Un Québec sans livre et sans Kim Thùy

Publié le 14/11/2013 à 12:19

Un Québec sans livre et sans Kim Thùy

Publié le 14/11/2013 à 12:19

BLOGUE. Soirée arts-affaires mercredi soir rue Mont-Royal autour de l’auteure Kim Thùy et du slameur-poète David Goudreault (champion du monde de Slam en 2011, à découvrir). Ancienne avocate, Kim Thùy est convaincante, charmante et drôle à souhait devant un public. Et, elle a su mettre dans sa poche les jeunes professionnels qui étaient présents à cette rencontre et qui voulaient découvrir l’envers d’un succès littéraire et se laisser transporter par la poésie des mots. 

Discours très concret autour du livre. Question à Kim Thùy : comment le best-seller Ru est-il né ? Réponse : c’est parti de quelques notes dans un carnet alors qu’elle tenait un restaurant. Elle a confié les 20 premières pages à un sympathique client qui les a transmises à une éditrice. Séduite par l’écriture de Kim Thùy, l’éditrice a décidé rapidement de publier ce premier roman, qui venait pourtant d’une totale inconnue !

Comme l’a rappelé Kim Thùy, ce livre est l’œuvre de dizaine de personnes : éditeur, graphistes, réviseurs, imprimeur, distributeur, attachés de presse, libraires, etc. Ils ont tous été séduits par Ru et ont, sans relâche, été les ambassadeurs de cette œuvre. Au Québec, il est bien rare qu’un premier roman passe la barre des 1000 copies imprimées ! Elle en a vendu finalement plus de 120 000 exemplaires !

Concrètement, Kim Thùy a rappelé que les droits d’auteur s’élèvent à environ 10 % du prix du livre. Pensez-y, un livre se vend environ 20 $. Cela représente donc 2 $ pour l’auteur ! S’il a la chance de vendre 1000 exemplaires, il lui reviendra donc 2 000 $ imposables. Pas de quoi devenir bien riche, n’est-ce pas ? Le poète David Goudreault, présent à cette belle soirée, a d’ailleurs dit à la blague qu’avec ses droits d’auteur, « j’ai fait une épicerie ! »

Pour une auteure à succès comme Kim Thùy, on compte combien d’écrivains de talents qui, comme David Goudreault, ne peuvent pas vivre de leur métier ?

Pour déguster ce plaisir unique qui est celui de plonger dans un livre comme Ru, il faut que tout l’écosystème de l’édition soit en bonne santé. De l’auteur au lecteur, en passant par le diffuseur, le libraire et quantité d’autres acteurs. Le gouvernement a tenu une commission parlementaire sur le projet de « prix réglementé du livre ». On attend toujours la décision du ministre de la Culture Maka Kotto.

En France, le prix unique du livre existe depuis une trentaine d’année. Un excellent reportage diffusé récemment sur France Télévision expliquait combien il était difficile pour une librairie indépendante de résister et de survivre. Elle doit garder sa place face à l’immense Amazon qui, malgré l’obligation de pratiquer les mêmes prix que les libraires, attire des clients pressés qui peuvent recevoir chez eux des livres sans frais de livraison. La librairie est un commerce de destination et de proximité. Une amie plongée dans les études de marché pour ouvrir une librairie à Paris me racontait qu’idéalement, sa librairie devrait être placée à proximité d’une boulangerie, d’un boucher et construire sa réputation sur l’expertise et la passion du libraire.

Si on veut qu’il y ait encore des Kim Thùy au Québec demain, le gouvernement doit non seulement légiférer sur le prix unique du livre mais réfléchir à l’ensemble de l’écosystème : alphabétisation, prix du livre, accessibilité, bibliothèques, etc. C’est la santé de notre société qui en dépend. Comment penser avoir une économie forte si plus de la moitié de la population est analphabète fonctionnel ?

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Sébastien Barangé, Directeur des communications et affaires publiques de CGI. (Twitter @SBarange)

Sébastien est reconnu pour son engagement envers la communauté montréalaise et siège au sein de plusieurs conseils d’administration dans les secteurs de l’éducation et de la culture.

 

 

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