Peut-on moderniser la consigne élargie et la collecte sélective?

Publié le 23/08/2021 à 13:18

Peut-on moderniser la consigne élargie et la collecte sélective?

Publié le 23/08/2021 à 13:18

L’industrie alimentaire dans son ensemble est une importante émettrice de contenants et d’emballage et, conséquemment, finance en grande partie le système actuel du recyclage. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. En janvier 2020, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques annonçait la mise en place de deux grands chantiers: la modernisation de la collecte sélective et l’élargissement de la consigne à tous les contenants de boissons sur les principes de Responsabilité élargie des producteurs (REP).

Ce sont tous les contenants prêts à boire de 100 millilitres à 2 litres en plastique, carton/multicouche, verre et aluminium qui sont visés par ces chantiers, avec objectif l’atteinte d’un taux de récupération et de recyclage de 75 % en 2025 et de 90 % en 2030.

C’est un ajout de près de 2,5 milliards de contenants qui vont passer du bac de recyclage vers la consigne en y incluant les bouteilles d’eau, de vin, d’alcool, et même les contenants de lait et de jus.

Étant donné les conséquences matérielles et financières importantes de ces deux importants chantiers, l'industrie de la transformation alimentaire est très préoccupée et directement touchée puisqu’elle génère des emballages et des contenants indispensables à la préservation de la qualité, de la salubrité et de la sécurité des aliments.

L’emballage alimentaire n’est pas du superflu ...

Il faut rappeler que l’implication de l’industrie face à ses responsabilités environnementales n’est pas nouvelle. Jusqu’à maintenant, toutes les industries générant des emballages sont assujetties à une contribution par volume de matière émise qui sert à financer le système de collecte sélective.

L’industrie alimentaire dans son ensemble est une importante émettrice de contenants et d’emballage et, conséquemment, finance en grande partie le système actuel du recyclage.

C’est Éco-Entreprises Québec qui a la responsabilité de gérer les contributions des entreprises et le remboursement aux municipalités du Québec de leurs coûts de gestion des collectes.

 

Les citoyens devront en faire plus

Ce système de récupération des matières recyclables demeurera pour une partie des contenants et emballages, mais il sera révisé pour transférer la partie des contenants consignés vers un autre gestionnaire spécifique à la consigne appelé Organisme de gestion désigné (OGD).

En d’autres mots, une grande partie des contenants qui allaient naturellement dans le bac de recyclage au foyer devra être collectée ET transportée par le citoyen vers de nouveaux centres de récupération spécifiques aux contenants consignés.

Alors que le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, vient d’annoncer le lancement des projets pilotes dans le cadre du projet de modernisation de la consigne, il est important d’insister sur l’importance de cette étape qui est la deuxième d’un processus en quatre phases.

Un premier rapport opérationnel a été déposé par les producteurs de contenants de boissons et les partenaires impliqués afin de brosser un premier portrait de ce que pourrait être le nouveau système de consigne.

Le déploiement des projets pilotes va permettre de mesurer les indicateurs clés de performance qui pourront guider l'industrie pour le déploiement d’un système à la fois performant, efficient et accessible.

L’objectif est d’offrir les meilleures solutions possibles aux consommateurs qui sont habitués à retourner leurs canettes et autres contenants consignés à leur épicerie du coin, ou encore de disposer de leurs bouteilles et contenants de boissons dans le bac de recyclage, et ce, depuis quatre décennies.

 Parallèlement aux projets pilotes, une analyse d’impacts financiers viendra compléter une série d’indicateurs permettant la mise en place d’un système autonome complètement repensé.

Pour arriver à cette autonomie, le nouveau concept de consigne élargie devra pouvoir compter sur les sources habituelles de financement d’un tel système soit les consignes non remboursées, les revenus de revente de la matière récupérée et la mise en place d’un frais environnemental (portion non remboursable de la consigne) à l’image, par exemple, des pneus ou des piles.

Il est quand même curieux de devoir se fier à la non-performance d’un système, tel que récupérer la consigne sur les contenants qui ne seront pas rapportés par le citoyen, pour le financer !

À l’instar des autres juridictions canadiennes, il est faux de penser que les systèmes de consigne performants s’autofinancent seulement avec les consignes non remboursées et la vente de la matière.

Il est donc essentiel d’avoir un mécanisme de financement transparent tel un écofrais ou une portion non remboursable de la consigne, qui peut varier annuellement, selon l’analyse effectuée par l’organisme de gestion désigné.

Ainsi, calculée annuellement, la structure de l’écofrais (ou la portion non remboursée de la consigne) serait toujours le juste prix payé par les consommateurs qui ont le droit de connaître la raison pour laquelle ils paient.

Cacher ces frais irait à l’encontre de ce qui se fait ailleurs et nuirait à la transparence nécessaire pour augmenter la confiance requise à l’adhésion des citoyens envers ce changement majeur dans la gestion des contenants de boissons.

Cette façon de faire est retenue dans les juridictions les plus performantes.

 

Les attentes de l'industrie

Tout en poursuivant les travaux, l’industrie alimentaire attend aussi avec impatience l’édiction des règlements encadrant ces deux chantiers en souhaitant la flexibilité nécessaire pour déployer le meilleur système possible de récupération et de recyclage de contenants.

L’enjeu environnemental est une priorité pour tous.

Nous comprenons bien les défis des gouvernements et des politiciens face à l’urgence d’agir et la pression des citoyens. La gestion des matières résiduelles et recyclables est un enjeu très complexe.

Nous avons au Québec un des meilleurs systèmes de récupération des matières recyclables - le bac de recyclage - au Canada, sinon en Amérique du Nord. Mais ce système connaît des ratés importants du côté du tri et de la valorisation des matières récupérées.

Plutôt que d’innover et de mettre nos efforts et investissements vers une meilleure utilisation du bac de récupération des matières recyclables, ou dans la modernisation des centres de tri et la valorisation des contenants récupérés, la solution proposée par le gouvernement est de mettre un terme à un système de récupération simple et fonctionnel pour le citoyen, et de lui imposer le tri de ses contenants et leur transport vers de nouveaux centres de dépôt dédiés, plus ou moins à proximité de chez lui.

Dans l’esprit du développement durable et de diminution des gaz à effet de serre (GES), il faut se demander si nous investissons nos efforts actuels dans une solution efficace, efficiente, performante et économique à long terme ?

 

 

 

À propos de ce blogue

La face cachée de votre assiette est le blogue de Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ) depuis 2010. Nommée Leader d’influence par le Réseau des Femmes d’affaires du Québec, Sylvie a récemment obtenu la certification GCB.D (ESG Global Competent Boards Designation). Sylvie Cloutier est une incontournable du secteur bioalimentaire au Québec. Elle participe activement à l’élaboration de plusieurs décisions gouvernementales et réglementaires qui touchent le secteur alimentaire québécois. Reconnue pour son dynamisme et son leadership, Sylvie assure la représentation, la promotion et la défense des intérêts de l’industrie de la transformation alimentaire du Québec. Sylvie est co-présidente du Conseil consultatif de la politique alimentaire du Canada, co-fondatrice de Aliments et boissons Canada, et siège sur plusieurs conseils d’administration dont ceux Moisson Montréal, de Banques alimentaires Canada, de Financement agricole Canada et de l'Institut canadien des politiques agroalimentaires. Elle s’implique également auprès du comité de financement de La Tablée des Chefs.

Sylvie Cloutier

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