Une hausse des taux, ça fait quoi?


Édition du 10 Mars 2021

Une hausse des taux, ça fait quoi?


Édition du 10 Mars 2021

(Photo: 123RF)

ANALYSE. C’est la question boursière pour cette année de vaccination: «La hausse des taux d’intérêt, c’est une bonne nouvelle ou non ?» La réponse dépendra probablement de ce que vous avez en portefeuille.

On assiste à une expérience économique inusitée. La campagne de vaccination mondiale fait miroiter l’espoir d’un retour à une vie «normale». Les ménages n’ont jamais eu autant d’épargne. Les gouvernements ont engrangé des dettes colossales et apportent un soutien sans précédent à l’économie.

Il semble faire consensus que tous ces facteurs mettent la table pour un vigoureux rebond de l’économie. Le doute vient de la crainte d’une surchauffe, qui entraînerait une poussée de l’inflation et des taux d’intérêt. Les banques centrales pourraient alors être forcées d’étouffer la reprise.

Lorsque la pente des taux d’intérêt s’accentue (des taux à long terme plus élevés que les taux à court terme), les experts y voient un signe de bon augure pour la croissance économique.

Même si certains investisseurs ont réagi avec inquiétude à la hausse récente des taux, Hugo Ste-Marie, analyste de la Banque Scotia, pense que la «normalisation»des taux montre que l’économie «est en voie de guérison». «Nous pensons que la conjoncture macroéconomique s’améliore, ce qui soutient la croissance des bénéfices et l’appréciation du prix des actions», écrit-il dans une note publiée au début du mois.

 

Pas trop brusque

Pour le moment, l’idée en vogue est que le style valeur profitera de la conjoncture. Hugo Ste-Marie juge que les actions qui correspondent à cette description sont encore en bonne posture pour maintenir leur leadership boursier. Il explique que leurs évaluations inférieures à la moyenne et que de potentielles révisions à la hausse des prévisions de bénéfice auraient un effet plus grand sur ces entreprises.

C’est vrai, à condition que les taux ne montent pas trop brusquement. Lorsque les taux d’intérêt versés par les obligations gouvernementales sont élevés, les actions deviennent moins attrayantes en comparaison.

Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity, ne voit pas de problème avec la hausse des taux survenue en février, selon une note publiée au début mars. Il estime que les investisseurs pourraient se montrer plus craintifs envers le style valeur si le taux de l’obligation fédérale américaine de 10 ans montait au-dessus de 2 %.

 

Un choc pour les titres croissance

La hausse des taux d’intérêt peut parfois avoir un effet négatif sur les titres de croissance. C’est d’ailleurs pourquoi une bonne part de la volatilité est venue du secteur technologique.

Plus les taux sont bas, plus les flux de trésorerie anticipés à long terme ont une grande valeur, car les obligations en comparaison versent un faible intérêt. L’effet est encore plus grand pour les titres qui ne sont pas rentables, mais pour lesquels les actionnaires espèrent une grande rentabilité à l’avenir. À ce sujet, je vous invite à lire le texte Comprendre l’impact d’une hausse des taux d’intérêt de Philippe Le Blanc, gestionnaire de portefeuille à Cote 100, sur le site de Les Affaires. Il y explique plus en profondeur le calcul qui sous-tend ce principe. (https://bit.ly/3cguVn5) D’ailleurs, certains attribuent la correction boursière de décembre 2018 aux craintes de hausse de taux. Les géants de la techno avaient alors fortement corrigé. Apple (AAPL, 122,06 $US) était tombée de 36 % par rapport à son dernier sommet, rappelle Ben Carlson, gestionnaire de portefeuille pour Ritholtz Wealth Management. «Vous auriez pu alors acheter Apple à 13 fois les bénéfices», rappelle-t-il. Le titre s’échange désormais à 27,4 fois les bénéfices des 12 prochains mois.

Il est peut-être trop tôt pour passer à l’action, mais il pourrait être intéressant de se garder une petite liste d’épicerie à portée de main au cas où la débâcle des titres de croissance s’intensifiait.

L’action de certaines entreprises est peut-être trop chère pour un environnement de taux plus élevés, mais leur modèle d’entreprise n’est pas nécessairement en cause. On pense à Microsoft (MSFT, 227,56 $US), qui s’échange à 29,4 fois les bénéfices des 12 prochains mois. La tendance favorable à l’infonuagique est forte. La société génère d’importants flux de trésorerie, a un bilan enviable et verse un modeste dividende. Bien des actionnaires seraient heureux de l’acheter en solde.

 

À lire

Toujours dans ce thème du «retour à la normale», j’en profite pour faire une petite «plogue»pour le magazine Les Affaires plus, encarté dans ce numéro. La manchette est consacrée aux petites capitalisations, qui pourraient profiter d’une conjoncture favorable grâce à la reprise économique. On demande aussi à des experts de nous présenter leurs 12 petites capitalisations favorites. Cerise sur le sundae, pour illustrer la manchette, on a utilisé des photos de petits poussins. C’est bien mignon !

À propos de ce blogue

Le chef de l’information pour Investir et Les Affaires plus, Stéphane Rolland, scrute les marchés financiers et les titres afin de vous offrir une analyse stratégique qui facilitera vos investissements.

Stéphane Rolland
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