Rapports annuels : les lunettes roses de certains pdg


Édition du 19 Mars 2016

Rapports annuels : les lunettes roses de certains pdg


Édition du 19 Mars 2016

Si vous aviez à choisir un partenaire avec qui vous lancer en affaires, vous chercheriez une personne passionnée, axée sur le long terme, en qui vous avez confiance et qui, surtout, fait preuve de la plus grande transparence qui soit. La saison des rapports annuels bat son plein au Canada. Elle montre une fois de plus une triste réalité : les dirigeants qui donnent l'heure juste à leurs partenaires, les actionnaires, sont malheureusement une denrée rare.

Quand on lit les messages aux actionnaires de certains pdg, on a l'impression que leur entreprise évolue dans le meilleur des mondes. Ils ne tarissent pas de superlatifs pour qualifier la performance de leur entreprise.

Cela saute aux yeux à la lecture du message du président et chef de la direction de BCE (BCE, 57,64 $), George Cope. «BCE a fait ce qu'elle avait promis de faire en 2015.» S'ensuit une énumération des bons coups de la société. «Bell est une des marques les plus précieuses au pays», ou encore, «nous avons défini une stratégie hautement efficace», «notre réseau 4G LTE primé a propulsé Bell au sommet du secteur canadien», «Télé Fibe est un service de télévision supérieur», «chez Bell Média, nous allons au-devant des choix de programmation des consommateurs», «notre succès sur le marché, allié à notre engagement à être le plus efficace possible dans tout ce que nous faisons, a produit une performance financière exceptionnelle en 2015». Il y a d'autres feux d'artifice, mais vous avez saisi l'essentiel du topo.

Je peux comprendre que les dirigeants se servent du rapport annuel pour faire étalage des accomplissements de leur entreprise au cours de la dernière année. Après tout, le pdg doit convaincre les investisseurs, les employés, les clients et les administrateurs qu'il fait du bon boulot, que sa stratégie porte ses fruits et qu'il a confiance en l'avenir.

Ce qui m'échappe toutefois, c'est la raison pour laquelle le patron d'une entreprise de l'envergure de BCE reste muet à propos des obstacles auxquels il fait face, des perspectives de son industrie, des erreurs qui ont été commises...

À la place de l'actionnaire de BCE, j'aurais aimé que M. Cope glisse un mot sur la concurrence de Netflix (NFLX, 97,66 $ US) ou de Vidéotron, sur la restructuration qui a touché de nombreuses personnes dans les activités acquises d'Astral Media, ou encore des conséquences à long terme du cord cutting, le phénomène de débranchement de la télévision câblée par les abonnés.

La franchise exemplaire de Groupe MTY

La lettre aux actionnaires du patron de Groupe MTY (MTY, 32,75 $), publiée le même jour que celle de BCE, nous fait davantage sentir comme un partenaire d'affaires.

Stanley Ma, président de Groupe MTY, a aussi mis en évidence les réalisations du franchiseur montréalais de restaurants.

Il a notamment souligné que les revenus du réseau de restaurants avaient franchi le cap du milliard de dollars au cours de la dernière année, un chiffre qu'il n'aurait jamais pu imaginer quand il a ouvert son premier restaurant, il y a plus de 30 ans. L'entrepreneur, qui a passé l'âge de la retraite, dit rêver «de chiffres bien plus gros pour l'avenir», tout en mettant en avant la bonne situation financière de l'entreprise.

Optimiste, le pdg l'est. Mais tout n'est pas rose chez MTY, et il l'a candidement admis à ses partenaires. «Le dernier exercice n'a pas été sans heurts, et certaines de nos enseignes ont connu des difficultés. Les investisseurs remarqueront que la marque de commerce et les droits de franchise associés à Extreme Pita ont subi une dépréciation substantielle...» La direction de MTY croit pouvoir redresser la situation de cette enseigne, mais M. Ma ne s'en cache pas : «il faudra du temps».

M. Ma fait preuve d'une franchise exemplaire lorsqu'il dit s'attendre «à faire face à quelques grands vents contraires en 2016». «Dans certains de nos territoires d'activité, les conditions économiques ont continué de se détériorer en 2015, et il est difficile d'en évaluer le contrecoup sur les dépenses de consommation et la répartition du budget alimentaire.» Il mentionne de plus que les pressions concurrentielles s'intensifient.

Je ne m'attends pas à ce que tous les pdg soient aussi limpides que Warren Buffett, de Berkshire Hathaway, qui, dans sa récente lettre aux actionnaires, s'autoflagelle pour avoir commis des erreurs graves dans son travail d'allocation de capital.

Mais par respect pour leurs partenaires, les patrons devraient porter une attention particulière à la façon dont ils traitent de l'évolution de leur entreprise, surtout dans le rapport annuel. Plusieurs ne prennent même plus la peine de s'adresser directement aux actionnaires, se contentant de publier une revue financière de l'année.

Donner un portrait juste aux propriétaires de l'entreprise une fois l'an, est-ce vraiment trop demander ?

Miser sur le long terme rapporte, en voici la preuve

Parlant de franchise, je vous fais une confidence. Il nous arrive à l'occasion, chroniqueurs et autres artisans du cahier Investir, de nous demander si nous ne radotons pas un peu en vous parlant régulièrement des vertus d'investir dans une optique à long terme. Sans compter le fait que nous vous fournissons rarement des preuves que la recette fonctionne.

Le message transmis par un lecteur cette semaine m'en donne toutefois l'occasion. Benoît nous a remercié pour ses 25 ans de lecture du journal Les Affaires. Grâce aux conseils de notre ancien chroniqueur Bernard Mooney et autres collaborateurs de la section, il dit se trouver, à 47 ans, dans une situation qui lui permet d'envisager l'indépendance financière dans les prochaines années.

Avec une maison évaluée à 600 000 $ libre d'hypothèque et des placements enregistrés et non enregistrés qui avoisinent les deux millions de dollars, notre lecteur a bâti un patrimoine très enviable en suivant certains principes véhiculés dans ces pages, comme de maximiser le REER et le CELI avant tout autre dépense, minimiser la consommation non durable, éviter l'endettement à l'exception de l'hypothèque et investir de façon périodique dans un horizon à long terme.

Bravo Benoît, votre témoignage nous encourage à continuer de livrer les meilleurs conseils et fournit à nos lecteurs un cas inspirant de réussite financière.

À propos de ce blogue

Après près de 16 années passées au journal Les Affaires, dernièrement en tant que chef de publication pour lesaffaires.com, Yannick Clérouin a rejoint en mars 2018 la société de gestion de portefeuilles Medici.

Yannick Clérouin