Il n'y a pas de mal à avoir du «cash»

Offert par Les Affaires

Publié le 07/02/2018 à 06:00

Il n'y a pas de mal à avoir du «cash»

Offert par Les Affaires

Publié le 07/02/2018 à 06:00

Photo: 123rf.com

Autant un investisseur à long terme sérieux ne doit pas conserver un pourcentage élevé de son portefeuille en encaisse dans l'espoir de profiter d'une correction anticipée, autant il m'apparaît complaisant d'affirmer que les liquidités n'ont plus leur raison d'être dans le contexte actuel.

Une des vedettes de l'heure à Wall Street, Ray Dalio, fondateur de la firme Bridgewater - dont le livre Principles, publié l'automne dernier, fait grand bruit -, a lancé, il y a quelques jours, à Davos, qu'il est « très stupide » de conserver une partie importante de son portefeuille en placements liquides qui procurent un faible rendement. À son avis, la Bourse va poursuivre sur sa lancée non seulement en raison de la croissance synchronisée des grandes économies du monde, mais grâce aux retombées positives de la grande réforme fiscale américaine.

Dans le langage de Wall Street, l'opinion de l'influent investisseur de 68 ans se résume par l'expression : «Cash is Trash».

Ray Dalio, investisseur bien en vue à Wall Street. Photo: Gettyimages

M. Dalio n'est pas le seul à claironner cette idée. Larry Fink, grand patron du plus important gestionnaire d'actifs du monde, BlackRock (NY, BLK), a conseillé aux investisseurs de jouer leur va-tout dans les actions. Selon lui, les investisseurs possèdent en général une trop faible proportion de leurs avoirs en Bourse.

Ces commentaires d'acteurs financiers bien en vue m'incitent à la plus grande prudence. En fait, ils me rappellent les experts qui recommandaient des certificats de placements garantis après que le marché eut dégringolé de près de moitié, au début de 2009.

On ne peut affirmer hors de tout doute que le dernier chapitre du marché haussier de la Bourse est en cours. Mais au vu des commentaires de ces financiers et des élans spéculatifs à l'égard des producteurs de cannabis et des cryptomonnaies, l'investisseur avisé se doit de relever sa garde.

Malgré la turbulence géopolitique qui a marqué la dernière année, l'indice MSCI représentant tous les pays du monde n'a pas encaissé de recul mensuel depuis octobre 2016. Une première.

Tout cela survient à un moment où plusieurs grandes banques centrales, dont la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne (BCE), abandonnent progressivement leur politique monétaire accommodante. Au quatrième trimestre de cette année, les banques centrales retireront plutôt qu'elles n'injecteront des liquidités sur les marchés mondiaux pour la première fois depuis la crise financière, souligne Mark Heafele, chef des placements pour la division de gestion de fortune chez UBS.

Les actions ont bien résisté à la remontée des rendements obligataires, mais elles pourraient souffrir advenant un passage rapide du bon du Trésor américain au-delà du seuil de 3 %. La vitesse de la remontée des taux est critique : une hausse graduelle est à souhaiter.

Des refuges pour stationner l'encaisse

La crainte de manquer la dernière vague haussière du marché - Fear of missing out ou FOMO dans le jargon à la mode - incite de nombreux investisseurs à prendre des risques indus. Ils payent un prix élevé pour des actifs de qualité douteuse, déplore Howard Marks, un des gestionnaires valeur les plus réputés du monde. « Bien des décisions de placement reposent présentement sur la base du rendement relatif, l'incapacité d'accepter les rendements de l'encaisse et des bons du Trésor, sur la croyance que le marché surévalué peut poursuivre son ascension. »

Il y a visiblement un grand malaise avec l'encaisse en ce moment. Pourtant, elle revêt son importance dans un portefeuille, particulièrement après une période aussi prospère en Bourse et pour ceux qui sont en mode décaissement. Le vétéran des fonds communs James Gauthier a d'ailleurs souligné, il y a quelques jours, que les investisseurs semblent avoir oublié que les placements liquides constituent une catégorie d'actifs en soi qui ne doit pas être négligée.

Comme une partie de mon portefeuille est en liquide faute d'occasions emballantes en Bourse, je cherche aussi les véhicules les plus généreux. Modérez vos attentes, nous sommes bien loin du début des années 1990 ; il y a peu de solutions qui battent l'inflation et qui évitent de vous appauvrir.

Ne perdez pas votre temps avec les fonds communs du marché monétaire ; le véhicule idéal pour la majorité des investisseurs individuels, actuellement, est le compte d'épargne à intérêt élevé, estime M. Gauthier. Certaines institutions présentent des taux promotionnels alléchants pour séduire les épargnants - Desjardins offre 2,25 % avec son compte à intérêt élevé -, mais attention, c'est souvent pour une très courte période. Vous trouverez les taux les plus élevés chez les banques virtuelles, dont Equitable Bank. Il faut toutefois être prêt à vivre avec les contraintes liées à ces institutions.

Le côté pratique de négociation est primordial pour ceux qui veulent déplacer des fonds entre actions et véhicules d'épargne rapidement et sans tracas. Le fonds négocié en Bourse (FNB) d'épargne à intérêt élevé de Purpose Investments (Tor., PSA), qui se négocie facilement à partir d'un compte de courtage en ligne, est à considérer. Il procure un rendement annuel de 1,08 % si on soustrait les frais de gestion de 0,12 %. Les FNB d'obligations à très court terme, comme celui de BMO (Tor., ZST), sont aussi appréciés de certains gestionnaires pour stationner des liquidités.

Je ne veux pas faire l'éloge de produits particuliers pour la gestion de votre encaisse, simplement vous donner quelques pistes. Loin aussi de moi l'idée de vous inviter à placer 17 % de votre portefeuille en cash comme Daniel Dupont, cogestionnaire du populaire fonds Fidelity Étoile du Nordmd. Contrairement à ce que les vedettes de Wall Street affirment, toutefois, je ne trouve rien de mal à conserver des liquidités jusqu'à ce que de meilleures occasions se présentent en Bourse.

Grésillement de BBQ

M. Perron, abonné de longue date du journal, s'est montré prudent au sujet de la nouvelle recrue de la Bourse de Toronto, Neo Performance Materials (Tor., NEO), dont j'ai parlé dans ma dernière chronique. Neo est la seule entreprise étrangère à pouvoir traiter des terres rares en Chine. Or, M. Perron invite à « se méfier comme la peste de ces sociétés qui exercent leurs activités en Chine ». Il dit avoir perdu une fortune dans Sino-Forest, Zungui Haixi et Greenstar Agricultural, cotées à la Bourse canadienne. « Elles aussi avaient de beaux bilans, des perspectives de croissance exceptionnelles, en plus d'être offertes à des ratios ridiculement bas... lorsque le grésillement du BBQ nous excite, il faut toujours vérifier si il y a un steak sur la grille », conclut-il.

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À propos de ce blogue

Après près de 16 années passées au journal Les Affaires, dernièrement en tant que chef de publication pour lesaffaires.com, Yannick Clérouin a rejoint en mars 2018 la société de gestion de portefeuilles Medici.

Yannick Clérouin