La Ronde: pourquoi je ne me fie plus à mon expérience client pour investir

Offert par Les Affaires


Édition du 10 Mars 2018

La Ronde: pourquoi je ne me fie plus à mon expérience client pour investir

Offert par Les Affaires


Édition du 10 Mars 2018

J’ai découvert chez les dirigeants de ­Six ­Flags la qualité ultime recherchée des investisseurs : un ­PDG qui place l’enrichissement de ses actionnaires au sommet de ses priorités. [Photo : Pixabay]

Si je me fiais uniquement à ma dernière visite à La Ronde–longues files d'attente, tarifs élevés, désuétude de nombreuses installations, offre alimentaire dépassée...–, j'éviterais à tout prix d'investir dans le titre de son exploitant, Six Flags Entertainment (SIX, 63,47$US). Or, l'analyse des plus récents résultats de l'entreprise texane m'a ouvert les yeux: lier expérience client et investissement est parfois trompeur.

Ma dernière visite au parc d'attractions de l'île Sainte-Hélène a été un véritable chemin de croix. Pas parce que les manèges sont désagréables, mais plutôt à cause de toutes les épreuves que j'ai dû surmonter avant de faire un tour de La marche du mille-pattes avec mes trois filles. Longue attente pour régler les billets d'entrée, quarante-cinq minutes pour un manège, une heure pour sortir de l'île... bref, le cauchemar.

J'ai toutefois mis de côté ma casquette de client de La Ronde pour analyser objectivement son propriétaire, après le dévoilement de ses résultats du quatrième trimestre. En lisant la retranscription de la téléconférence avec les analystes, j'ai découvert chez les dirigeants de Six Flags la qualité ultime recherchée des investisseurs: un PDG qui place l'enrichissement de ses actionnaires au sommet de ses priorités.


« Je n'insisterai jamais assez sur la nécessité de privilégier les dirigeants qui font du rendement des actionnaires une obsession. À ce titre, le discours du PDG de Six Flags, James Reid-Anderson, est de la musique aux oreilles des investisseurs. »

«Nous nous engageons à 100% à verser à nos actionnaires tout capital excédentaire chaque année sous forme de dividendes croissants et de rachats d'actions. Grâce à une performance record chaque année et au rendement du dividende qui est plus du double de celui de l'indice S&P 500, nous offrons le titre de croissance et de rendement par excellence», a-t-il soutenu au cours de la conférence téléphonique récemment.

Forte de résultats record et profitant des retombées favorables de la réforme fiscale américaine, la plus importante chaîne de parcs thématiques du monde a bonifié son dividende trimestriel à deux reprises au cours des trois derniers mois, pour une hausse totalisant 22%. En sept ans, le dividende a été relevé à un rythme annuel composé de 44%. Les paiements de dividendes annuels sont bien couverts par ses flux monétaires, note Jeffrey S. Thomison, de Hilliard Lyons.

L'entreprise rachète aussi abondamment de ses actions. En deux ans, elle a éliminé plus de 10% de ses titres en circulation.

Six Flags prévoit économiser entre 40 et 50 millions de dollars américains par année à partir de 2020 grâce à la réforme fiscale. Ces économies, qui devraient croître au fil du temps, seront redistribuées aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d'actions, promet la direction.

Autre élément positif: ses dirigeants et administrateurs détiennent 6,9% des actions en circulation, selon Value Line.

À l'épreuve d'Amazon et de la déflation

La direction de Six Flags dit surfer sur la vague la plus favorable de son histoire, grâce notamment à deux tendances de fond. Non seulement les milléniaux préfèrent l'expérience du divertissement à celle de la possession, mais la classe moyenne des pays émergents est en plein essor.

Qui plus est, les activités des parcs d'attractions sont immunisées contre les bouleversements causés par le commerce en ligne et se trouvent ainsi à l'abri d'Amazon, fait valoir M. Reid-Anderson. Enfin, Six Flags craint peu la concurrence inattendue, en raison des barrières à l'entrée élevées dans tous ses marchés.

Au-delà de tous ces atouts, il y en a un qui fait pester le client que je suis, mais qui a de quoi réjouir les investisseurs: son pouvoir de fixation des prix. Dans un monde où les prix des produits et services sont sous forte pression, trouver des entreprises capables de relever leurs tarifs d'année en année sans craindre une fuite des clients est ardu.

Six Flags dit être en mesure de gonfler ses prix de 3% à 5% dans les années à venir. Un rythme nettement plus élevé que l'inflation.

La chaîne multiplie aussi les stratégies pour inciter ses clients à dépenser davantage en nourriture et autres achats discrétionnaires à chacune de leur visite.

Celle qui possédera bientôt 20 parcs se targue de bénéficier de multiples avenues de croissance. Nouveaux manèges inédits, pénétration accrue des passeports saison procurant des revenus récurrents, événements spéciaux, croissance des licences octroyées à des exploitants à l'extérieur de l'Amérique du Nord, parcs aquatiques... le vent souffle dans la bonne direction.

En revanche, tout comme le prix de ses billets, le titre de Six Flags n'est pas donné, à 24 fois le bénéfice prévu en 2018 et compte tenu de la croissance prévue.


« Il faut aussi garder en tête que la société s'est placée sous la protection de la loi américaine sur les faillites en juin 2009. Elle pourrait de nouveau connaître une période de montagnes russes lors du prochain ralentissement économique. »

Le titre mérite néanmoins une place sur votre liste de suivi, particulièrement si vous êtes à la recherche d'un généreux rendement du dividende. Ma petite famille va probablement passer son tour l'été prochain à La Ronde, mais je ne pourrai détourner éternellement l'attention de mes filles de son puissant pouvoir d'attraction. À chaque file d'attente interminable que ferai lors de ma prochaine visite, je me rappellerai l'importance de faire la distinction entre expérience client et perspectives de placement.

Ma dernière chronique

À l'instar des manèges de La Ronde, la vie est remplie de rebondissements. C'est avec grande émotion que je signe ma dernière chronique à titre de journaliste pour Les Affaires. Après bientôt 16 ans à vous rapporter avec passion les hauts et les bas de l'économie et de la Bourse, le temps est venu de relever de nouveaux défis, à titre de conseiller pour une société de gestion de portefeuille. Mais, comme me l'a si bien dit mon patron Sylvain Bédard, écrire est pour moi un besoin viscéral. Je vais donc continuer de collaborer aux pages du cahier Investir et à LesAffaires.com à titre d'expert invité sur une base régulière. Merci pour tout l'amour que vous m'avez donné au cours de ces années, et à très bientôt.

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À propos de ce blogue

Après près de 16 années passées au journal Les Affaires, dernièrement en tant que chef de publication pour lesaffaires.com, Yannick Clérouin a rejoint en mars 2018 la société de gestion de portefeuilles Medici.

Yannick Clérouin