Hydrocarbures : dire non en connaissance de cause


Édition du 12 Décembre 2015

Hydrocarbures : dire non en connaissance de cause


Édition du 12 Décembre 2015

Il faut toujours se méfier des prévisions marteaux.

Lors du plus récent colloque Spectre, tenu à HEC Montréal au début de décembre, l'économiste en chef de la Banque de développement du Canada, Pierre Cléroux, a fait sourire l'auditoire en précisant dans son allocution que les économistes et leurs prévisions existent probablement pour mieux faire paraître celle des météorologues...

En fait, il arrive souvent que l'on confonde souhaits et prévisions, ce qui altère la valeur et la pertinence de celles-ci. Les discussions entourant le sort des hydrocarbures, dans la foulée du Sommet de Paris sur le climat, en sont un bon exemple.

On doit réduire au plus vite la part des énergies fossiles dans notre mode de vie. Le consensus à cet effet se répand. Mais il semble également que ce sera davantage une affaire d'éveil aux conséquences possibles que de rareté des ressources, même si certains nous annonçaient plus tôt le contraire.

Vous vous rappelez la théorie du pic pétrolier ? On allait incessamment arriver au bout des stocks de pétrole, une ressource limitée, ce qui allait bouleverser nos sociétés à moins d'emprunter rapidement un autre chemin.

Au Québec, on a entre autres eu droit à l'essai de Normand Mousseau, professeur de physique de l'Université de Montréal, qui a publié en 2008 Au bout du pétrole : Tout ce que vous devez savoir sur la crise énergétique, qui annonçait une crise énergétique si les gouvernements ne modifiaient pas leurs politiques.

Depuis ? On n'a jamais extrait autant de pétrole et les prix sont en chute libre.

Ah oui, les prix. Toujours en 2008, Jeff Rubin, jusque-là économiste en chef à la CIBC, lançait Why your world is about to get a whole lot smaller (Demain, un tout petit monde : Comment le pétrole entraînera la fin de la mondialisation). Il prédisait ni plus ni moins la fin de la mondialisation, puisque les déplacements allaient devenir hors de prix avec un baril de pétrole à 200 $ US dès 2012...

On débat aujourd'hui plus que jamais de nouvelles ententes internationales tandis que, parallèlement, le cours du brut s'effondre. Il n'aurait pas bougé que les échanges commerciaux auraient probablement progressé de toute façon. Le monde s'est rapetissé parce que les nations se sont rapprochées, pas parce qu'elles se sont isolées.

En marge du Sommet sur le climat, on voit rebondir ce genre de déclarations tonitruantes, avec des échos ici alors que le gouvernement québécois signale lui aussi la fin du recours au pétrole et au gaz naturel - bien qu'à ce dernier égard, le premier ministre Couillard se soit gardé une petite gêne en repoussant l'échéance à 2050, dans 35 ans.

C'est encore bien loin. Pourquoi ne pas simplement signaler que c'est là d'abord et avant tout une intention, indépendamment des questions d'offre et de demande, en précisant cependant quels pourraient être les impacts concrets dans la vie de tous les jours ?

Il y aura inévitablement de la résistance. Toujours lors du colloque Spectre, un sondage Léger indiquait que 61 % des répondants québécois ne voulaient rien savoir de payer 50 $ de plus par mois pour une politique énergétique plus verte. Autrement dit, les gens sont d'accord avec les grands principes, mais se méfient des contrecoups.

C'est sur ce plan qu'il convient d'agir, en offrant une feuille de route, un parcours bien balisé, au lieu de multiplier les déclarations intempestives sans réel fondement. Donnons l'heure juste en travaillant à rallier les indécis. À terme, c'est la politique la plus légitime et la plus prometteuse.

Suggestions de lecture pour Noël

Toujours relativement à l'économie, les analyses plus globales sur l'état des choses restent toujours de mise - et moins risquées que les prévisions.

De là l'intérêt de deux ouvrages parus plus tôt cette année et qui présentent, chacun à sa manière, un regard éclairant sur des enjeux propres au Québec. Si vous cherchez à offrir en cette période des fêtes des cadeaux un peu plus judicieux, ils méritent certainement considération.

L'économie du Québec : Contexte et enjeux internationaux, prend la relève de la série Le Québec économique, qui était publiée jusqu'à l'an dernier par le Cirano. L'organisme demeure associé au document. L'ouvrage, une véritable somme, permet de situer les questions propres au Québec dans un environnement mondial, avec force comparaisons et tableaux. Le Cirano et HEC Montréal ont uni leurs forces pour présenter cette encyclopédie éditée par les Presses internationales Polytechnique.

Par ailleurs, l'Institut du Nouveau Monde vient de faire paraître, en novembre, un autre ouvrage de fond, L'état du Québec 2015, qui traite notamment de la pertinence du modèle québécois tel qu'on le connaît aujourd'hui ; il reprend les conclusions d'un grand sondage effectué par Léger selon lequel une majorité de Québécois trouvent que, dans sa forme actuelle, notre modèle ne tient plus la route. Mais comment le réaménager ? C'est l'un des sujets du recueil.

Si on est plus pressé, ou qu'on préfère une perspective plus large, un petit livre paru chez Boréal en 2014, Brève histoire de l'économie mondiale, peut fort bien faire l'affaire. Écrit par l'économiste américain Robert C. Allen et traduit de l'anglais, le livre est préfacé par Pierre Fortin qui note justement : «Voici un scientifique qui écrit pour être lu et compris par des gens comme vous et moi !»

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