L'aluminium est un métal plus léger, mais les sanctions risquent d'être lourdes


Édition du 24 Mars 2018

L'aluminium est un métal plus léger, mais les sanctions risquent d'être lourdes


Édition du 24 Mars 2018

Dans son ensemble, l’industrie de l’aluminium fournit directement du travail à quelque 30 000 personnes au ­Québec, dont près des deux tiers dans la transformation. [Photo: Pixabay]

Mais où va-t-elle tomber, cette fichue taxe des Américains sur l'aluminium, si elle finit par tomber ?

C'est ce que se demandent tous les acteurs de l'industrie au Canada, particulièrement au Québec, où elle est en bonne partie concentrée ; et au-delà du secteur de la production primaire, qui compte quelques très grandes entreprises, c'est tout le milieu de la transformation qui se retrouve sur la ligne de feu par les centaines de PME qui y sont associées.

Quelques statistiques suffisent à montrer l'ampleur et l'acuité de l'enjeu. Dans son ensemble, l'industrie de l'aluminium fournit directement du travail à quelque 30 000 personnes au Québec, dont près des deux tiers dans la transformation. En valeur, c'est là notre deuxième segment d'exportation après l'aérospatiale. Il est alimenté, entre autres, par plus de 1 400 entreprises transformatrices réparties dans toutes - toutes - les régions du Québec.

Ces entreprises comptent en moyenne une centaine d'employés, bien payés, et se distinguent par leurs avancées technologiques. C'est le cas, par exemple, de Raufoss, à Boisbriand, de Verbon, à Sherbrooke, de PCP Canada, à Saguenay, de Sotrem, à Shawinigan, de Métal G7, à Sept-Îles, de Metalus, à Drummondville... La liste pourrait s'allonger presque indéfiniment. Comme répartition géographique, c'est un joli cas d'espèce au Québec.

Tout ce beau monde se trouve toutefois pris en souricière entre les élans protectionnistes américains et la difficile renégociation de l'ALÉNA. Si cette dernière aboutit, tant mieux, sinon... Ça passe vite, une exemption de 30 jours, celle que les Américains ont consentie aux industries canadiennes.

« Pourtant, nous avons vraiment le vent dans les voiles », dit Marie Lapointe, PDG d'AluQuébec, la grappe industrielle de l'aluminium au Québec. En regroupant les grandes entreprises productrices, les équipementiers et les fournisseurs de services, AluQuébec compte quelque 1 500 membres.

Elle comprend que la récente intervention du premier ministre Justin Trudeau ait pris place au Saguenay, qui a valeur de symbole pour l'ensemble de l'industrie. Ses préoccupations vont cependant au-delà des photo op. Elle pense aux PME qui vont trouver le temps long si jamais une surtaxe leur est finalement imposée.

Pourquoi ? Parce qu'elles se situent en bout de course et qu'il leur sera difficile de refiler la facture augmentée à leurs clients.

Voici comment se présente la chaîne d'approvisionnement au Québec.

Environ 85 % de la production primaire (genre lingots) des Rio Tinto, Alcoa et compagnie prend le chemin des États-Unis. C'est là que s'effectue, par d'autres grandes entreprises, une deuxième transformation qui rend au métal la forme désirée par les transformateurs. Les pièces reprennent ensuite le chemin du Québec pour les PME qui en ont besoin, qui finissent le travail en troisième transformation.

Pourquoi passer par les États-Unis ? Il manque encore ici ce maillon essentiel de la chaîne pour la deuxième transformation, qu'on appelle les extrudeurs. Ça viendra un jour. AluQuébec y travaille. En attendant, l'aller-retour entre le Québec et les États-Unis est inévitable.

C'est ici que le bât blesse. Si une taxe est imposée, les multinationales productrices, ici, peuvent éventuellement s'entendre avec leurs vis-à-vis américains, dans le genre « J'en assume une partie, tu prends l'autre et à toi de la refiler à tes clients ». Mais ce sont des PME qui vont ensuite recevoir ces produits de deuxième transformation retournés ici, et leurs prix ne sont pas aussi élastiques. Si on leur charge plus cher pour le métal livré, leurs options sont limitées : elles peuvent casquer la hausse, qui risque forcément de gruger leur marge de profits, ou tenter de la retransmettre à leurs clients à elles, dans un marché hautement compétitif.

L'aluminium côtoie l'acier dans le secteur des véhicules. Une augmentation des prix de l'un risque de profiter à l'autre. Dans les équipements de sport, tous les matériaux, composites ou autres, se font concurrence et le signal de prix est pris en compte. C'est pareil dans tous les domaines.

« Il ne faut pas croire que seules les régions ressources sont en cause », précise Mme Lapointe. Dans les faits, même si c'est peu connu, la moitié des entreprises actives en troisième transformation sont situées dans la grande région de Montréal. Celle de la Capitale-Nationale en compte 119, Chaudière-Appalaches, 111. Comme il se doit, le Saguenay-Lac-St-Jean n'est pas en reste, elle qui compte 141 entreprises actives en troisième transformation, auxquelles s'ajoutent 21 équipementiers, comme Mecfor.

Ces équipementiers qui surfent sur la popularité grandissante de l'aluminium pourront toujours s'en tirer s'ils jouent bien leurs cartes. Leur mission est de rendre les entreprises d'ici et d'ailleurs plus productives. C'est plus délicat pour les transformateurs. L'épée de Damoclès a peut-être évolué, elle est peut-être aujourd'hui en aluminium, mais elle pèse plus que jamais au-dessus de leur tête.

« Et il ne faut pas oublier que l'aluminium québécois est l'un, sinon le plus propre de la planète, ajoute Mme Lapointe, son empreinte carbone est réduite du fait de la participation de nos énergies renouvelables. » Oui, le coût de revient est parfois plus faible en Inde et en Chine, entre autres du fait de salaires moins élevés, mais la donnée environnementale ne devrait-elle faire partie de l'équation aux yeux des Américains ?

Au vu de l'administration en place, ce n'est pas certain. Mais les lois du marché, elles, devraient favoriser l'aluminium québécois tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Il faut espérer que les Américains s'en souviennent, eux qui se proclament les champions de la libre entreprise.

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