Dommage, mais nul n'est gazelle en son pays


Édition du 08 Mars 2014

Dommage, mais nul n'est gazelle en son pays


Édition du 08 Mars 2014

Si jamais le programme de gazelles québécoises réussit à prendre son élan pour soutenir leur déploiement à l'étranger, il faudra s'assurer de leur offrir un premier tremplin ici même. Trop souvent, nos PME font les frais de l'adage selon lequel nul n'est prophète en son pays. C'était vrai pour Félix Leclerc, ce l'est tout autant pour les entreprises qui cherchent à faire leur place au soleil.

Éric Bergeron est le président d'Optosecurity, une entreprise de Québec qui pourrait bien se qualifier pour le programme, parce qu'elle ne cesse de galoper... à l'extérieur du Canada. Ses clients, ce sont les aéroports. Optosecurity produit des systèmes qui permettent de détecter les liquides explosifs, et elle a depuis élargi sa gamme avec d'autres logiciels qui permettent d'accélérer le débit des passagers aux points de contrôle.

Quand on pense à cette corvée parfois interminable qu'est maintenant devenu le contrôle de sécurité avant de monter dans un avion... tout ce qui peut rendre l'opération plus efficace et moins pénible devrait être considéré comme une amélioration prioritaire.

C'est ce qu'ont compris les dirigeants d'une quinzaine d'aéroports en Europe. Mais au Canada, aucune autorité aéroportuaire n'a encore daigné considérer les solutions offertes par Optosecurity. Et Éric Bergeron doit constamment expliquer à ses interlocuteurs étrangers que ses produits sont bons, même s'il n'arrive pas à en vendre dans son propre pays !

«No one ever got fired for buying IBM» (Personne n'a jamais été congédié pour avoir acheté des systèmes IBM), soupire-t-il en reprenant ce vieux dicton qui dit, essentiellement, que bien des décideurs préfèrent faire affaire avec de grands acteurs, car ils savent qu'on ne le leur reprochera jamais, quoi qu'il arrive. C'est un peu normal, la prudence veut qu'on s'assure du sérieux des nouvelles entreprises avant de leur confier des mandats. Mais Optosecurity a quand même mérité ses lettres de créance.

Par exemple, ses systèmes sont utilisés à Schiphol, le grand aéroport d'Amsterdam, réputé dans toute la planète pour ses innovations. L'an dernier, il a vu défiler pas moins de 52,5 millions de passagers, son record de tous les temps. C'est plus que tous les aéroports canadiens réunis (51 M de passagers). «Heureusement que ces grands clients internationaux nous servent de caution, soutient Éric Bergeron, parce qu'au Canada...»

Un intérêt pour l'innovation et la productivité

En Europe, les aéroports sont privés et cherchent à devenir toujours plus productifs. De là leur intérêt à accroître la cadence aux points de contrôle. Au Canada, d'un bout à l'autre du pays, ces questions tombent sous la responsabilité de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA), une société de la Couronne. Et jusqu'à présent, elle ne s'est pas montrée intéressée.

C'est à la fois dommage et surprenant. Actuellement, les systèmes d'Optosecurity font l'objet de tests par la Transportation Security Administration (TSA), à Washington, qui a pris la peine de les acheter en bonne et due forme. Si les vérifications sont concluantes, c'est tout le marché américain qui s'ouvrira à la PME de Québec.

Des PME créatrices d'emplois

Elle est loin d'être la seule dans son cas. «Je connais une entreprise canadienne qui s'est installée tout près de la frontière pour avoir une adresse postale américaine, explique Éric Bergeron, de manière à améliorer ses chances de faire affaire avec le fédéral. On en est rendu là.»

Pourtant, les politiciens nous servent de grandes déclarations, la main sur le coeur, pour signaler leur engagement envers les PME dont on reconnaît publiquement l'importance au regard de l'économie canadienne. Mais lorsque vient le moment de leur donner une chance, les préjugés favorables s'envolent.

Les politiciens en question devraient méditer sur cette déclaration récente de Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada : «C'est la création de nouvelles entreprises qui est le moteur naturel de la croissance. À mesure que celles-ci accroissent leur effectif, passant d'un employé à cinq, vingt ou plus, elles créent énormément d'emplois, et ce, dans toutes les économies, pas seulement la nôtre».

Mais pour espérer grandir, il leur faut trouver des assises. Partir se faire valoir loin à l'étranger sans un soutien raisonnable chez soi devient périlleux. Bombardier peut bien vendre ses trains partout dans le monde sans recevoir de grosses commandes ici, mais sa taille et sa réputation jouent en sa faveur. Les PME n'ont pas ces avantages. Il leur faut ramer à contre-courant pour arriver à se faire reconnaître, et plusieurs sont susceptibles de se décourager.

D'où l'intérêt du programme des gazelles. Si le gouvernement est sérieux, et si les priorités subsistent quel que soit le parti au pouvoir, on peut espérer créer une nouvelle génération de championnes. Elles pourront galoper encore plus vite, et encore plus loin, si l'on s'organise pour bien les épauler. Il serait absurde de demander à des PME de porter haut et fort nos couleurs à l'étranger sans daigner les prendre en considération ici même.

À la une

Les prix élevés du chocolat font partie d’une tendance plus large

Il y a 14 minutes | La Presse Canadienne

En février dernier, les prix du cacao étaient près de 65% plus élevés qu’il y a un an.

Résultats des entreprises américaines au 1T: toujours pas d'accroc?

EXPERT INVITÉ. On a remarqué nettement plus de surprises positives que négatives.

Bourse: d'excellents rendements grâce aux «5 magnifiques»

BALADO. Microsoft, Nvidia, Amazon, Alphabet et Meta Platforms ont généré 40% des gains du S&P 500 au premier trimestre.