Ce qui m'embête avec la Bourse canadienne

Offert par Les Affaires


Édition du 01 Octobre 2016

Ce qui m'embête avec la Bourse canadienne

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Édition du 01 Octobre 2016

Le titre de Shopify (SH, 56,89 $) se négocie à 12 fois les revenus!

L'ascension de la Bourse canadienne depuis le début de l'année complique encore plus la tâche de l'investisseur à long terme en quête d'entreprises de qualité à un prix raisonnable.

Le phénomène n'est pas nouveau, mais il s'est accentué ces derniers mois en raison du regain de popularité des titres canadiens. L'étroitesse de notre marché pose un réel défi à celui qui recherche des entreprises solides dont le prix n'est pas exagéré.

Un coup d'oeil à la liste des nouveaux sommets de la Bourse de Toronto des derniers jours l'illustre bien. Les titres bancaires, qui constituent la base des portefeuilles d'un grand nombre d'investisseurs, ont pour la plupart atteint de nouveaux hauts annuels, cela, en dépit de la faiblesse de l'économie canadienne.

Les titres de petites et moyennes capitalisations qui présentent de bonnes perspectives de croissance ont aussi connu une forte ascension. L'action du constructeur d'ascenseurs, de plateformes élévatrices et de véhicules adaptés Savaria (Tor., SIS) a par exemple plus que doublé cette année.

Quand Leon Aghazarian, analyste de la Financière Banque Nationale, avait amorcé le suivi du titre en septembre 2015, il avait établi sa cible de 12 mois à 6,50 $. Un an plus tard, il se négocie à plus de 11 $.

La société dirigée par Marcel Bourassa a depuis enregistré une solide performance financière et a mis la main sur la division automobile de Shoppers Home Health Care pour 10 millions de dollars en mai. Reste que l'action se négocie à un prix supérieur au cours cible de 10 $ que M. Aghazarian venait de bonifier en août, à la suite des bons résultats enregistrés par Savaria au deuxième trimestre. La valorisation accordée à la croissance future des bénéfices de Savaria n'a jamais été aussi élevée depuis au moins cinq ans, selon les données de StockPointer.

Une évaluation qui donne le vertige

Trois recrues de la Bourse de Toronto se sont aussi hissées à de nouveaux sommets au cours des derniers jours. Spin Master (TOR., TOY), Shopify (Tor., SH) et Sleep Country Canada (ZZZ, 33,63 $) ont en effet monté de 48 %, 61 % et 97 % respectivement cette année.

L'évaluation accordée à Shopify donne particulièrement le vertige. La société d'Ottawa, qui vend aux détaillants des plateformes commerciales infonuagiques, ne dégagera pas de bénéfices pour au moins encore deux exercices. Mais, tenez vous bien, le titre se négocie à 12 fois les revenus réalisés au cours des 12 derniers mois terminés.

Aritzia, la chaîne de boutiques de vêtements pour femmes, fera ses débuts à la Bourse de Toronto prochainement à une évaluation tout aussi flamboyante. En raison de la forte demande pour le titre, celui-ci devrait se négocier à un ratio de 32 à 36 fois le bénéfice de 47,1 millions de dollars réalisé au cours des 12 derniers mois.

La qualité demeure aussi un obstacle aux bas prix parmi les titres de consommation essentielle, appréciés pour leur performance prévisible. Dollarama(Tor., DOL) est le meilleur exemple. Au moment d'écrire ces lignes, l'action de la chaîne montréalaise touchait un sommet historique et se négociait à 29 fois le bénéfice prévu au cours des 12 prochains mois. Le titre de Saputo (SAP, 45,89 $), qui a grimpé de 40 % en 2016, commande aussi un généreux ratio de 24 fois le bénéfice anticipé dans la prochaine année.

Pas le choix d'aller aux États-Unis

Le marché américain ne regorge pas d'aubaines à tout casser, mais compte tenu de la cherté des titres canadiens, vous avez plus de chances d'y dénicher des sociétés offrant un bon rapport qualité-prix, ne serait-ce qu'en raison de sa taille.

Si vous souhaitez ajouter une pharmaceutique rentable à votre portefeuille, le choix se limite au Canada à deux entreprises qui ont été fortement ébranlées au cours de la dernière année: Valeant Pharmaceuticals (VRX, 35,04 $) et Concordia International (Tor., CXR). À moins de vouloir miser sur leur redressement, il vous faudra traverser la frontière pour vous assurer une croissance et un dividende plus stables.

Il peut aussi être avantageux de regarder aux États-Unis pour dénicher des occasions dans le secteur du divertissement et des télécommunications. BCE (BCE, 60,73 $), Telus (T, 43,10 $), Rogers Communications (RCI.B, 55,74 $) et Québecor (QBR.B, 39,65 $) ont toutes monté de plus de 12 % cette année. À l'inverse, Walt Disney (DIS, 92,19 $ US) a reculé d'à peu près le même pourcentage et se négocie à 15 fois le bénéfice anticipé. Ce faible ratio cours/bénéfice pour une entreprise de cette qualité reflète certaines inquiétudes, notamment au sujet de sa vache à lait, la chaîne sportive ESPN. Mais le ratio est inférieur à celui de la Bourse américaine dans son ensemble (19) et à celui de plusieurs titres du secteur canadien des télécommunications.

Certains lecteurs ne manqueront pas de me rappeler à l'ordre pour deux raisons : nous nous approchons des élections présidentielles américaines et le dollar canadien se négocie à 76 cents US. Certes. En ce qui concerne les élections, il faut s'attendre à ce que la campagne alimente la volatilité des marchés d'ici le 8 novembre. L'élection de l'un ou l'autre des candidats aidera certaines entreprises ou leur nuira, par exemple le fabricant d'armes Smith & Wesson (SWHC, 25,51 $ US). À propos des devises, il est vrai que les cinq prochaines années seront moins favorables que les cinq dernières pour celui qui investit aux États-Unis.

Mais sur un horizon de cinq à dix ans, l'effet de ces deux facteurs sur votre rendement devrait être négligeable, pour peu que vous trouviez des entreprises ayant un bon potentiel de croissance et dont l'évaluation est raisonnable.

Source : Bloomberg