Pour éviter que le Québec ne se retrouve cassé en deux


Édition du 19 Décembre 2015

Pour éviter que le Québec ne se retrouve cassé en deux


Édition du 19 Décembre 2015

Faut-il fermer les régions défavorisées au Québec ? La question, tout aussi absurde qu’elle puisse paraître, n’est que l’écho de ce qui s’est déjà passé ici. Elle vient à nouveau d’être posée lors d’une intervention aussi intempestive que maladroite du Conseil du patronat du Québec (CPQ), à la fin de janvier.

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En gros, le Conseil recommandait au gouvernement de favoriser le déplacement des citoyens de ces régions pauvres vers d’autres secteurs, là où ils ont de meilleures chances de se trouver du travail. De là à promouvoir l’exode rural, il n’y a qu’un pas, et les critiques ont été acerbes.

Constatant qu’il s’aventurait sur un terrain miné, le CPQ a tenté par la suite de nuancer sa position en affirmant qu’au fond, l’essentiel était de créer des emplois convenables pour permettre aux gens d’améliorer leurs conditions de vie. Autrement, pouvait-on lire entre les lignes, on ne fait que prolonger la lente agonie de ces milieux réduits à la dépendance.

Le Conseil a été accusé d’insensibilité. Il faut dire que les habitants de ces territoires fragiles en ont lourd sur le cœur. Les précédents épisodes de relocalisation ont laissé un goût amer.

Dans les années 1970, le Bureau d’aménagement de l’Est du Québec (BAEQ) avait mis en œuvre un programme de fermeture de villages mal en point dans l’arrière-pays du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Plusieurs ont été rayés de la carte, et leurs citoyens ont été relocalisés, souvent contre leur gré, dans des centres plus importants. Les transplantations n’ont pas toujours réussi, et des problèmes sociaux ont suivi. Ils étaient peut-être pauvres, ces gens, mais ils étaient attachés à leur coin de pays. Aujourd’hui, seuls les plus vieux se souviennent encore de Saint-Jean-de-Dieu, de Saint-Octave-de-l’Avenir et des autres municipalités disparues.

Et on voudrait recommencer ?

Il reste que l’enjeu demeure : un nombre élevé de villages québécois est en perdition et leur avenir est incertain. Cela conduit souvent les ménages les plus jeunes à les déserter, ce qui accentue le problème. Et personne n’a encore trouvé de solutions acceptables.

Le débat ne date pas d’hier.

En 1988, la revue Relations présentait un dossier qui allait faire époque. On y évoquait un Québec « cassé en deux », une fracture entre les régions riches, de plus en plus riches, et les pauvres, de plus en plus pauvres. Si rien n’est fait pour réduire le fossé, écrivaient les auteurs, prophétiques,

les migrations vers les centres plus prospères vont s’accélérer, vidant les régions périphériques de leur population au risque de précipiter leur désintégration. Ce phénomène porte désormais un nouveau nom : la « dévitalisation ».

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L’immigration a tout d’une chance, rien d’une contrainte

De 5 700 à 10 000 entreprises québécoises sont menacées de fermeture d’ici 2024 si la relève entrepreneuriale n’est pas au rendez-vous, signalait l’an dernier une étude réalisée pour la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

D’ici 2026, l’industrie minière canadienne devra embaucher quelque 106 000 travailleurs de plus du fait des nouveaux projets ou des départs massifs à la retraite, selon Ryan Montpellier, directeur général du Conseil des ressources humaines de l’industrie minière. Et les entreprises présentes sur le territoire québécois participeront évidemment à la chasse.

On pourrait multiplier à ne plus finir les exemples de ce genre, mais en raison de la quasi-stagnation de la population active au Québec, il faudrait un miracle pour satisfaire la demande. Oui, il y aura toujours des gens en quête de travail, mais ils ne sont pas forcément qualifiés pour répondre aux besoins toujours plus pointus du marché du travail. Ici, les mineurs ne travaillent plus au pic et à la pelle. C’est aujourd’hui un métier spécialisé. Et ne devient pas entrepreneur qui veut.

Pourquoi ne pas mieux utiliser le renfort que les immigrants peuvent offrir à cet égard ?

C’était là le thème d’un des forums de la 21e édition du Forum économique international des Amériques, qui s’est tenu du 8 au 11 juin à Montréal. La journée du 8 était justement consacrée aux grands enjeux économiques mondiaux, comme ceux de la mobilité mondiale et de la compétitivité qui en dépend plus que jamais.

On doit constater que le Québec, et le Canada au grand complet, ne sont pas les seuls à convoiter les talents venus d’ailleurs. Les gens déterminés et compétents qui sont prêts à se déplacer sont très recherchés. Mais il ne suffit pas de les attirer chez nous : leur rétention, puis leur intégration dans leur nouvelle patrie exigent également de l’attention... sans compter les efforts à déployer pour éliminer les barrières et les préjugés chroniques qui gangrènent le débat sur l’immigration.

Un panel de haut niveau était réuni pour réfléchir à la question et aux stratégies qui s’imposent. On y retrouvait d’abord la ministre québécoise de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Kathleen Weil, puis la principale et vice-chancelière de l’Université McGill, Suzanne Fortier, l’auteure et économiste Allison Schrager, venue de New York, ainsi que l’économiste Roslyn Kunin, présidente de Roslyn Kunin and Associates, qui arrivait, elle, de Vancouver.

Mme Schrager a justement rédigé en 2010, pour l’OCDE, un document intitulé « Entrepreneurship and Migrants ». Et elle confirme dans son analyse ce qu’on dit souvent : les personnes qui quittent leur pays en laissant tout derrière elles sont déterminées à améliorer leur sort. De là une plus forte proportion d’entre elles qui choisiront de se lancer en affaires, soit par goût, soit par obligation parce qu’on ne leur aura pas offert de travail qui corresponde à leurs aspirations et aux besoins de leur famille.

