poste de vice-président exécutif de Bombardier. Il fut, de 2010 à 2014, membre et président du Global Agenda Council on the Role of Business – Forum économique mondial (World Economic Forum). Profeseur Allaire est auteur de plusieurs ouvrages et articles sur la stratégie d’entreprises et la gouvernance des sociétés publiques et privées.

Yvan Allaire

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