Monter le ton pour défendre nos grandes entreprises


Édition du 14 Mai 2016

Monter le ton pour défendre nos grandes entreprises


Édition du 14 Mai 2016

[Photo : Bloomberg]

Chaque année, environ 800 vice-présidents d'une multinationale ayant son siège social à Montréal se réunissent dans la métropole pour discuter des enjeux de l'entreprise. La plupart sont originaires de l'étranger, et leur seule venue alimente directement l'économie montréalaise. Ils n'iront pas loger chez l'habitant ni manger au casse-croûte du coin.

Cette entreprise, c'est CGI, qui emploie maintenant 65 000 personnes dans le monde.

Celui qui me raconte cette histoire, Claude Séguin, est bien placé pour en parler. Il est lui-même vice-président principal de CGI, et y est notamment responsable des acquisitions qui ont accéléré la croissance de ce géant des services-conseils en technologies de l'information. Il a publié en mars 2010 avec le regretté Marcel Côté un document marquant sur Montréal, le rapport Côté-Séguin, intitulé «Une métropole à la hauteur de nos aspirations». L'importance des sièges sociaux y était abondamment discutée. «Il est difficile d'en attirer d'imposants, il faudrait au moins ne pas en perdre», dit-il aujourd'hui.

Les ventes successives de Rona et du Groupe St-Hubert viennent évidemment assombrir le portrait d'ensemble. Ces grandes entreprises se retrouvent chacune au centre d'un écosystème économique qui s'affaiblira inévitablement, parce que leurs sièges sociaux, quoi qu'on en dise, perdront de l'influence. Il suffit de regarder ce qui arrive à l'ancienne Alcan, malgré toutes les belles paroles lancées à l'époque par son acquéreur, Rio Tinto. L'influence du bureau montréalais fond comme une peau de chagrin.

Il ne faudrait pas pour autant conclure à une hémorragie de sièges sociaux, rappelle Claude Séguin. On entend parler de ceux qui sont menacés, mais il y a de grandes sociétés québécoises qui montent au front, telles, outre CGI, les jeunes Lightspeed, Lumenpulse, Stingray et compagnie.

Sauf qu'aux yeux de Claude Séguin, on se défend mal au Canada quand surgit une offre hostile qui vient tout chambouler. C'est ce qui s'est passé avec Alcan et Osisko. Par contre, lorsque Canadien Pacifique (CP) a voulu acheter l'américaine Norfolk Southern, des barrières réglementaires se sont dressées sur son chemin et le transporteur ferroviaire a dû renoncer.

«En France, les actionnaires inscrits depuis au moins deux ans détiennent deux droits de vote pour chaque action ordinaire», dit-il. On court-circuite ainsi, en partie, les "actionnaires touristes ", comme les qualifie Yvan Allaire, le président exécutif de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques. Il devient plus compliqué de lancer une offre hostile en accumulant à court terme un bloc d'actions. «Il existe d'autres moyens, des pilules empoisonnées, par exemple, dont l'efficacité est réduite ici par la réglementation, alors que d'autres États reconnaissent leur légitimité», ajoute le dirigeant de CGI.

Sans compter tout le débat sur les actions à droits de vote multiples, relancé par l'hésitation du gouvernement fédéral à venir en aide à Bombardier... «Mais si c'est bon pour Google ou pour Facebook, dit Claude Séguin [il aurait pu ajouter pour CGI], pourquoi ne le serait-ce pas dans ce cas ? Les investisseurs s'associent à ces entreprises en toute connaissance de cause parce qu'ils croient à leur avenir. Où est le problème ?»

Elle était passionnante, cette conversation avec Claude Séguin. Entre autres sujets, nous avons abordé l'épineuse question de la passation des pouvoirs pour les entreprises familiales québécoises. Vous pourrez en prendre connaissance dans mon blogue, sur lesaffaires.com.

Une belle cause pour les jeunes

Le mercredi 18 mai, Academos tient sa soirée-bénéfice annuelle au Cabaret du Casino de Montréal. J'en glisse un mot pour deux raisons.

La première, parce que cet organisme à but non lucratif est unique en son genre. Il permet de relier gratuitement par Internet deux générations. D'un côté, des jeunes de 14 à 30 ans qui s'interrogent sur leur avenir et qui veulent en savoir davantage sur un métier ou une profession. De l'autre, des mentors, des personnes expérimentées disposées à partager avec eux leurs connaissances pour les aider à y voir plus clair. Avec le Web, dont la beauté est de transcender les distances, un jeune de Drummondville qui s'intéresse au monde minier, par exemple, peut communiquer avec un mentor de l'Abitibi ou de la Côte-Nord, qui l'aidera dans son cheminement.

Academos regroupe quelque 1 700 mentors et 30 000 jeunes dûment inscrits.

La deuxième raison, parce que, en toute transparence, je suis l'un des deux présidents d'honneur de cette soirée.

Je m'intéresse depuis longtemps aux questions liées à la relève et à la persévérance scolaire. Mon collègue pour la circonstance n'est pas le dernier venu : Pierre Dumouchel est directeur général de l'École de technologie supérieure (ÉTS) à Montréal, dans le quartier Griffintown.

Pierre Dumouchel est également un musicien accompli. Ce qui frappe, quand on entre dans son bureau, c'est la présence d'un piano à queue qui lui est cher et dont il joue avec adresse. Plus tôt dans sa vie, il a notamment dirigé des orchestres de jeunes. Et le lien entre sa nature de musicien et ses fonctions de dirigeant lui semble clair : «Si je suis devenu directeur général de l'ÉTS, c'est entre autres du fait des compétences et des réflexes que j'ai développés comme chef d'orchestre, où il convient de diriger un groupe tout en détectant les talents et en les aidant à se déployer.»

Bonne chance à Academos !

De mon blogue

Entreprises : agir pour éviter de perdre d'autres sièges sociaux

Pour Claude Séguin, la vente de St-Hubert à Cara n'est qu'un des premiers épisodes d'une forte tendance qui s'amorce. Nos «fleurons», selon l'expression consacrée, seront de plus en plus exposés, et les acheteurs ne seront pas tous québécois, bien au contraire [...] Peu importe les moyens, il faut se rendre à l'évidence : le Québec n'est pas assez pourvu en grandes entreprises pour risquer de les voir se faire avaler les unes après les autres. Le débat est émotif, nous nous en sommes aperçus avec les affaires Rona et St-Hubert. Il convient maintenant d'agir concrètement pour ne plus en être réduits à déplorer les départs.

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