La revanche des investisseurs valeur

Offert par Les Affaires


Édition du 26 Mars 2016

La revanche des investisseurs valeur

Offert par Les Affaires


Édition du 26 Mars 2016

Photo: Shutterstock

Vivement que la période de gloire de Facebook (FB), Amazon (AMZN), Netflix (NFLX) et Google (GOOG) s'achève !

Les adeptes de la philosophie de placement valeur, qui ciblent les titres dont les éléments fondamentaux sont sous-évalués par le marché, ont connu une traversée du désert au cours de la dernière décennie. À tel point que certains capitulent et se tournent vers les titres de croissance. Les chasseurs de performance risquent toutefois de s'en mordre les doigts.

Les fidèles de l'approche, popularisée par le légendaire investisseur Benjamin Graham et par son collègue David Dodd dans les années 1920, savent que la patience est la mère de toutes les vertus. Dans la plupart des cas, il s'écoule en effet bien du temps entre l'instant où ils ciblent une aubaine et le moment où l'ensemble des investisseurs découvre la réelle valeur de l'entreprise.

Le jeu en vaut la chandelle, car à long terme, la Bourse finit toujours par refléter la juste valeur des entreprises.

Ben Johnson, spécialiste des fonds négociés en Bourse (FNB) chez Morningstar, soulignait il y a quelques jours que la version valeur de l'indice boursier américain Russell 3000 a produit un rendement annuel de 12,05 %, du 29 décembre 1978 au 13 mars 2016. En comparaison, la version croissance du Russell 3000 a enregistré un gain de 10,78 % par an. Au final, le style valeur a transformé un investissement initial de 10 000 $ US en une somme de 688 108 $ US, par rapport à 450 446 $ US en ce qui concerne l'approche croissance.

Le value investing a fait ses preuves, mais l'approche a été mise à rude épreuve au cours des dernières années. «L'investissement de type valeur a connu une période de sous-performance systématique depuis neuf ans. C'est la plus longue période de sous-performance de ma carrière», a dit Scott Black, gestionnaire de portefeuille pour Delphi Management, de Boston, et investisseur valeur depuis 1979, dans le cadre de la récente table ronde du magazine financier Barron's.

En 2015, les titres de croissance américains ont même déclassé les titres valeur par la plus grande marge depuis 2009, selon Barron's.

Le graphique ci-bas illustre bien le fait que l'approche croissance a distancé celle fondée sur la valeur ces dernières années. Une courbe en hausse indique que l'approche valeur surpasse la stratégie croissance et vice versa.

Une approche encore efficace ?

La longue disette de l'approche, qui consiste à dénicher des aubaines par rapport à celle qui favorise les locomotives de croissance comme Amazon, Visa ou Tesla, incite nombre d'investisseurs à tourner le dos à la philosophie valeur.

C'est du moins ce que conclut Ben Johnson, après avoir constaté que les FNB et les fonds communs américains axés sur la valeur enregistrent des sorties nettes de capital depuis la mi-2015. «Après une décennie de sous-performance, les investisseurs valeur jettent l'éponge», écrit-il.

Or, les mouvements de troupeaux vers les titres à la mode, le courant du moment ou la stratégie dominante finissent toujours par s'essouffler. En bons chasseurs de rendement, les déserteurs de l'école valeur accentuent le coût des titres qui s'échangent à des prix élevés et contribuent à rendre encore plus attrayants ceux qui sont impopulaires.

Surprise, le vent a tourné en faveur des titres valeur depuis la fin de janvier. Ils affichent une performance supérieure aux vedettes de la croissance, qui traînent la patte. Deux exemples : depuis le début de 2016, le titre d'Amazon a chuté de 18 %, tandis que celui de Netflix a reculé de 11 %.

Reste à voir si la tendance observée récemment durera. Plusieurs investisseurs estiment que l'heure de la revanche a sonné pour les adeptes de l'approche valeur et qu'ils sont à l'aube de connaître une longue période de rendements supérieurs.

Pour qu'un retour en force du style valeur se concrétise, deux ingrédients sont essentiels, selon certains observateurs : une croissance économique plus musclée et des taux d'intérêt plus élevés. Parmi les titres valeur, on retrouve notamment les banques, très sensibles aux taux d'intérêt et à l'économie. Plusieurs d'entre elles se négocient à moins de 10 fois le bénéfice futur et versent de généreux dividendes, tant au Canada qu'aux États-Unis.

Les titres des constructeurs d'automobiles américains General Motors (GM) et Ford (F), qui se négocient à moins de 7 fois le bénéfice prévu, ainsi que celui du manufacturier torontois de pièces d'auto Magna International (MG), qui s'échange à 9,5 fois le profit prévu, figurent aussi sur l'écran radar des investisseurs valeur.

Les douleurs d'un as de la valeur

Un des investisseurs valeur les plus réputés du pays, le gestionnaire de fonds ontarien Francis Chou, publiera sa lettre annuelle aux actionnaires le 29 mars. Elle devrait nous montrer que l'approche valeur est loin d'être de tout repos.

Selon les données publiées le 31 août (les plus récentes disponibles), on retrouvait parmi les 10 principaux titres du fonds Chou RRSP le producteur de pâtes et papiers montréalais Produits forestiers Résolu (RFP), à hauteur de 7,4 %, BlackBerry (BB), qui représente 4,7 % du fonds, l'éditeur Torstar (TS.B), à 4,4 %, et le Groupe TVA (TVA.B), à 3,3 %. Ces titres ont respectivement perdu 66 %, 18 %, 75 % et 29 % au cours de la dernière année.

Quiconque s'intéresse à l'approche valeur se doit de lire les commentaires toujours très instructifs de M. Chou. Celui qui gère de l'argent depuis 35 ans nous dira peut-être que l'approche valeur regorge présentement d'occasions, ce qui serait tout le contraire de ce qu'il évaluait à pareille date l'an dernier.