Du neuf pour l'économie de seconde main


Édition du 09 Mars 2016

Du neuf pour l'économie de seconde main


Édition du 09 Mars 2016

[Photo : Shutterstock]

Les gens qui ont de l'argent seraient-ils plus enclins à acheter des produits d'occasion ?

Étonnant, mais c'est ce qu'on peut se demander en analysant la dernière version de l'Indice Kijiji, établi à partir de l'Observatoire de la consommation responsable de l'ESG UQAM, en collaboration avec l'Université de Toronto.

Kijiji, c'est ce populaire site de revente en ligne, une sorte de marché aux puces virtuel qui fait de bonnes affaires quand les gens décident eux aussi de réaliser de bons coups en achetant ou en vendant des produits de seconde main. Les vêtements sont les biens les plus recherchés.

Les gens de l'Ouest plus économes

Dans ce regard qui s'attarde aux habitudes de consommation d'un bout à l'autre du Canada, une constatation surprenante s'impose : dans l'ouest du pays, traditionnellement plus fortuné, cette activité de revente est la plus forte, quel que soit le moyen utilisé, des ventes-débarras aux transactions par Internet.

Dans les provinces de l'Atlantique, les citoyens s'échangent en moyenne 60 articles par année. Au Québec, le chiffre grimpe à 67. Mais il monte rapidement en Ontario (79), culmine au Manitoba et en Saskatchewan (87), avant de redescendre légèrement en Alberta (82) et en Colombie-Britannique (80).

Et quand on regarde les données qui s'appliquent aux grandes villes, c'est à Vancouver - où l'immobilier atteint des prix stratosphériques - que ces échanges sont les plus prisés, alors que c'est à Québec qu'ils le sont le moins.

Québec demeure la ville où la période d'accumulation de la mise de fonds requise pour l'achat d'une propriété est la plus courte : selon la RBC, il suffit d'épargner 10 % du salaire moyen avant impôt pendant 2 ans, alors qu'il faut épargner pendant 11 ans à Vancouver !

Après que les gens ont fragilisé leurs finances pour accéder à la propriété, ils n'ont probablement plus le choix d'économiser autant qu'ils le peuvent.

Facteur culturel

Mais je me risque à avancer qu'on peut également voir un élément culturel dans ces tendances.

Qui, parmi les baby-boomers québécois de classe moyenne ou plus pauvre, n'a pas hérité dans sa jeunesse de vêtements, souliers, patins et autres accessoires, de frères, soeurs, cousins, cousines, voisins ou voisines qui allaient - en principe - leur convenir ? Les parents qui se démenaient pour boucler les fins de mois y trouvaient un heureux répit pour leur budget.

Sans verser dans la psychologie élémentaire, je suis certain qu'il se développait alors chez les jeunes une certaine amertume, du genre : «Quand ce sera mon tour, moi ou mes enfants ne porterons pas les fringues du cousin. Je me ferai un honneur de leur offrir du neuf».

Dans le Québec d'aujourd'hui, ces jeunes devenus parents tiennent leur revanche. Leurs enfants n'auront pas à enfiler des vêtements que d'autres ont portés... même si, dans les faits, ils leur seraient allés parfaitement.

Et c'est ainsi que, malgré les prix souvent scandaleux appliqués aux vêtements pour enfants, on s'entête à payer beaucoup pour du neuf. C'est une sorte de revanche de générations, mais qui nous coûte cher avec sa touche de vanité déplacée.

Dans le Canada anglais, de nombreuses personnes qui ne souffrent pas des mêmes vieux complexes s'en font moins. C'est tout à leur honneur. Les chiffres montrent qu'ils achètent davantage de produits d'occasion. De ce fait, ils réduisent la pression sur cette société soi-disant obsédée par la consommation.

Que ce soit par choix ou par obligation, cela n'y change rien. Ces gens recyclent des vêtements. Sans nécessairement le vouloir, ils posent la question : les fringues dont on ne veut plus, ou qui ont rarement servi, sont-elles condamnées au dépotoir ou à la déchiqueteuse ?

On parle beaucoup ces temps-ci du phénomène de l'économie dite de partage. Certains de vos outils pourraient servir à vos voisins quand vous ne les employez pas ? Ou bien, sur le plan commercial (pensons à Communauto ou à Car2Go), vous bénéficiez pendant quelques heures d'une voiture que d'autres utiliseront après vous ?

Partager l'utilisation d'une voiture lorsqu'il est possible de le faire est déjà bien, d'autant plus qu'un véhicule personnel, dont l'usage est onéreux, reste inutilisé 90 % du temps, selon le professeur Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal.

Sauf que, si on veut vraiment réduire le gaspillage qui accable notre société, les échanges de produits d'occasion devraient être encouragés de toutes les manières possibles.

Cela peut déplaire aux marchands, d'autant plus que le commerce de détail traverse une mauvaise passe. Mais faut-il vraiment acheter et payer toujours plus, quand il serait possible et souhaitable de réutiliser ce qui existe déjà ?

La tendance est forte. Elle a donné naissance à des réseaux sociaux tel MyAttik et à des entreprises comme Boomerang Kids. Quoi qu'il en soit, avec l'évolution des comportements des consommateurs, on ne devrait plus être embarrassé de porter les anciens vêtements des cousins ou des cousines !

De mon blogue lesaffaires.com/rene-vezina

Arnaque

Un rappel utile en ce mois de la prévention de la fraude

Les Canadiens ont déclaré s'être fait flouer de 61 millions de dollars en 2015 par toutes sortes de fraudes. Mais ce n'est manifestement que la pointe de l'iceberg, selon le Bureau de la concurrence du Canada, qui évalue que le montant réel des arnaques est au moins 20 fois plus élevé. Et puisque mars a été désigné Mois de la prévention de la fraude, il est approprié de revenir sur les plus courantes, qui continuent de faire des victimes même si les mises en garde se répètent. Hélas, bien des gens continuent de tomber dans le panneau...

Suivez René Vézina sur Twitter @vezinar

À la une

Dette et déficit du fédéral: on respire par le nez!

19/04/2024 | François Normand

ANALYSE. Malgré des chiffres relativement élevés, le Canada affiche le meilleur bilan financier des pays du G7.

Budget fédéral 2024: «c'est peut-être un mal pour un bien»

19/04/2024 | Philippe Leblanc

EXPERT INVITÉ. Les nouvelles règles ne changent pas selon moi l'attrait des actions à long terme.

Multiplier la déduction pour gain en capital, c'est possible?

19/04/2024 | WelcomeSpaces.io

LE COURRIER DE SÉRAFIN. Quelle est l'avantage de cette stratégie?