Marcel Côté et Jacques Landreville, deux hommes peu communs


Édition du 31 Mai 2014

Marcel Côté et Jacques Landreville, deux hommes peu communs


Édition du 31 Mai 2014

Il n'avait aucun penchant pour la rectitude politique, un trait de caractère de plus en plus rare de nos jours. La tendance est plutôt aux phrases creuses et ronflantes, ce dont il avait horreur, et ce n'est là qu'une des raisons pour lesquelles nous allons nous ennuyer de Marcel Côté.

Taillé tout d'une pièce, direct et affable, il savait aussi se montrer abrasif. J'ai eu affaire à lui tout au long de ma carrière, et lorsqu'il fallait aller chercher une opinion tranchée sur un sujet, c'est souvent vers lui que je finissais par me tourner. Lorsqu'on le sollicitait, le cofondateur de Secor répondait.

Je me souviens de cet événement organisé par la Jeune Chambre de commerce de Montréal à l'hiver 2010, où il était l'un des conférenciers. «L'agglomération de Montréal compte 101 maires [82 villes plus 19 arrondissements], elle souffre de structurite aiguë, c'est une cacophonie perpétuelle ; allez donc décider avec ça», avait-il lancé.

C'est peut-être pour y remédier qu'il avait décidé de se lancer en politique active, visant la mairie de Montréal, après avoir passé sa vie à conseiller les dirigeants dans les coulisses. À la surprise de bien des gens, on l'avait alors vu se promener en Bixi, pour apprendre que le vélo était réellement un de ses modes de déplacement préférés en ville. Mais on se doutait aussi que son franc-parler allait finir par le desservir, alors que les campagnes électorales sont essentiellement des opérations de charme. Marcel Côté savait être charmeur en privé, sauf qu'en public, il était plutôt du genre à dire tout haut ce qu'il pensait, quitte à heurter certaines susceptibilités, ce qui ne le dérangeait pas vraiment.

Rappelez-vous seulement cet épisode où il avait imprudemment affirmé que la mafia était plus démocratique que les associations étudiantes au Québec... Il s'était fait sévèrement rabrouer. L'image était excessive, c'est vrai. Pourtant, nous venions de vivre une crise alimentée entre autres par des manoeuvres souvent discutables lors des votes pris durant les assemblées générales étudiantes. Mais il ne fallait pas en parler tout haut, ça aurait été choquant. Lui n'avait pas peur d'en débattre.

En même temps, il évoquait avec passion le caractère étudiant de Montréal, sa ville d'adoption (il venait de Malartic, en Abitibi). C'était, à ses yeux, un des piliers sur lesquels on pouvait rebâtir la prospérité de la ville. De Montréal, il parlait souvent haut et fort, la défendant contre ses détracteurs tout en déplorant ses misères. À la différence de tous ceux qui se lamentent mais ne font rien, il plongeait régulièrement dans la mêlée. Avec Claude Séguin, de CGI, il avait d'ailleurs repéré quelques axes de croissance à la suite d'un congrès de l'Association des économistes québécois. Outre son statut de haut lieu universitaire, MM. Côté et Séguin retenaient l'effervescence créatrice de la ville, son côté multiculturel et le désir d'en améliorer la gouvernance, trop fragmentée.

Marcel Côté ne verra pas les résultats de ses interventions, mais on doit souhaiter que les acteurs politiques d'aujourd'hui s'en inspirent. Pour le reste, le ciel est déjà moins tranquille maintenant qu'il y est rendu. Ça va brasser !

Adieu, Jacques Landreville

La dernière fin de semaine a été mauvaise. Un autre grand Montréalais vient de nous quitter : Jacques Landreville, ex-pdg d'Uni-Sélect, qui avait eu Marcel Côté comme professeur lors de ses cours de finance à l'Université de Sherbrooke.

Le parcours de ce gestionnaire hautement respecté, aussi chaleureux qu'efficace, aura été tout sauf conventionnel. Fils d'un épicier boucher de Saint-Henri, il a quitté l'école très tôt pour se consacrer à sa passion : les chevaux. C'est ainsi qu'il a été remarqué par Fridolin Simard (cofondateur de Simard-Beaudry, une entreprise rachetée plus tard par Tony Accurso). Alors propriétaire de L'Estérel, dans les Laurentides, celui-ci se cherche un moniteur d'équitation. Il finit par engager le jeune Landreville, qui devient ensuite son chauffeur privé.

Fridolin Simard s'aperçoit rapidement que le jeune homme est doué. Il le convaincra de retourner aux études. Jacques Landreville s'y engagera avec ardeur : bac en sciences comptables à HEC, maîtrise en finance à l'Université de Sherbrooke, études prédoctorales à l'INSEAD, en France... Il devient ensuite professeur, d'abord à l'UQAC, puis à l'Université de Sherbrooke, où il occupera le poste de directeur du programme de MBA.

C'est alors que sa fulgurante transformation professionnelle prend un autre tour : il fait le saut dans le secteur privé, d'abord chez Humpty Dumpty, pour débarquer chez Uni-Sélect comme président, en 1991. Le distributeur de pièces pour voitures et camions a alors un chiffre d'affaires de 200 millions de dollars. Avec des acquisitions planifiées et une entrée sur le marché américain, Jacques Landreville l'aura élevé à 1,3 milliard de dollars au moment de son départ, en 2007.

Il sera par la suite très demandé pour siéger à des nombreux conseils d'administration, mais sa santé vacille. Une transplantation cardiaque réussie le remettra sur pied, avant qu'un cancer ne l'attaque à son tour et finisse par l'emporter. Il laisse le souvenir d'un homme droit, profondément humain, qui aura prouvé qu'à force de détermination, de talent - et d'un peu de chance - on peut transformer son destin.

Taillé tout d'une pièce, direct et affable, Marcel Côté savait aussi se montrer abrasif. Quant à Jacques Landreville, son parcours aura été tout sauf conventionnel.

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