La ministre Kathleen Weil rappelait justement qu’au Québec, une personne immigrante sur trois souhaite se lancer en affaires, alors que le taux est de un sur cinq pour les Québécois de souche, selon le plus récent Indice entrepreneurial de la Fondation de l’entrepreneurship. Mais il reste aussi du travail d’éducation à compléter auprès de l’ensemble de la population pour que l’apport des immigrants soit vu comme une chance à saisir, et non comme une contrainte.

Plusieurs autres aspects ont été soulevés, entre autres le cas des étudiants universitaires étrangers sur lesquels on devrait miser davantage, ou le débat sur les travailleurs temporaires venus d’ailleurs, dossier au sujet duquel Ottawa semble réagir avec excès à cause d’abus locaux et isolés. Mais quoi qu’il en soit, la question du rôle de l’immigration dans la recherche d’une économie plus solide est lancée, et il convient de l’enrichir de discussions tout aussi éclairées.

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Il faudra des acrobaties pour conserver le Cirque du Soleil

Guy Laliberté avait à peine 19 ans quand il s’est joint à la troupe des Échassiers de Baie-Saint-Paul, en 1978. C’était comme accordéoniste perché sur des échasses. Trente-sept ans plus tard, il trône sur le Cirque du Soleil, devenu un empire dans l’industrie du spectacle... empire sur lequel est apposée une affiche « À vendre ».

C’est dommage, mais il ne faut pas s’étonner. Après quatre décennies passées à déployer ses talents d’organisateur, l’ancien musicien de rue a le goût de passer à autre chose. Mais on peut légitimement s’interroger sur l’avenir du Cirque et, surtout, de sa présence importante dans le paysage québécois.

Le gouvernement québécois implore Guy Laliberté de tout faire pour que le siège social et les décideurs du Cirque restent ici. Sauf que le principal propriétaire du Cirque fera bien ce qu’il voudra. Surtout s’il se rappelle comment on l’a regardé de haut, lui et ses complices, quand il se promenait d’institution en institution pour trouver le soutien nécessaire à son rêve au début des années 1980. Qui allait prêter des fonds à un amuseur public qui prétendait réinventer l’univers du cirque alors dominé par des groupes internationaux ? Et n’eût été l’appui in extremis d’une caisse populaire de la basse-ville de Québec (et de l’intervention personnelle de René Lévesque, dit-on), le soleil ne se serait jamais levé pour ces jeunes saltimbanques ambitieux.

La valeur du bloc de Guy Laliberté, qui possède 90 % du capital du Cirque, est aujourd’hui estimée à 2 milliards de dollars. On aurait même pu imaginer un plus gros montant.

En novembre 2001, un texte que j’avais publié dans le défunt magazine Commerce indiquait que, dans le milieu, on évoquait une facture de 400 millions de dollars pour le rachat des parts du président et copropriétaire à 50 % du Cirque, Daniel Gauthier, qui avait décidé de s’en aller. Guy Laliberté avait d’ailleurs dû travailler fort pour réunir une telle somme. Il était donc question au bas mot d’une valeur globale de 800 M$.

Quatorze ans plus tard, après avoir rayonné aux quatre coins de la planète, la valeur du Cirque du Soleil serait un peu plus de deux fois celle qu’il avait au tournant du siècle, pas davantage ? En tenant compte de l’inflation, ce serait une progression plutôt modeste.

Il est vrai que les dernières années ont été plus difficiles et que la magie du Cirque n’agit plus automatiquement comme autrefois. Certains spectacles dont la production a été coûteuse (comme Iris ou Zarkana) n’ont pas levé. Le resserrement des finances a forcé le Cirque à mettre à pied 400 employés, en bonne partie à ses installations de Montréal. L’entreprise est poursuivie actuellement pour 1,5 M$ par une acrobate victime d’un accident. Le Cirque n’est plus invulnérable aux bavures, et sa valeur marchande en a vraisemblablement souffert.

Mais la seule vue du grand chapiteau jaune et bleu donne toujours des frissons. Le Cirque du Soleil est toujours un immense objet de fierté au Québec. C’est pourquoi l’hypothèse qu’il passe entre des mains étrangères, faute d’acheteurs québécois, suscite de l’amertume.

Mais qui, ici, pourrait réunir une telle somme ? Il faudrait un consortium, et encore. Rappelez-vous ce qui est survenu lorsque les Expos ont été acquis par un groupe d’investisseurs québécois, en 1991. Personne n’osait s’aventurer seul à investir la centaine de millions de dollars que demandait alors Charles Bronfman. Trop de cuisiniers gâtent la sauce. Cela a été le début de la fin pour le baseball majeur à Montréal.

On ne voudra surtout pas répéter l’expérience. Ce qui signifie quasi inévitablement l’arrivée d’un ou de plusieurs acheteurs étrangers. S’il s’agit essentiellement d’investisseurs, le Cirque pourrait bien conserver son adresse montréalaise. Mais si c’est plutôt un exploitant (comme Disney) qui l’acquiert, la suite risque d’être plus sombre, consolidation oblige. Non pas que le Cirque disparaîtrait du paysage, mais sa marge de manœuvre réelle ainsi que l’effectif du siège social seraient inévitablement sous pression.

La vente est imminente, paraît-il. Qui sait ? Les membres du Cirque du Soleil nous ont habitués à d’extraordinaires prouesses, peut-être arriveront-ils à nous surprendre encore une fois.

 

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