Le mirage du boom économique


Édition du 23 Mars 2019

Le mirage du boom économique


Édition du 23 Mars 2019

CHRONIQUE — Sur quoi repose le rendement à long terme des actions ? Parmi les facteurs déterminants, on trouve le taux des bénéfices et des dividendes des sociétés ainsi que leur croissance.

On pourrait déduire que les pays en forte progression économique renferment les entreprises au potentiel de croissance le plus intéressant, donc les meilleures occasions d'investir. Est-ce le cas ? Eh bien non.

Prenons la Chine. Durant les 21 dernières années, ce pays a trôné au sommet du palmarès de la plus forte croissance économique.

Le rendement offert par le marché boursier chinois a pourtant été décevant, avec un rendement annualisé moyen (en dollars US) de 3,5 %.

Le Canada, le Mexique et les États-Unis ont connu une progression économique nettement plus modeste, ce qui n'a pas empêché l'investisseur d'y connaître des rendements beaucoup plus intéressants, respectivement de 8,3 %, 8,0 % et 9,6 %. Une étude du Financial Analyste Journal, qui a analysé le rendement boursier de 43 pays au cours des 21 dernières années, vient d'en faire la démonstration.

Le phénomène s'explique par la mondialisation des marchés financiers, par l'«effet croissance» et l'impact de la dilution liée à l'émergence de nouvelles entreprises.

Attention, mirage !

La mondialisation a permis à des sociétés localisées dans des pays économiquement plus matures d'augmenter leurs bénéfices grâce à leurs activités à l'étranger, dans des économies à forte croissance. Plusieurs entreprises américaines et canadiennes ont pu rayonner outre-mer au grand bonheur de leurs actionnaires.

La deuxième raison qui explique les pauvres performances boursières des sociétés évoluant à l'intérieur d'économies en plein boom repose sur un préjugé, les marchés ayant tendance à surévaluer le potentiel de ces entreprises, donc à leur attribuer un prix trop souvent trop élevé. C'est ce que j'ai appelé plus haut l'«effet croissance».

Quant à l'effet dilution, il provient du fait que dans les pays à forte croissance, on compte beaucoup plus de nouvelles émissions d'actions. Cela ne fait aucun doute que ces nouvelles entreprises stimulent l'économie. Toutefois, un investisseur doit subir l'effet dilution à chaque nouvelle émission. La croissance économique liée aux futures émissions d'actions ne crée pas automatiquement de rendement pour les investisseurs d'aujourd'hui.

Dans les pays où l'économie connaît une forte expansion, on constate également davantage de nouvelles entrées en Bourse. Le marché boursier chinois est 200 fois plus grand qu'il y a 20 ans alors que le rendement offert à l'investisseur a été faible.

Comment est-ce possible ? La croissance de ce marché boursier ne provient pas de la rentabilité des entreprises qui existaient il y a 20 ans, mais des nouvelles sociétés depuis inscrites en Bourse.

Alors, vers quoi les investisseurs doivent-ils se tourner ? Là où les entreprises font le plus de rachats de leurs actions. Par conséquent, mieux vaut éviter les endroits où les entreprises multiplient les nouvelles émissions d'actions qui diluent les parts des investisseurs.

Où investir en 2019 ?

Un des indicateurs auquel l'investisseur doit s'attarder lorsqu'il réfléchit à la répartition géographique de son portefeuille est donc le taux des rachats nets d'actions (les rachats d'actions moins les nouvelles émissions) des sociétés d'un pays donné. À lui seul, ce facteur explique plus de 80 % du rendement du marché boursier d'une région par rapport à une autre. Intuitivement, l'idée est logique. Si le dirigeant d'une entreprise conclut que le rachat d'actions est un bon investissement pour sa société, c'est un signal que le titre est sous-évalué, donc qui offre du potentiel à l'investisseur.

En conclusion

Les réformes fiscales aux États-Unis favorisent le rachat d'actions, tout comme la hausse prévue des bénéfices des entreprises américaines. Il est probable qu'une bonne portion de ces rachats soit financée avec de l'encaisse rapatriée de l'étranger. On peut conclure que le marché boursier américain offre de bonnes perspectives.

Pour la Chine, c'est différent. Là-bas, on continuera de voir de nouvelles entreprises arriver en Bourse ou accroître la capitalisation des sociétés existantes. Aussi, l'intégration complète de grandes entreprises chinoises comme Alibaba et l'inclusion des actions de catégorie A dans les indices aura un effet dilution.

Méfiez-vous des apparences, pour l'investisseur, «tout ce qui brille n'est point or».

À propos de ce blogue

Richard Guay est professeur titulaire en finance à l’ESG UQAM et ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Richard Guay