COP21 : évitez de tomber dans le rouge avec les placements verts


Édition du 05 Décembre 2015

COP21 : évitez de tomber dans le rouge avec les placements verts


Édition du 05 Décembre 2015

Mesures pour freiner le réchauffement climatique, décarbonisation des fonds de pension, accélération des investissements dans les sources d'énergie renouvelable. La conférence sur le climat qui se déroule à Paris (COP21) depuis quelques jours braque les projecteurs sur plusieurs facteurs qui peuvent influencer vos investissements. Vous commettriez toutefois une grave erreur en éclipsant de votre portefeuille tout producteur d'énergie traditionnelle au seul profit de placements jugés plus verts.

La conclusion simpliste à tirer après la tenue d'un événement de l'envergure de la COP21 est que toutes les entreprises qui reposent sur les énergies fossiles (producteurs de pétrole et de gaz, fabricants de produits chimiques, équipementiers spécialisés, etc.) n'offriront plus grand potentiel en Bourse, ou à l'inverse, que celles dont les activités reposent sur une source d'énergie renouvelable seront les grandes gagnantes d'une économie qui se décarbonise.

Certes, le risque associé aux changements climatiques est bien plus présent à l'esprit des investisseurs que ce n'était le cas il y a quelques années, en plein boom des ressources et des investissements dans les sables bitumineux albertains. On ne peut donc pas blâmer le petit investisseur qui remet en question sa stratégie lorsqu'il voit le fonds souverain norvégien, le plus important du monde avec des actifs de 860 milliards de dollars américains, se délester des titres de sociétés jugées les plus polluantes comme les producteurs de charbon ou de sables bitumineux.

Un élément est encore plus frappant pour l'imaginaire, soit la perte de revenus de 34 000 G$ US qu'anticipe l'Agence internationale de l'énergie d'ici 2040, advenant un accord visant à faire diminuer les émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement du climat à 2°C par rapport à l'ère préindustrielle.

L'exemple éclairant du solaire

Malgré ces chiffres impressionnants, nul ne peut déterminer d'avance quels seront les placements gagnants et perdants de cette tendance lourde. On peut encore moins prétendre s'enrichir à coup sûr en investissant dans un fonds composé de titres d'énergie propre.

Le secteur de l'énergie solaire fournit un exemple très éclairant. Bien que le nombre de panneaux photovoltaïques installés aux États-Unis a été multiplié par 16 de 2009 à 2014, le chef de file du secteur, First Solar (Nasdaq, FSLR), a perdu 56 % de sa valeur depuis le début du marché haussier de la Bourse américaine, à la fin de mars 2009. Pendant ce temps, l'indice S&P 500 a bondi de 162 %.

Si vous aviez investi 10 000 $ US il y a cinq ans dans le fonds négocié en Bourse iShares Global Clean Energy ETF (Nasdaq, ICLN), qui investit dans des sociétés actives dans l'énergie propre, vous vous retrouveriez aujourd'hui avec 6 964 $ US, soit 30 % de moins qu'au départ. Le même montant de 10 000 $US investi dans le S&P 500 vaut maintenant 19 300 $ US.

Grâce aux progrès technologiques, les coûts de fabrication de panneaux solaires ont considérablement diminué ces dernières années. Il reste que produire de l'énergie à partir du soleil est plus coûteux que toutes les autres sources d'électricité, souligne Stephen Simko, analyste chez Morningstar.

Aussi dominante que First Solar puisse être en matière de gestion des coûts, de rentabilité, de bilan et de technologie, l'entreprise de l'Arizona doit jongler avec de nombreux risques, insiste M. Simko. Outre la féroce concurrence chinoise, elle compose avec une demande artificielle, toujours susceptible de chuter à cause des réductions de subventions gouvernementales. Cela rend son titre sujet à d'importants soubresauts en Bourse.

Profiter de la transition sans se brûler

Bien que la transition vers les énergies propres soit appelée à s'accélérer dans les prochaines années, d'autres facteurs brouilleront les cartes de l'investisseur. L'évaluation des titres en est un considérable. Dans une étude publiée à la veille de la COP21, l'équipe d'analystes de Barclays affirme que les producteurs de pétrole et de gaz sont nettement sous-évalués, et ce, même si le scénario le plus pessimiste de la demande d'ici 2040 se concrétise. Pour la seule raison de l'évaluation, les producteurs d'énergie traditionnelle retrouveront donc un jour ou l'autre la faveur en Bourse, même celle des grandes institutions qui les boudent aujourd'hui.

Autre élément à garder en tête : les producteurs et les fournisseurs de combustibles traditionnels ne resteront pas les bras croisés : ils accéléreront leur diversification en matière de nouvelles sources d'énergie. Par exemple, Chevron (NY, CVX) investit depuis plusieurs décennies dans la géothermie.

Il existe plusieurs façons de tirer profit de la transition énergétique qui se dessine tout en limitant le risque. L'une est de privilégier les entreprises qui dépendent surtout du gaz naturel. Une autre est de favoriser les géants industriels diversifiés comme General Electric (NY, GE). La société centenaire revendique une part de marché de 20 % des nouvelles turbines éoliennes terrestres installées dans le monde (en excluant la Chine), selon Barclays. GE est aussi présente sur le marché du solaire. Et si le vent ne tourne pas en faveur des énergies renouvelables, GE pourra se rabattre sur ses nombreuses autres divisions, dont celles qui servent les industries du pétrole, du gaz et du charbon.

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À propos de ce blogue

Après près de 16 années passées au journal Les Affaires, dernièrement en tant que chef de publication pour lesaffaires.com, Yannick Clérouin a rejoint en mars 2018 la société de gestion de portefeuilles Medici.

Yannick Clérouin