Mon seul désaccord avec Warren Buffett

Offert par Les Affaires


Édition du 19 Septembre 2015

Mon seul désaccord avec Warren Buffett

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Édition du 19 Septembre 2015

La guerre contre les géants alimentaires

Loin de moi l'idée de critiquer M. Buffett pour ses investissements dans ces sociétés associées à la malbouffe. Mais je suis convaincu qu'un virage majeur de la façon dont les gens s'alimentent est en marche. Plus que jamais, les consommateurs se tournent vers les produits frais et les aliments biologiques, au détriment des produits transformés en usine et de ceux qui sont bourrés de sucre et d'agents artificiels.

À preuve, les 25 premiers producteurs américains d'aliments et de boissons ont vu leur part de marché passer de 49,4 %, en 2009, à 45,1 % à la fin de 2014, selon une analyse de Robert Moskow, chez Credit Suisse, publiée en février. De retour d'une conférence sur les produits transformés, l'analyste citait dans son rapport les lamentations des dirigeants de multinationales agroalimentaires, dont la pdg de Campbell Soup (NY, CPB), Denise Morrison. Selon elle, «la méfiance des consommateurs à l'égard des grands producteurs alimentaires continue de monter».

Le magazine Fortune a publié en juin une manchette intitulée «La guerre contre les géants alimentaires», qui dressait le portrait d'une industrie en plein bouleversement.

Parallèlement, l'industrie du soda est attaquée comme jamais aux États-Unis. Les autorités d'un nombre croissant de villes et d'États diffusent des messages publicitaires pour décourager les citoyens de consommer des boissons sucrées, qui comptent au nombre des grands responsables de l'obésité, rapportait au début de septembre The Wall Street Journal.

Plus près de nous, le Groupe Sportscene (Tor., SPS.A), propriétaire des restaurants la Cage aux Sports, a annoncé en mars l'embauche du chef vedette Louis-François Marcotte pour l'aider à prendre un virage plus santé. «Nous investissons réellement dans cette transformation qui répond aux goûts changeants des consommateurs», m'avait confié en entrevue Jean Bédard, patron de la chaîne de Boucherville. Car la clientèle est beaucoup plus soucieuse qu'avant de ce qu'elle mange, affirmait-il.

Ce qui change pour l'investisseur

Le virage santé change considérablement la donne pour l'investisseur. Les titres du secteur, autrefois considérés comme des placements stables et rentables à long terme, y goûtent fort.

Le numéro un mondial de la restauration rapide, McDonald's (NY, MCD), se cherche depuis de nombreuses années. Le titre a progressé d'à peine 5 % en quatre ans, par rapport à 55 % pour l'indice S&P 500. Pour renouer avec la croissance, la chaîne se tourne entre autres vers des ingrédients de meilleure qualité comme le poulet sans antibiotiques, dit l'analyste Matthew E. Spencer, de Value Line, dans une récente note.

Même si elle peut compter sur sa grande diversification, la société montréalaise Groupe MTY (Tor., MTY) doit aussi composer avec cette vague de fond pour certaines de ses enseignes.

À l'inverse, ce courant profite à des entreprises qui mettent en avant une alimentation saine. Comme Whole Foods Market (Nasdaq, WFM), la plus importante chaîne américaine de supermarchés bio. J'ai été impressionné par l'expérience en magasin dans une succursale de Whole Foods près d'où se déroulait l'assemblée de M. Buffett, à Omaha. Cette chaîne connaît son lot de défis, dont une concurrence accrue, mais elle reste bien placée pour profiter de la croissance annuelle de 14 % d'ici 2018 de la consommation d'aliments biologiques aux États-Unis, selon les chiffres de la firme TechSci Research.

Le site consacré aux investisseurs particuliers The Motley Fool a récemment donné d'autres idées pour surfer sur la vague bio, dont United Natural Foods (Nasdaq, UNFI). Celle-ci distribue 80 000 produits naturels, bio et spécialisés, au Canada et au sud de la frontière. Elle est un des deux seuls fournisseurs de produits naturels nationaux aux États-Unis. Kenneth J. DeFranco, de Value Line, soulignait dans une note publiée en juillet que United Natural présente de bonnes perspectives à long terme et un solide bilan, même si l'entreprise a connu un passage plus difficile ce printemps.

Cela dit, ce n'est pas parce qu'une tendance alimente la croissance d'un secteur qu'on peut s'enrichir facilement. Le virage alimentaire santé nourrit certes de grands espoirs, mais votre tâche la plus difficile sera de trouver qui en seront les grands gagnants.