Ottawa dans le rouge, Québec dans le vert


Édition du 28 Novembre 2015

Ottawa dans le rouge, Québec dans le vert


Édition du 28 Novembre 2015

C'est le monde à l'envers. Ottawa est parti pour s'enfoncer dans les déficits budgétaires, alors que le gouvernement du Québec présente un surplus... pour l'instant.

En passant, cette marge de manoeuvre imprévue pourrait, ou devrait, inciter Québec à être plus flexible pour débloquer les négociations qui demeurent laborieuses avec ses employés.

Pourtant, il y a quelques semaines à peine, on s'attendait à ce qu'Ottawa se drape de vert et que Québec se résigne au rouge. Mais les mises à jour budgétaires que viennent de nous présenter les ministres des Finances Carlos Leitao, à Québec, et Bill Morneau, à Ottawa, arrivent à des conclusions plutôt étonnantes.

Pour ce qui est du fédéral, ce n'est pas forcément renversant. Le directeur parlementaire du budget avait déjà signalé que les surplus anticipés allaient fondre dès l'an prochain pour se transformer en déficit. Mais on ne pensait pas que le déséquilibre allait survenir aussi tôt.

Le ministre Morneau prévoit maintenant un manque à gagner de 3 milliards de dollars pour l'exercice en cours, suivi d'une perte encore plus importante de 3,9 G$ l'exercice suivant. Il envisage un retour des excédents en 2019-2020 ; mais comme la situation s'est rapidement détériorée par rapport à ce qu'on entrevoyait il y a seulement six mois, mieux vaut considérer avec réserve les prévisions sur plusieurs années.

Et encore, dans le communiqué de presse qui accompagnait cette mise à jour, le ministre Morneau indiquait que ces prévisions «ne prennent pas en compte les mesures qui seront adoptées par le gouvernement». Autrement dit, il faudra ajouter le coût des promesses électorales, notamment l'injection de milliards de dollars additionnels dans les infrastructures.

Par comparaison, l'annonce d'un surplus significatif de plus de 1 G$ pour les finances québécoises, pour la période d'avril à septembre, est nettement plus surprenante. Le ministre Leitao a rapidement voulu calmer le jeu en ajoutant que le plus gros des dépenses de l'État surviendrait en deuxième moitié d'exercice financier et que cette accalmie n'était que temporaire.

On comprendra sa prudence. Le front commun des employés de l'État québécois, déjà sur les dents puisqu'il juge les offres du gouvernement trop frugales, a sauté sur l'occasion pour réclamer un assouplissement de ces offres. Cela est bien compréhensible.

La question est maintenant de savoir ce qui attend vraiment les finances canadiennes et québécoises au cours des prochains mois et des prochaines années. La réponse dépend surtout de facteurs que nous ne contrôlons pas, car la partie se joue à l'échelle de la planète.

Le ministre Morneau a lui-même mis en cause la faiblesse continue de l'économie mondiale, en rappelant que le Fonds monétaire international a abaissé à 3,1 % le taux de croissance mondial prévu pour 2015, soit le même taux que lors de la crise de 2009. Dans ces conditions, l'économie canadienne - qui dépend toujours en grande partie de la demande de ressources naturelles - ne pourra pas accomplir de miracles. De là le caractère inexorable des déficits à venir même avant que les engagements libéraux n'entrent en vigueur.

Des perspectives modestes

On peut donc se demander si le gouvernement Trudeau ira de l'avant ou sera plutôt porté à temporiser quant aux baisses d'impôt destinées à la classe moyenne et aux PME. Et qu'en sera-t-il des investissements «massifs» dans les infrastructures ? Chose presque certaine, comme il lui faut amasser tous les revenus qu'il peut, les hausses d'impôt qu'il veut faire subir aux gens à revenus plus élevés seront certainement décrétées. Mais Ottawa devra bien en mesurer les conséquences : le pays n'est certes pas en position de voir partir ceux sur qui il compte pour renflouer en partie ses coffres.

La situation semble différente pour le moment à Québec, mais les perspectives restent modestes. L'industrie minière sur qui on fondait de grands espoirs doit composer avec des prix qui ne cessent de fléchir. Au 23 novembre, celui du cuivre était descendu à un seuil inédit depuis six ans. C'était pire pour le nickel, dont le cours était redescendu au creux de 2003. Les prix finiront bien par rebondir, mais à court terme, la caisse ne résonnera pas autant que souhaité.

D'où l'intérêt de ce début d'année plus souriant pour les finances publiques. Il se peut que le choc survienne plus tard, mais c'est déjà ça de pris. Il suffirait que certains investissements industriels se matérialisent pour que la colonne des revenus prenne du poids. D'autant que le service de la dette, lui, continue de diminuer en termes relatifs en raison de la faiblesse des taux d'intérêt.

Dans les circonstances, le gouvernement Couillard devrait jeter du lest et améliorer ses offres à ses employés. On ne peut pas décemment demander aux gens de s'appauvrir en ne leur proposant même pas une hausse équivalente à celle de l'indice des prix à la consommation. Oui, leurs conditions de travail sont par moments avantageuses, à commencer par la protection qu'offrent les régimes de retraite, mais avant la retraite, il faut quand même vivre. Si seulement on pouvait baisser le ton de part et d'autre...

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